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jeudi 6 août 2020

Rome : la Basilique San Lorenzo fuori le mura (Saint Laurent hors les murs)


Si je connais assez bien la basilique de Santa Prassede, je n'ai encore jamais mis le pied dans celle-ci. Elle est nommée "hors les murs", donc extérieure à l'enceinte de la ville, et, partant, dans un quartier extérieur (celui de l'université aujourd'hui). Il faut y aller tout exprès !




L'extérieur, déjà, me plaît beaucoup. Sobre, avec ces belles briques roses qui colorent Rome, et une forme de basilique antique rehaussée par un élégant campanile.


Pas immense, pas extrêmement ouvragé, mais délicat avec sa répétition d'arcatures qui rythme la hauteur.


Un grand porche à colonnes à l'antique. A Rome, ce sont presque toujours de vraies colonnes antiques.


La surprise, c'est de voir insérée entre des frises sculptées (une minutieuse dentelle de pierre), une autre typiquement cosmatesque, un travail en marqueterie de marbre généralement protégé à l'intérieur des édifices. Ce sont les Vassaletto, une famille de sculpteurs très réputée, qui l'exécutèrent au XIIIe siècle. Ils décorèrent le fameux cloître de Saint Jean de Latran, une merveille!

Le narthex



Le portique abrite en fait un narthex, un espace intermédiaire entre l'extérieur (espace profane) et l'intérieur (espace sacré). Des fresques du XIIIe siècle ornent ses trois côtés fermés, et présentent les vies de Saint Laurent et Saint Etienne, les deux saints dont les tombes se trouveraient sous la basilique, plus celle de Henri II du saint empire romain.


Je n'ai pas trouvé de détails des fresques et ce sont des iconographies complexes. En outre, Saint Laurent, un des saints les plus populaires, est souvent représenté sur le brasero, un genre de grille de barbecue, qu'il tient souvent à la main pour qu'on puisse le reconnaître. Le problème est que cette iconographie est tardive, et qu'auparavant on considérait qu'il avait été décapité.
Saint Etienne, c'est celui qui est lapidé, qui tient souvent un caillou à la main.
Henri II, je ne suis absolument pas familier (et c'est peu dire) de son iconographie. Donc je cherche ici les scènes que je pourrais reconnaître, et ce n'est pas une mince affaire.






Je ne sais rien de cette histoire, mais visiblement le capitaine sait où il va : cap sur le pêcheur au chapeau chinois !


Une scène de lavement des pieds. Je crois que c'est dans la légende de Saint Laurent, mais mes souvenirs sont vraiment anciens.


Une scène de baptême, je présume. L'eau coule droit comme une épée !


J'ai peut-être trouvé Laurent sur son brasero.



On a aussi exposé là un sarcophage du Ve siècle, représentant des vendanges.


A cette époque, le relief est essentiellement en creux, ce qui donne une surface extérieure très plate. Le travail est superbe, et me fait fortement penser aux tapisseries plus tardives.

L'intérieur



Dès qu'on pénètre, on mesure qu'il s'agit d'une bâtisse peu banale. C'est qu'il ne s'agit pas d'une église mais de deux ! La première est au fond, et elle est inversée. C'est à dire que le mur du fond était en fait l'entrée. C'est un bâtiment très ancien, du VIe siècle, l'église du pape Pélage II.
Au XIIIe siècle, le pape Honorius III décida de l'agrandir ; elle devint donc le chœur de la nouvelle, celle dans laquelle nous entrons.


Dans la nef, pure et sobre, seul le pavement cosmatesque apporte rythme et couleurs.


Elle me plaît énormément ! Sobre, paisible, épurée.


Les chapiteaux ioniques rappellent ceux du portique ; les fenêtres de la nef ne possèdent pas de vitraux, pas encore disponibles dans ces époques reculées. J'apprécie beaucoup le vitrail, mais j'aime aussi ces petites ouvertures percées qui donnent une lumière diffuse, un peu mystérieuse.


Dans la nef deux ambons se font face ; ce sont des structures larges où on lisait les évangiles, l'ancêtre de la chaire.


Celui de droite est un remarquable travail cosmatesque.


Et la colonne salomonique montre une étourdissante virtuosité ! En fait c'est un candélabre, sans doute le candélabre pascal.


Celui qui fait face présente davantage de sobriété.


Voici la jonction entre les deux églises. Celle de Pélage est la partie surélevée, au-dessus de la crypte.


