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mardi 8 février 2022

Vienne, Belvedere : Au temps de Dürer (2)

 

Après la première série, une seconde sur cette exposition Au temps de Dürer au Belvedere de Vienne. Au programme, de superbes sculptures et de grands noms, tels que Cranach, Huber ou Altdorfer.


Sculptures

Les gravures de Dürer se diffusaient avec un immense succès en Europe, notamment ses séries sur l'Apocalypse, la Passion ou la Vie de la Vierge. Elles influencèrent de nombreuses oeuvres, y compris la peinture et même la sculpture. On pense que certains artistes, comme le maître du retable d'Oberfalkenstein, avait travaillé dans l'atelier même de Dürer. Il est possible que cet artiste encore non nommé ait obtenu des commandes sur la recommandation personnelle du maître.

anonyme, Siège de miséricorde (d'après une gravure de Dürer), c. 1520

Fascinante adaptation en trois dimensions provenant de Basse-Autriche.

anonyme, Vierge et l'Enfant avec saints et donateurs, c. 1520

La Vierge ne porte pas l'Enfant mais est montrée toute jeunette ; c'est sa mère, Sainte Anne, qui le porte, dans une variante bien rare. L'accompagnent dans ce portrait nombreux des apôtres, dont Saint Pierre, et une famille de donateurs dont une femme bien voilée ; on croirait une version européenne de la burka.

atelier d'Albrecht Dürer, Sainte Catherine, Sainte Marguerite avec des anges, c. 1511

En 2016, on découvrit dans la cathédrale de Vienne, plus précisément dans le porche de l'évêque ; un autel peint correspondait à l'épitaphe de Hanns Rechwein von Honigsdorf, et les saintes Catherine et Marguerite suggéraient que leur auteur appartenait au cercle de Dürer.

Maître du retable d'Oberfalkenstein, La Naissance de la Vierge, c. 1510

Voilà donc cet artiste à l'identité mystérieuse qui semble avoir travaillé dans l'atelier de Dürer. La scène reprend les éléments traditionnels et s'étage en plans superposés comme c'est souvent le cas.

Maître du retable d'Oberfalkenstein, La Présentation de la Vierge au Temple, c. 1510

Composition sûre et maîtrise de la palette dans cette Présentation de la Vierge au Temple. La légende de la Vierge n'est pas nourrie par les Evangiles mais par le Protévangile de Jacques, un texte apocryphe. On y raconte que la fillette est amenée par ses parents, Anne et Joachim, au Temple et qu'elle y reste jusqu'à l'âge de douze ans.

anonyme, Vierge à l'Enfant sur le trône, c. 1525

La Vierge robuste n'est guère le modèle attendu ; elle siège avec majesté sur le trône et tient une grappe de raisin. Ce symbole sera repris dans l'art français, Mignard peindra d'ailleurs une fameuse Vierge aux raisins. On l'a souvent analysé comme un symbole eucharistique.

anonyme,  Saint Jacques le Mineur / Saint Matthieu / Déploration, c. 1520

Ces trois beaux fragments proviennent de l'autel Lentl, dans l'église des Piaristes à Krems. Ils ont peut-être été réalisés sur place. En tout cas, on voit une sculpture dynamique et soucieuse de réalisme.

anonyme, La Mort de la Vierge, 1521

Exposé dans la Cathédrale de Wiener Neustadt, en Basse-Autriche, ce retable présente toute une série de donateurs lilliputiens selon la tradition ; ils sont bien identifiés, il s'agit d'Alexius Funck, maire de Wiener Neustadt, et de toute sa famille. La scène attendue se déroule au-dessus, dans de grands déploiements de tissus.

L'émotion me paraît tout de même faire ici un peu défaut !

anonyme, Déploration, c. 1515

L'émotion, on n'en manque pas ici, dans cette Déploration inégale ; la partie supérieure fonctionne bien mais les corps en bas me semblent un peu confus.

Andreas Lackner, Saint Rupert / Saint Blaise / Saint Maximilien, 1518

Sculpture extraordinaire de réalisme, avec des visages étonnants ; la magnificence des tissus dorés n'est pas moins éblouissante. Ces trois statues appartenaient à un même groupe dans l'église d'Abtenau à Salzburg. D'autres parties sont réparties entre les églises Saint Blaise d'Abtenau et Saint Pierre de Salzburg ainsi que dans le musée de la même ville. Dommage qu'on n'ait pu les réunir pour l'exposition !

att. Maître de Mauer, Christ mort, c. 1498

Le Christ a été déposé après la mise en croix et son corps mort est dépeint ici avec un réalisme extraordinaire, accentué par la scénographie.

att. Maître de Mauer, Christ mort, c. 1498

La sculpture appartenait à un ensemble de l'abbaye de Klosterneuburg, qui comprenait aussi un Christ à Gethsemani et une Résurrection. Le travail sur l'anatomie, le rendu de la peau sont absolument extraordinaires.

att. Maître de Mauer, Tête de Saint Jean Baptiste, c. 1500

Salomé a dansé pour obtenir d'Hérode la tête de Saint Jean Baptiste, et la représentation du chef coupé sur un plat est traditionnelle. Le même artiste a travaillé avec infiniment de soin, dans la délicatesse des rides par exemple.

