Le Petit Palais présente donc une rare exposition sur Luca Giordano. Après la
première partie, voici la suite, avec notamment les peintures réalisées en Espagne.
L'influence de Pietro da Cortona
Le peintre Pietro da Cortona rayonna sur la scène romaine où il entreprit de grands chantiers, peignit des retables et des toiles de taille variée. Pendant son séjour romain, Giordano fut très impressionné par cette peinture, qu'il se hâta d'incorporer dans son propre vocabulaire.
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Luca Giordano, Sainte Lucie conduite au martyre, 1659 |
En dépit de leurs efforts, les bourreaux ne parviennent pas à déplacer Lucie, une jeune fille de Syracuse. Le clair-obscur demeure mais la palette est plus colorée et plus lumineuse. Le cartel signale que ce tableau est inspiré de Véronèse.
Saint Alexis
Alexis, un membre de l'aristocratie romaine, abandonna sa vie aisée pour l'ascèse, habitant sous l'escalier de sa propre demeure. Cet exemple d'humilité fut loué dans toute la Chrétienté.
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Pietro da Cortona, Saint Alexis mourant, 1638 |
Giordano admirait beaucoup le drapé rouge et l'ouverture vers le ciel dans ce tableau.
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Luca Giordano, L'Extase de Saint Alexis, 1661 |
On voit clairement ce que Giordano doit à Pietro da Cortona, et certains éléments iconographiques sont repris sans ambiguïté.
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Luca Giordano, La Mort de Saint Alexis, 1663 |
Peinture vibrante et rapide, et une composition très maîtrisée pour s'adapter au format.
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Luca Giordano, Saint Nicolas de Bari sauve le jeune échanson, 1655 |
Illustration d'un épisode traditionnel : un échanson a loué le saint auprès de son maître païen, plongeant celui-ci dans une fureur effrayante. Le saint apparaît pour ramener le jeune garçon dans sa famille. Giordano compose minutieusement la scène pour souligner le miracle et la stupéfaction des personnages présents.
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Luca Giordano, Saint Dominique s'élevant au-dessus des passions humaines, vers 1660 |
Efficace juxtaposition de peinture rapide, à la Rubens, et plus détaillée pour le saint. La toile rappelle beaucoup l'influence de Pietro da Cortona, mais le démon de gauche est une citation du Charon du
Jugement dernier, dans la Chapelle Sixtine.
De nouveaux sujets
La réussite de Giordano au Carmine de Florence lui vaut des commandes prestigieuses : il décore le Palais Medici-Riccardi, oeuvre pour les riches familles de la ville. Ces commandes privées lui fournissent des sujets antiques et libèrent sa peinture des contraintes du genre religieux.
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Luca Giordano, Ariane abandonnée, vers 1680 |
Le thème de la pauvre Ariane délaissée sur l'île de Naxos, thème du
merveilleux opéra de Strauss, inspira aussi les peintres. Giordano le traite avec beaucoup de sensualité, et une magnifique palette lumineuse.
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Luca Giordano, Ariane abandonnée, vers 1680 (détail) |
Giordano avait vu dans le palais des Aldobrandini la
Bacchanale des Andriens du Titien, qu'il cite explicitement dans son personnage d'Ariane.
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Luca Giordano, Vénus endormie, 1663 |
Un autre hommage à Titien : Vénus, Cupidon, rideau, voyeur...
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Luca Giordano, Vénus endormie, 1663 (détail) |
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Luca Giordano, Diane et Endymion, 1680 |
Diane, amoureuse du berger Endymion, obtient de Jupiter qu'il dorme pour l'éternité afin qu'elle puisse l'admirer chaque nuit. Les touches d'humour, la fameuse
maniera allegra, valurent à Giordano de nombreuses commandes. Et quel éclat de la palette !
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Luca Giordano, Le Retour de Perséphone, 1660 |
Perséphone doit passer six mois aux Enfers avec son mari Hadès ; quand elle revient sur Terre avec sa mère Déméter, son apparition déclenche le printemps.
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Luca Giordano, Galatée, 1675 |
Galatée aime Acis mais le cyclope Poplyphème, jaloux, tente de le tuer. Galatée métamorphose son amant en divinité fluviale. Ce tableau ne manque pas d'humour avec ses béliers souriants ! Haendel traitera le thème dans une œuvre delicieuse.
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Luca Giordano, Galatée, 1675 (détail) |
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Luca Giordano, Lucrèce et Tarquin, 1663 |
Une sordide histoire de femme violée par un prince. Lucrèce se suicidera, ce qui provoquera une révolution qui mettra fin à la royauté à Rome. On ne remarque le serviteur noir qu'au second regard...
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Luca Giordano, Vénus rend Enée immortel, 1685 |
Vénus fait couler sur la bouche de son fils l'ambroisie de l'Olympe qui le rendra immortel. Composition savante et lumière superbe.
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Luca Giordano, Jésus parmi les docteurs, 1685 |
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Luca Giordano, Allégorie de la Tempérance, 1685 |
Conservée dans une collection particulière parisienne, ces deux toiles seraient une préparation à des fresques du Palais Medici-Ricciardi.
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Luca Giordano, Allégorie de la Justice, 1685 |
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Luca Giordano, La Madone au baldaquin, 1686 |
De retour à Naples, Giordano doit réaliser une
Vierge du Rosaire pour l'église de Santo Spirito di Palazzo. Il y incorpore un baldaquin, nouveauté qui fait sensation. Les peintres français du XVIIIe siècle répétaient leur admiration pour ce tableau.
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Luca Giordano, Saint François Xavier baptisant les Indiens, 1680 |
Le retable illustre deux Jésuites de la Contre-Réforme : Saint François Xavier,
le missionnaire mort en Asie, et François Borgia, le père de la congrégation.