On ne peut guère s'avancer dans cette partie, haut lieu de culte. Laurent et Etienne, Lorenzo et Stefano, furent parmi les saints les plus vénérés et je pense que l'église devait bourdonner de fidèles venus tout exprès en pèlerinage.




Le premier bâtiment montre immédiatement son ancienneté. On se croirait dans un temple romain. D'ailleurs, beaucoup ne furent conservés que parce qu'ils avaient été convertis en églises.


Les chapiteaux sont magnifiquement exécutés. Il pourrait s'agir d'armées du Seigneur, mais je me demande si ce n'est pas du réemploi tout simple.


 Dans ces églises du haut Moyen-Age, les femmes ne se mélangent pas aux hommes, comme dans les synagogues et les mosquées. On les relègue dans des tribunes, les matronées. Ce sont elles qui sont séparées par des arcades, avec ces magnifiques chapiteaux corinthiens.


 C'est sans doute pour unifier les deux églises qu'Honorius fit tout paver en style cosmatesque, et ajouter cette chaire épiscopale qui a fière allure.


Comme à Santa Prassede,  l'arc triomphal est couvert de mosaïques. Nous sommes encore dans la partie ancienne, elles datent donc du VIe siècle.


Quand tout est écrit, on a moins à se creuser la tête ! Donc le Christ sur son globe bénit, entouré, évidemment, de Pierre et Paul. Mes photos de côté étaient vraiment trop floues pour que je les insère, mais on peut repérer sur la photo d'ensemble, à droite, Pélage qui présente la maquette de l'église.


 Toujours comme à Santa Prassede, les deux cités représentées sont identifiées clairement : Jerusalem, avec une enceinte enrichie de gemmes multicolores...


Et Bethléem, plus simple mais assez fastueuse. Ces deux villes sont quasiment obligatoires sur les mosaïques de l'époque.



Le ciborium a une forme bien étrange ; en fait, on a ajouté au XIXe siècle un sommet au baldaquin de 1148. Celui-ci, signé, est un des plus anciens exemples laissé par les Cosmates.



Le monument funéraire de Rondinini, mort lors d'une bataille contre les Turcs, est caractéristique du XVIIe siècle.


Il s'inspire largement des sculptures du Bernin, notamment cette tête de Méduse sur le bouclier.
 



La chapelle de Saint Cyriaque est protégée par une structure complexe. L'ensemble fut dessiné par Pietro da Cortona, grand peintre du baroque dans le XVIIe romain, mais réalisé après sa mort. Il fut une des grandes stars du moment et exerça une considérable influence sur l'art européen.



Le monument funéraire de Michele Bonelli, quoique de la même période, est radicalement différent. L'édicule est assez quelconque, mais le portrait, vraiment soigné.


Comme à l'extérieur, on a exposé ici un sarcophage ; en fait, il est devenu une partie d'un monument funéraire du XIIIe siècle, pour le pape Fieschi (inconnu à mon bataillon).


C'est un sarcophage antique, cette fois, et la différence de relief est bien visible.

Une joyeuse scène de mariage l'anime. Etait-ce bien l'idéal pour le tombeau d'un pape ?

6 commentaires:

  1. San Lorenzo possède une architecture très différente de ce qu’est une église traditionnelle.
    Seul le campanile très beau et majestueux appartient à San Lorenzo. Toujours unique, le narthex est recouvert de fresques que je ne parviens pas à toutes interpréter. L’ensemble est très beau.
    Je n’ai jamais vu aussi immense ni aussi somptueux. Je ne sais ou porter mon regard. Tout est magnifique, avantagé par la clarté et le marbre du sol très rare, les statues, les chapiteaux ... Je suis éblouie, certainement que je ne me souviendrai pas de tout, mais beaucoup m’ont marquée.
    Quelle chance de voir ces merveilles.
    Merci à toi Fred qui m’éclaires. Bisous. Mam.

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    1. Merci beaucoup pour ce commentaire affectueux ! C'était une visite très attendue, et méritée (longue marche et longue attente). Mais elle fut à la hauteur de mes espérances.

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  2. Amazing, peaceful, quiet church! What a pure beauty!
    Thanks for this great post.
    Annie

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  3. C'est magnifique. Merci de nous faire découvrir cette merveilleuse église avec la qualité de vos commentaires.
    Michèle

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    Réponses
    1. Merci infiniment, Michèle, pour ce chaleureux commentaire !

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