Portraits de saints

Lucas Cranach, Saint Erasme, c. 1510

Vers 1500, Lucas Cranach, un artiste de Franconie, s'établit à Vienne pour plusieurs années. Il y rencontra un nouveau public, avec des humanistes surtout intéressés par l'insertion de la nature dans l'art et l'expressivité dans les personnages.

La légende de Saint Erasme (ou Saint Elme) fut popularisée par le best-seller médiéval, La Légende Dorée de Jacques de Voragine. Il semble qu'on y ait confondu deux personnages, l'évêque de Formia près de Naples et un Syrien victime des persécutions de Dioclétien. Il aurait continué à prêcher après qu'un éclair fut tombé près de lui (ce qu'il tient dans la main ici). Cela fut décliné en feu de Saint-Elme et fit de lui le patron des marins, qui l'invoquaient pour se protéger de la foudre.

Wolfgang Huber, Stigmatisation de Saint François, c. 1508

Ce beau dessin en blanc sur papier brun-rouge illustre une scène fondamentale de l'iconographie de Saint François, le moment où il reçoit les stigmates sur les mains. Huber apporte sa touche personnelle mais conserve l'attitude canonique du saint, bras écartés et mains ouvertes.

Lucas Cranach, Stigmatisation de Saint François, c. 1502

Cranach apporte aussi sa touche dans une composition originale qui structure le panneau ; cette fois, Saint François lève les mains. Au décor naturel s'ajoutent un confrère endormi et des constructions (le futur monastère d'Assise ?).

Maître du retable d'Innerochsenbacher, Saint Benoît à Subiaco, c. 1510

Saint Benoît de Norcia fonda le monachisme européen et sa règle, si importante pour l'histoire du Moyen-Age. Après une vie d'ermite, il devint abbé de Vicovaro, qu'il abandonna à cause de la vie dissolue des moines. Il retourna dans sa grotte et, en compagnie de quelques disciples, s'établit au bord du lac de Subiaco. Il y restera une vingtaine d'années. Ce n'est pas encore son fameux monastère du Mont Cassin, mais une première communauté de moines fondatrice dans sa biographie, et donc très souvent représentée. Le goût pour la nature est bien présent dans cette peinture, avec des plantes détaillées précisément.

entourage du Maître de Pulkau, Saint Sébastien, c. 1510

Un curieux Saint Sébastien emmitouflé dans sa cape, d'où émerge prudemment une main qui brandit une flèche comme un emblème. La tête inclinée ne correspond à aucun canon, et je la trouverais presque féminine.

Monogrammiste H, Le Christ à Gethsemani, c. 1507

On ne sait pas grand chose de ce monogrammiste H, ainsi baptisé en fonction de la lettrine utilisée en signature. Il a produit gravures et panneaux peints, et ce Christ dans le jardin de Gethsemani me rappelle un peu Altdorfer avec son traitement des arbres. Les figures sont ici très allongées, avec des visages parfois ingrats.

Maître des Habsburg, Vierge à l'Enfant et saints, c. 1500

Rutilance et préciosité chez cet autre peintre à l'identité mystérieuse.

Albrecht Altdorfer, Le Prévôt Peter Maurer, c. 1509

Les panneaux les plus célèbres d'Altdorfer sont des scènes d'extérieur, avec une forte présence de la nature, si bien qu'on oublie un peu ses nombreux tableaux en intérieur. Celui-ci est une vraie réussite ; luminosité bien dosée, église parfaitement décrite, crucifix de biais superbement évoqué (et c'était une gageure). La concentration et la foi du personnage ne font aucun doute. Magnifique !

Albrecht Altdorfer, La Décapitation de Sainte Catherine, c. 1505

Le voici dans une scène d'extérieur, cette fois, où le temps est suspendu dans un moment dramatique. Le geste du bourreau est plein de dynamisme en contraste avec la piété immobile de la sainte. La partie droite donne l'impression d'être coupée et m'a interrogé un bon moment. Il semble qu'une seconde victime soit déjà à terre et ses jambes gisent à terre. Les jambes vertes ne me paraissent pas correspondre avec la tête à la coiffe étrange (on dirait un Indien d'Amérique coiffé de plumes). Le haut, en revanche, s'avère bien un paysage façon Altdorfer !

 

La suite dans cet article...
 

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