Giordano en Espagne
Depuis des années, Giordano est un artiste célèbre et sa renommée dépasse les frontières. En 1665, Philippe IV d'Espagne lui commande de grandes toiles pour décorer l'Escurial. En 1692, il y voyage pour réaliser des fresques. Son talent lui vaut d'être appelé partout, à Tolède, à Aranjuez, à l'Alcazar. Il devient peintre officiel du nouveau roi, Charles II, qu'il émerveille en peignant parfois avec les doigts (j'ignorais ce détail !)
La peinture locale, jusque là tenue à l'écart du baroque, reçoit sa nouveauté stylistique comme un choc profond et va être durablement marquée par ce peintre insouciant, joyeux et tellement moderne.
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Luca Giordano, Assomption de la Vierge, 1692 |
Ce tableau de Tolède présente un trompe-l'oeil, rare dans l'oeuvre du peintre.
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Luca Giordano, Assomption de la Vierge, 1698 |
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Luca Giordano, Persée vainqueur de Méduse, 1698 |
Toile pleine de mouvement. Les cadavres me semblent un écho des
peintures de la peste.
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Luca Giordano, Tancrède baptisant Clorinde, 1697 |
Les personnages de la
Jérusalem délivrée, du Tasse, apparaissent dans cette toile qui me semble un pendant de la précédente.
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Luca Giordano, Le Calvaire |
Le cartel cite avec pertinence l'influence de la toile du Tintoret, référence qui m'est également venue tout de suite à l'esprit. Le grand Calvaire de la
Scuola di San Rocco est plus que cité ici ; même le style semble un hommage au peintre vénitien.
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Luca Giordano, Le Calvaire (détail) |
Quelle maîtrise de l'ombre et de la lumière dans les joueurs de dés !
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Luca Giordano, Le Calvaire (détail) |
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Luca Giordano, Minerve et Arachné, 1695 |
Dans
Les Métamorphoses, Ovide narre la légende d'Arachné, qui ose défier la déesse Minerve à un concours de tapisserie. Furieuse de cette outrecuidance, cette dernière transforme sa rivale en araignée. Les monarques ont souvent commandé des tableaux sur ce thème pour avertir leurs sujets trop arrogants.
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Luca Giordano, Minerve et Arachné, 1695 (détail) |
Giordano raconte le moment précis de la transformation.
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Luca Giordano, Mort de Nessus, 1695 |
Au moment de mourir, le centaure Nessus, amoureux de Déjanire, offre à celle-ci une ceinture pour son mari, Hercule. Mais elle est empoisonnée et causera sa mort. Le tableau montre rapidité et sûreté du trait en même temps.
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Luca Giordano, Capture de la Biche de Cérynie, vers 1700 |
Les Travaux d'Hercule furent soudain remis à l'honneur, devenus symbole de christianisation. On se demande bien par quelles circonvolutions on a pu arriver à de telles conclusions...
En tout cas, Giordano reçu commande de quatorze peintures "à l'imitation de tapisseries" pour la
Cason del Buen Retiro à Madrid.
La plupart des peintures réalisées ont disparu, il ne reste sur place que le plafond, et les esquisses préparatoires ont été conservées.
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Luca Giordano, Chasse des oiseaux du lac Stymphale, vers 1700 |
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Luca Giordano, Loth et ses filles, 1695 |
L'histoire de Loth, que ses filles enivrent afin d'avoir une relation incestueuse avec lui et d'assurer sa descendance, a
souvent été illustrée. Dans cette toile très sombre, Giordano parvient à évoquer l'incendie de Sodome, dans le fond.
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Luca Giordano, Samson et le lion, vers 1695 |
Le tableau s'inspire d'une peinture de Rubens que Giordano avait admirée à Madrid.
Les Girolamini
Giordano avait construit depuis des années une relation féconde avec les pères de l'Oratoire, la congrégation de Girolamo Neri (à l'origine de l'oratorio donc), et depuis l'Espagne il leur faisait parvenir des peintures. De retour à Naples en 1702, il reçoit une nouvelle commande pour l'église des Girolamini, qui sera sa dernière.
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Luca Giordano, Cycle des Girolamini, 1704 |
Le cycle de six toiles présente deux saints de la Contre-Réforme, Philippe Neri et Charles Borromée. Giordano peint avec une grande liberté, expérimente encore de nouvelles compositions, et montre une nouvelle manière mûrie à la pratique de la fresque.
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Luca Giordano, Rencontre des saints Charles Borromée et Philippe Neri, 1704 |
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Luca Giordano, Les saints Charles Borromée et Philippe Neri récitant le bréviaire, 1704 |
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Luca Giordano, Saint Charles Borromée baisant les mains de saint Philippe Neri, 1704 |
Au terme de cette éblouissante carrière, Giordano meurt peu après, en 1704. A Naples, on est passé à autre chose : le clacissisme domine, incarné par la nouvelle star Francesco Solimena. Pourtant l'influence de Giordano se poursuivra longtemps, et marquera par exemple un Fragonard, venu étudier sa peinture.
Cette riche exposition est une aubaine, permettant de côtoyer des oeuvres rares. Il est peu probable qu'on en voie une autre consacrée à Giordano de sitôt ! Raison de plus pour se précipiter au Petit Palais.
La découverte de ce génie se poursuit avec votre regard éclairé... Quelle peinture extraordinaire ! Merci.
RépondreSupprimerPierre
Quelle maîtrise chez ce peintre ! J'espère que cette exposition rencontre le succès qu'elle mérite !
SupprimerMerci, Pierre.
Merci pour ce travail qui me permet d'approfondir ce que j'ai découvert dans cette expo. Merci
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour votre chaleureux message, Rodilea !
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