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samedi 21 décembre 2019

Paris : Yan Pei Ming / Courbet Corps-à-corps, au Petit Palais


Outre ses expositions napolitaines, le Petit Palais propose une exposition gratuite qui confronte un géant du XIXe siècle, Gustave Courbet, et un célèbre artiste vivant, Yan Pei Ming.




Courbet est largement exposé au Petit Palais, qui reçut plusieurs dons de Juliette Courbet, complétés par diverses acquisitions.

Yan Pei-Ming est un peintre qui a fui la Chine très tôt et vit en France depuis le début des années 1980. Il a découvert Courbet dans son pays d'origine, avec des reproductions en noir et blanc, et cet artiste l'a fasciné et accompagné au long de sa carrière. La ville d'Ornans d'où Courbet est originaire l'a invité à travailler dans l'atelier historique du maître, afin de susciter un face-à-face artistique. L'exposition emploie le terme de corps-à-corps, plus physique, indiquant plus un combat qu'une rencontre.

Yan Pei Ming au travail.

Ce type de dialogue artistique m'intéresse beaucoup. Si les arts de l'interprétation me passionnent par la dimension qu'apporte l'artiste supplémentaire, et le questionnement intellectuel que ce triangle auteur-oeuvre-interprète suscite, les "beaux-arts" y échappent généralement. Je ne reviendrai pas sur la dimension interprétative d'un accrochage ou d'une exposition, c'est un autre débat.

L'échange entre des artistes de deux époques est souvent très fécond et profite aux deux. Il peut s'agir de variations sur un thème (Les Ménines revues par Picasso), d'une réinterprétation thématique (La Joconde aux clefs de Fernand Léger) ; parfois d'une appropriation stylistique (l'exposition précédente sur Luca Giordano fournit de nombreux exemples). Il s'agit ici de références plus anciennes ; aujourd'hui, le questionnement viserait plutôt à susciter une réaction de l'artiste contemporain face à un legs venu du passé. On ne s'entend pas à une reprise thématique mais davantage à un remous intellectuel, une réflexion sur le matériau et la manière.

Ici, les commissaires d'exposition écrivent : "Il faut croire en la Peinture pour oser affronter les grands sujets de l'histoire, rendre l'animalité de la peinture, se mesurer, en définitive, à Courbet, l'homme de L'Origine du monde, des cerfs à l'agonie et du combat perdu de la Commune de Paris".

Certaines de ces parentés sont évidentes : les portraits de famille de l'un et de l'autre, les animaux de part et d'autre. Le dialogue peut même s'établir entre hommes et animaux, le couple du sommeil répondant à celui des tigres. Parfois l'accrochage n'est pas si limpide : Red Wolf semble bien lointain de ses compagnons de cimaise.

C'est une exposition stimulante, dans un des plus beaux espaces d'exposition parisiens.

Yan Pei Ming, L'artiste à 58 ans, Gustave Courbet, 2019

Yan Pei Ming, L'artiste à 58 ans, Yan Pei Ming, 2019

 L'artiste chinois semble se définir comme un double du Français, plus par le titre que par l’œuvre elle-même. La première est cependant un exemple évident de réinterprétation d'une toile.

Yan Pei Ming, Oncle aveugle, 2019

 Si on avait un doute, cette simple toile suffirait à établir le talent du peintre. Et à définir les caractéristiques de son style.

En haut : Yan Pei Ming, Wild Game : The Way of Wolves, 2011
En bas : Gustave Courbet, Les Demoiselles de la Seine, été, 1857

En haut : Gustave Courbet, La Sieste pendant la saison des foins, 1867
En bas : Yan Pei Ming,  Wild Game : The Way of Crocodiles, 2010

En haut : Yan Pei Ming,  Wild Game : The Way of the Tigers, 2010
En bas : Gustave Courbet, Le Sommeil, 1866

Khalil-Bey commanda à Courbet L'Origine du monde, mais également ce Sommeil érotique. Une scène de sérail transposée dans une chambre européenne.

En haut : Yan Pei Ming,  Tigre, 2019
Au milieu : Yan Pei Ming,  Mon Grand-père, 2019 / Gustave Courbet, Portrait de Régis Courbet, père de l'artiste, 1874

Gustave Courbet, Portrait de Juliette Courbet, sœur de l'artiste, 1844

C'est elle, Juliette, qui donnera plus tard à la Ville de Paris une série de toiles de son frère.

Yan Pei Ming,  Ma Mère, 2019

En haut : Yan Pei Ming,  A Victor Hugo, promesse tenue, 2019 / Lui, 2018
Au milieu : Yan Pei Ming,  Gustave Courbet, 2019 / Gustave Courbet, Proudhon et ses enfants, 1865

 Proudhon, un des pères tutélaires du socialisme français, fut un ami de Courbet.

Gustave Courbet, Pompiers courant à un incendie, 1851

Pour cette fameuse toile, les pompiers de la caserne de Poissy reconstituèrent leur départ après une alerte. Courbet traita la scène avec des citations précises, notamment de La Ronde de nuit de Rembrandt admirée à Amsterdam. Le tableau devait asseoir la célébrité du peintre, mais le coup d'état de 1851 entraîna l'insurrection des pompiers et la toile tomba au mauvais moment. Elle ne fut jamais vendue.

Yan Pei Ming, A l'Est d'Eden, 2015

En haut : Yan Pei Ming,  Prostituée, Amélie, 1998 / Red Wolf, 2014
En bas : Yan Pei Ming,  Colonne Vendôme, 2014 / Gustave Courbet, Autoportrait au chien noir / Portrait de Zélie Courbet, 1842

Gustave Courbet, Autoportrait au chien noir, 1842

2 commentaires:

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