Athènes : la Chapelle Theotokos Gorgoepikoos

 

Un petit bijou que cette chapelle médiévale aux noms multiples : Chapelle Theotokos Gorgoepikoos, Panagia (ou Panaghia) Gorgoepikoos, Petite Métropole et même église Saint Eleuthère !

La chapelle aux mystères

A l'origine se trouvait ici un temple consacré à Ilythie, la déesse de l'enfantement aux origines variées : déesse-mère minoenne ou fille légitime de Zeus et d'Héra, parmi plusieurs autres récits.

 On construisit plus tard une chapelle qui protègerait une icône très vénérée de Panaghia Gorgoepikoos, autrement dit la Vierge qui exauce rapidement les souhaits. Plus tard, comme elle faisait partie de la résidence du métropolite, on la nomma Petite Métropole. Elle fut délaissée après la guerre d'indépendance, transformée en bibliothèque (minuscule !) et finalement dédiée à Saint Eleuthère. Même le panneau polyglotte propose encore plusieurs versions.

Autre mystère, on ne sait pas vraiment quand elle a été édifiée. Certains la datent du IXe-Xe, mais plusieurs sources que j'ai consultées s'accordent pour indiquer que l'église est entièrement édifiée avec du matériau de réemploi (à 100 %, c'est rare) et que certains bloquent datent du XIIIe siècle, ce qui infirme donc cette hypothèse. En outre son style est complètement différent des églises de cette époque-là. Il se pourrait même qu'elle ait été construite au XVe siècle, un des blocs étant mentionné en 1436 tout à fait ailleurs. 

Énigme bien complexe donc, et c'est étonnant de voir un tel flottement. Manque de documents, de mentions administratives ? Incendie de bibliothèques ?

C'est une chapelle de petite taille, 12 m de large sur 7,5 de long, construite sur un plan à croix inscrite, un classique byzantin où l'espace central, le naos, est divisé par quatre colonnes. La coupole surmonte cette zone.

 

Autre rareté, on voit que l'église est presque entièrement édifiée en pierre, principalement en marbre. La brique ne sert que pour les arcatures de la coupole. Ce serait un exemple unique dans l'art byzantin de Grèce.

La décoration extérieure

Les blocs ont été assemblés en suivant une règle stricte : marbre nu jusqu'au linteau de la porte, et sculpté au-dessus. On a utilisé des pierres ciselées des IXe et Xe siècle pour la majeure partie, souvent d'origine orientale. Mais certaines remontent à l'Antiquité !

La croix se retrouve déclinée en versions multiples : inscrite dans un cercle comme au baptistère de la Panaghia Ekatontapyliani, entre deux lions ou au centre d'un motif complexe de nœuds.

La frise présente une grande variété de motifs, où il faudrait retrouver des athlètes des Jeux Panathénaïques, des représentations du Zodiaque... Quatre-vingt dix sculptures en tout !

Au-dessus des motifs de nœud qu'on retrouve dans l'art celtique, se multiplient les bas-reliefs animaliers. Je ne peux m'empêcher de faire le lien avec la cathédrale Saint Dimitri de Vladimir, qui semble avoir trouvé la même inspiration.

Sans être spécialiste, on repère clairement les différences stylistiques d'un bloc à l'autre. Ces sphinx autour de l'arbre de vie montrent beaucoup plus de relief et de ciselures.

Aigles, serpents et griffons composent un bestiaire fantasmé, toujours présenté dans une stricte symétrie axiale.

Cette imagerie n'étant pas forcément identifiée comme chrétienne, et c'est un euphémisme, on a clairement placé dans la partie supérieure des croix bien visibles.

Un magnifique travail de ciselure pour évoquer une croix tressée.

Les autres faces me font irrésistiblement penser à un patchwork qui rend effectivement cette chapelle très singulière.

A droite de l'arcade géminée, la sculpture évoque nettement un labyrinthe. Cette image de l'Antiquité (bien connue avec le mythe du Minotaure) réapparaît au VIe siècle à San Vitale, à Ravenne, avant de connaître un succès considérable à partir du XIIe siècle. On en connaît beaucoup dans nos cathédrales françaises, à Toulouse, à Chartres, à Poitiers... Dans l'art catholique, c'était devenu une métaphore du voyage en Terre Sainte, mais j'ignore si l'art byzantin exploitait cette même symbolique.

Le portail ouest serait décoré de représentations des mois. Je reste prudent car je ne connais rien de semblable !

Une des sources consultées indique que les sculptures d'animaux en train de se dévorer proviendraient de "bâtiments chrétiens de la haute société". Je suis un peu sceptique.

Encore un bloc qui attire mon regard et m'interroge ; un homme nu entre deux croix, qu'est-ce qu'on a bien cherché à évoquer ? Ne s'agirait-il pas d'un relief "christianisé" par l'adjonction de ces croix ?

La position de l'homme est inhabituelle ; outre sa sortie du cadre, les pieds faisant nettement saillie, je retrouve ici, inversées, les jambes de l'Homme de Vitruve de Léonard de Vinci (une de face, une de profil). Ce n'est pas pour autant une remarque fructueuse, car ce travail est bien antérieur à Léonard et il est tout à fait invraisemblable que le Toscan ait eu connaissance de ce bas-relief. Mais peut-être cette posture était ancrée dans une tradition dont je n'ai jamais entendu parler. 

 L'intérieur

Le narthex est impossible à photographier tant il est étroit. La porte donnant sur le naos est décorée de rinceaux de vigne, symbole également repris dans l'art chrétien.

Pour une fois, le linteau aux sculptures délicates a conservé ses couleurs.

Le naos est tout petit. Les piliers ne sont pas d'époque mais élevés en 1839 pour remplacer les colonnes fragilisées par un incendie.

J'ai lu que toutes les fresques d'origine avaient disparu, j'en déduis donc que celle-ci est tardive. Je ne sais trop que penser tant cette représentation me semble peu conventionnelle et s'écarte des canons. La Vierge aux yeux incroyablement cernés est presque méconnaissable, et l'Enfant aux joues roses me paraît avoir des yeux un peu orientaux tout en étant vêtu d'une toge à l'antique. Un mystère de plus.

Suivant le même principe, la fresque de la coupole serait donc un ajout ultérieur.

Problème de luminosité ou dégradation de la peinture ? Le personnage est devenu presque un négatif, mais le peu qu'on distingue suffit à identifier un Christ Pantocrator.

Je peste toujours contre le peu d'informations dont on dispose concernant l'iconographie de ces églises orthodoxes ! Le problème me suit de Russie en Grèce, sans que je parvienne à trouver des sources un peu exhaustives. Si mes lecteurs peuvent me fournir des références, ce sera avec grand plaisir !