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samedi 31 juillet 2021

Athènes : le Musée chrétien byzantin (I)

 

Un exceptionnel musée d'art religieux, sis dans le sous-sol d'une belle villa du XIXe siècle.


L'opulente Villa Ilissia fut édifiée en 1848. Le bâtiment principal sert pour les expositions temporaires (aujourd'hui de splendides photos en noir et blanc de réalisations architecturales contemporaines) et ce sont donc les multiples niveaux du sous-sol qui accueillent cette phénoménale collection d'art byzantin, depuis les origines.


Je jette un œil rapide sur les jardins mais me précipite vers le bâtiment principal pour acquérir un billet combiné, qui me servira notamment pour le musée archéologique (sans doute bien plus convoité que celui-ci, vraiment très très tranquille).



L'art paléochrétien

Dans les premiers siècles, l'art chrétien s'insère doucement en réutilisant des images familières à d'autres cultes ; le bon pasteur avec son agneau devient une représentation du Christ, et même Orphée, le charmeur des animaux, devient celui qui sait parler à toute la création divine.



Le sarcophage de Sidamara, une ville d'Asie Mineure, mêle ces influences. Cette scène de chasse n'a pas grand-chose de chrétien mais je  n'ai pu résister devant la qualité de la sculpture !


Ce portrait d'une prêtresse date du IVe siècle. J'ignore s'il s'agit d'un autre culte (hypothèse qui me semble la plus vraisemblable) où si des femmes servaient alors le culte chrétien.


Deux lampes de cuivre du VIIe siècle ; on voit combien le modèle antique s'est perpétué.


Les ampoules sont d'abord de petits flacons. Le mot ne servira que plus tard pour désigner l'objet électrique (c'est sa forme qui lui vaudra d'être baptisée ainsi) ou le flacon allongé qui contient un médicament.

Elles pouvaient surtout contenir de l'eau bénite, de l'huile sainte, ou même simplement de la terre prélevée autour d'un lieu de pèlerinage. Un des plus anciens "souvenirs religieux" chrétiens ! Ces ampoules-ci proviennent du sanctuaire de Saint Menas, un lieu très révéré dans les débuts de notre ère. Le modèle courant présente Saint Menas avec deux chameaux, comme on verra souvent Daniel entouré de deux lions.




Cette Nativité provenant de Naxos évacue curieusement la Vierge mais retient le boeuf et l'âne. L'enfant Jésus est proprement ligoté dans ses langes, ce qui est souvent le cas dans ces représentations précoces.

L'art copte


Je ne m'étais jamais posé la question : j'apprends que le mot copte provient du nom Egypte, déformé par la prononciation grecque. J'en suis tout ébaubi.

Les coptes, bien mis à mal de nos jours, sont célèbres dans nos musées pour d'extraordinaires tissus brodés que le climat chaud et sec de l'Egypte a exceptionnellement préservés. Ici aussi, j'admire de belles pièces, dont de plus rares chaussures.



Le geste de la main serrée, courant dans les stèles de l'Antiquité grecque, trouve ici une nouvelle jeunesse. Il y a une sorte d'enthousiasme joyeux dans ces grandes gesticulations.

Un brin de naïveté, certes...

Je crois n'avoir jamais vu ce genre de chasuble avec une galerie de portraits de saints comme on en verra plus tard dans les polyptyques. Et, encore plus rare, le personnage principal est une sainte !


La muséologie très soignée insiste pour que le visiteur puisse bien contextualiser les oeuvres.

Un saisissant manuscrit, avec la chrysobulle (la partie dorée) de l'empereur Andronikos II. Sur la miniature, il s'est fait avantageusement représenter en train de remettre le document au Christ. Rien de moins !

Les icônes

La collection est réellement fabuleuse et remarquablement exposée, et les nombreux panonceaux expliquent en détail le développement de l'empire byzantin. Mais il s'agit surtout de commentaires historiques, et j'attends toujours une présentation centrée sur l'histoire de l'art.

Je commence à avoir vu beaucoup d'icônes, et mes derniers voyages en Russie m'ont permis d'en découvrir de nombreuses (comme les merveilles de la Galerie Tretiakov). Mais j'ai toujours beaucoup de difficultés à me repérer dans les styles, à identifier les saints, à saisir les détails de l'évolution de cet art. J'espérais que ce serait le cas ici, tant pis. Cette réserve n'ôte rien à la qualité du musée.


