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jeudi 14 avril 2022

New York, Met : Elektra

 

Une représentation d'Elektra au Met avec un remplacement de taille...

C'est peu dire combien je suis heureux de revenir dans cette prestigieuse salle... Entre les tragédies de la pandémie, les difficultés financières de l'institution, les complications pour entrer aux Etats-Unis, je croyais à moment donné n'y jamais remettre le pied.

Tout n'est pas rose pour autant. Je connais des choristes qui, sans salaire versé, ont dû quitter New York et parfois rejoindre leur lointain état de provenance, devenir au mieux prof de musique. Un en particulier n'est pas revenu.

Pour autant, le Met a survécu, a entretenu sa légende en diffusant ses représentations prestigieuses sur internet et a finalement pu produire une saison avec, comme d'habitude, reprises, nouvelles productions (la prochaine Lucia de Simon Stone va sans doute en surprendre plus d'un) .

Ce soir, je retrouve Elektra, dans la production de Chéreau que j'ai si souvent vue depuis sa création à Aix, à Barcelone, ici même...


Je ne reviens pas sur l'intelligente production de Chéreau, que j'ai commentée à plusieurs reprises, qui reste un modèle d'efficacité dramatique et qui met particulièrement en valeur les enjeux de cet opéra. Il me semble qu'elle évolue un peu au fil du temps, ce qui est normal. A moins que ce soit ma mémoire qui soit infidèle...

La précédente distribution a presque totalement été renouvelée. Demeure Harold Wilson, un chanteur que je connaissais il y a vingt ans quand il se produisait au Deutsche Oper, mais Richard Bernstein, un fidèle de la maison, remplace James Courtney en Vieux Serviteur et Thomas Capobianco débute en Jeune Serviteur. Impeccable trio.

Une probe série de chanteuses américaines assure la série des servantes : Tichina Vaughn, rescapée de la précédente distribution, Eve Gigliotti, Krysty Swann et Alexandria Shiner.

La cinquième servante est chantée par Hei-Khung Hong, qui arpente les planches du Met depuis 1982 ! Je l'ai entendue la première fois dans une lointaine Carmen à Bastille, où elle campait Micaela aux côtés de Denyce Graves. C'est sa 387e représentation in loco, ce soir !

Alexandra LoBianco assure la Confidente et la Surveillante et Kristy Swann la Porteuse de traîne, tout aussi efficaces que leurs collègues.

C'est une surprise de retrouver en AEgisth Stefan Vinke, que j'ai entendu la dernière fois en remarquable Tristan à Montpellier. J'ai de beaux souvenirs de ses Lohengrin et surtout de son Siegfried à Barcelone, chanté deux fois d'affilée ! C'est un AEgisth de luxe, assez mâle d'accent, qui change des interprètes qu'on imagine mieux dans Mime. L'aigu semble moins facile qu'avant mais il réussit à interpréter vraiment ce personnage bref et pas si commode.

Greer Grimsley s'avère un Orest d'envergure, avec des accents de fauve dangereux ; sa composition évoque un calme trompeur et une puissance cachée. Encore un interprète que j'entends depuis très longtemps, depuis un très lointain Holländer au Deutsche Oper, et que j'ai notamment applaudi dans un somptueux Wotan.

Michaela Schuster reste une remarquable Klytämnestra, avec une voix cuivrée encore bien saine, et elle sait faire frémir quand elle raconte son cauchemar. Elle interprète une personnalité complexe, qui tente de faire face mais révèle ses fêlures et ses angoisses.


En l'absence de Nina Stemme, la reine de la soirée est finalement Lise Davidsen, qui réussit un somptueux coup de maître dans sa première Krysothemis. Voix puissante aux nuances infinies, la jeunesse et la féminité du personnage sourdent sans cesse dans cette composition tendre et complexe. La sûreté des aigus dardés sans brutalité, la sophistication de la ligne de chant, la puissance de l'incarnation... Je suis conquis.


Pas de Nina Stemme en Elektra ce soir, mais au Met, on n'annule qu'en toute dernière limite. Chaque rôle a son cover, un interprète prêt à se substituer à un autre. Et même parfois en cours de représentation, comme je l'ai vu jadis avec un Trovatore où Marcelo Alvarez déclara forfait après le deuxième acte.

Donc, voici Rebecca Nash dans ses débuts au Met.


Difficile d'être impartial dans un cas pareil. Faut-il juger comme si  c'était une interprétation normale ou tenir compte de l'arrivée d'une chanteuse qui n'a peut-être encore jamais chanté avec ses collègues, et qui ne s'est peut-être pas complètement préparée ?

Côté positif, Rebecca Nash fait preuve d'un étonnant professionnalisme. Elle semble connaître la mise en scène à fond, interagit sans difficulté avec ses partenaires, joue vraiment et le personnage existe. Merci au chef qui la soutient sans cesse et au souffleur, sans doute partenaire essentiel de la soirée ! Elle se tire d'un des rôles les plus délicats du répertoire et sauve la représentation, c'est déjà beaucoup.

Je ne peux m'empêcher de déplorer quelques baisses de régime où la voix diminue soudain, et çà et là des aigreurs dans le timbre. Les aigus forte et les piani ne posent pas de problème, mais le medium est parfois émis de manière étonnante. Le trac, la forte pression émotive de la soirée ne sont peut-être pas étrangers à tout cela. Il faudrait réentendre cette dame dans un contexte plus serein.

La soirée doit également beaucoup à Donald Runnnicles, qui polit son orchestre avec raffinement et offre une très large palette de timbres. Malgré l'attention portée à la nouvelle venue, il ne sacrifie jamais le théâtre et se lecture demeure puissamment dramatique. C'est une splendeur.

Alexandria Shiner

Stefan Vinke

Lise Davidsen

Hei-Kyung Hong

Thomas Capobianco

Eve Gigliotti

Tichina Vaughn

Donald Runnicles

Greer Grimsley

Alexandra LoBianco



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