Donc avec cette première je retrouve les éléments familiers : fond abstrait, peut-être autrfois doré pour indiquer le sacré, de même que le teint verdâtre des personnages. Celle-ci, du XIIIe siècle,  présente la Vierge Hodegetria. A ma connaissance c'est le modèle légendaire peint par Saint Luc, avec la Vierge debout tenant l'enfant sur son bras gauche.


Cette Crucifixion combinerait trois périodes différentes. C'est la version minimaliste, avec la Vierge et Saint Jean affligés. Le fond étoilé me semble une solution intermédiaire entre réalisme et symbolisme.


 
Pour cette icône venue de Rhodes, c'est la Vierge de tendresse, version où l'enfant appuie sa joue sur celle de sa mère.

Cette Dormition de la Vierge provient du monastère de Palaiopanagia et le peintre Konstantin Manasses y a représenté foule de personnages. Je constate qu'aucun nom de peintre religieux grec ne me vient à l'esprit, shame on me !

Nouvelle Vierge de tendresse (ça y est, vous la reconnaissez aussi ?) provenant de Berroia.

Celle-ci, c'est donc la Hodegetria. Le style est différent : fort modelé, davantage de plasticité. Mais les canons sur le fond et les teints n'ont pas évolué.

Icône provenant de Thessalonique, et représentant des "Church Fathers". Cela me met dans l'embarras. Les Pères de l'église que je connais sont soit un, soit quatre. Mais pas trois.

Est-ce que le culte orthodoxe a les siens propres ? Et comment les reconnaît-on ?

Vraiment une superbe mosaïque représentant la Vierge de tendresse, exécutée par un atelier de Constantinople. C'est vrai que l'art byzantin produisit de merveilleuses mosaïques, j'ai un souvenir ému de celles de Sainte Sophie. Je ne parle pas de celles de Saint Marc de Venise où l'origine des mosaïstes est un problème trop complexe !


Le mot de tendresse s'applique parfaitement à ce geste plein d'affection, à la douceur de l'inclination de la tête. Belle réalisation venue de Thessalonique.

Je n'avais pas prévu, et je regrette beaucoup ce flou artistique, mais j'ai malgré tout conservé l'image car j'ai trouvé cette représentation de Sainte Catherine vraiment magnifique. Je pense à la peinture siennoise bien plus qu'à l'art de l'icône ici.



Etonnante icône privée en cuivre, du XIIe siècle.

Un magnifique Christ Pantocrator provenant de Constantinople.

Fresque détachée des églises jumelles de Saint Georges et Saint Nicolas à Naxos. Elle présentait la classique Deisis, le Christ avec la Vierge et Saint Jean Baptiste. J'en avais montré un certain nombre dans mon article sur la galerie Tretiakov.

L'église d'Episkopi a livré un somptueux ensemble de fresques, détachées et exposées ici. Je ne sais rien du saint portraituré, Saint Theodore Teron.

Celui-ci, c'est Saint Jean-Baptiste, dont les yeux me paraissent exprimer un certain courroux.

Et voici d'autres inconnus, Saints Anargyroi et Theodota.


Sainte Catherine, version guerrière. Quant elle est privée de sa roue, je la reconnais plus difficilement...



 Cette fois, pas de Joseph, mais au moins la Vierge est présente dans la Nativité. Enfin, si c'est bien elle, je ne trouve pas cette tête très féminine... J'aime bien ces bœuf et âne qui passent la tête, comme pour surveiller ce qui se passe. Cette composition du XIIIe siècle provient d'Athènes.

La suite est dans le prochain article

6 commentaires:

  1. Magnifiques collections et textes très intéressants, bourrés d'informations.
    Maxence

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  2. Merci beaucoup Maxence pour ce commentaire enthousiaste !

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  3. Très belle visite d'un musée assez peu connu. Belles photos et textes passionnants.

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  4. Bonsoir, mes souvenirs d icônes à Athènes datent d il y a plus de 50 ans… mais tout de même, de mémoire, leur taille était beaucoup plus petite. Sous plexi avec manifestement leds intégrés, est ce les icônes ou leurs photos agrandies? Aline
    Aline.stallabourdillon@outlook.com Merci de votre retour

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    1. Bonsoir et merci pour votre message.
      C'est certain que le cadrage change la manière dont on appréhende une œuvre. Certaines icônes sont effectivement petites, mais pas toutes !
      Bien cordialement.

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