Paris : Exposition Enfants du Siècle d'Or (Fondation Custodia)

La Fondation Custodia

La Fondation Custodia est une fondation privée qui accueille la collection de Frits Lugt et de To Lugts-Klever, riche ensemble de dessins, gravures et peintures hollandaises, avec évidemment une large partie centrée sur le XVIIe siècle. La plupart des grands noms y figurent ainsi que beaucoup d'artistes moins renommés et les expositions qui s'y tiennent sont toujours l'occasion de découvertes. Dans ce bel Hôtel Turgot, une opulente construction du XVIIIe siècle juste derrière l'Assemblée Nationale, les expositions historiques qui puisent dans ce riche fonds sont toujours associées à la présentation d'artistes récents. C'est toujours une visite agréable, d'autant plus que le lieu n'est pas très connu et on y est généralement assez tranquille.
Ma dernière visite en 2016 m'avait permis de voir un bel ensemble de paysages et de découvrir l'œuvre de van Ruyssevelt.
Aujourd'hui, plusieurs expos s'y tiennent simultanément.

L'exposition Enfants du Siècle d'Or

Première du trio, un ensemble d'œuvres sorties du fonds autour des portraits d'enfant au Siècle d'Or, un peu élargi. La thématique l'est aussi : des enfants, certes, mais aussi de jeunes gens, des portraits de famille et même des chiens ! Sans parler de quelques œuvres autour de Jan de Cappelle, sans vraiment aucun rapport avec le thème.
Malgré quelques réserves, une exposition bien intéressante qui permet de dégager quelques idées : comme pour les adultes, on côtoie le portrait plutôt naturaliste, avec une intéressante série d'endormis, et des œuvres idéalisées où la mise en scène prévaut.
Pour certains, on met en avant l'innocence de l'enfant, pour d'autres, c'est le futur adulte qui est présenté.
A cette époque, il existe une longue tradition de la représentation d'enfant rendue nécessaire par les Vierges à l'enfant, parfois en compagnie de Saint Jean-Baptiste. Parfois avec un réel sens du naturel, souvent avec un respect strict de la convention.
Le statut de l'enfant me semble encore incertain durant cette période : certains accèdent à de hautes charges très vite (rois, nobles ou titulaires de charges religieuses, toujours pour des motifs politiques) tandis que beaucoup sont tenus dans un éloignement dédaigneux. On s'en débarrasse volontiers en les plaçant en nourrice et l'éducation est encore un privilège. Pas étonnant que beaucoup travaillent très tôt, notamment les peintres qui entrent rapidement dans des ateliers où ils commencent à piler les couleurs et à dessiner sur des rebuts de matériel.

Adriaen van Ostade, Etude pour un portrait de famille

Adriaen van Ostade, Etudes pour un portrait de famille

Adriaen van Ostade, un des fameux peintres de la période, a beaucoup hésité en testant plusieurs compositions.

Jan Antonisz van Ravesteyn, Portrait de Hugo Grotius à seize ans

Grotius fut un des prodiges de son temps. A seize ans, il était docteur en droit et avait été envoyé comme ambassadeur auprès d'Henri IV.

Gonzales Coques, Portrait de garçon

Minuscule médaillon sur cuivre, qui restitue une bouille candide pleine de naturel.

Harmen ter Borch, Jenneken ter Borch écrivant

Avec les Ter Borch, on peut faire une partie de Sept Familles. Le plus connu, c'est Gerard, le père. Il apprit à dessiner à tous ses enfants et annota scrupuleusement leurs œuvres, comme ce portrait de la sœur par le frère.

Moses Ter Borch, Figure debout

Jan Cossiers, Portrait de Jan François Cossiers

Portrait du fiston par le papa, un ado aux cheveux longs. J'hésite toujours sur la mode capillaire à cette époque ! Grotius, par exemple, les portait courts.

Wallerant Vaillant, Tête d'un garçon

Peintre dont je n'ai jamais entendu parler, mais quelle qualité de dessin ! Le modelé du visage est saisissant.

Hendrick Goltzius, Chien endormi

Que fait le chien dans cette expo ? Portrait d'animal visiblement fait avec affection.

Jacques de Gheyn II, Portrait de famille

Curieuse technique, qui utilise l'encre comme s'il s'agissait d'une gravure. Je cherche en vain une référence à l'enfance…

Endormis

Govert Flinck, Enfant endormi

C'est un proche de Rembrandt qui travailla dans son atelier, excellent peintre, qui a réalisé ce portrait plein de verve. On a la chance de voir souvent ses peintures dans les rétrospectives sur l'Age d'Or.

anonyme, Jeune fille endormie

Le dessin a été exécuté pendant une traversée en bateau vers Amsterdam.

anonyme, Enfant endormi

Lavis gris et sanguine suffisent pour transmettre la couleur.

Frans van Mieris l'Ancien, Peter Paets dans son berceau

Ami de Jan Steen, van Mieris est un peintre virtuose. On peut toujours se coller aux toiles pour y chercher la trace des coups de pinceau. Dans cette pierre noire, c'est surtout l'utilisation du vide qui m'impressionne, la capacité à créer un espace avec trois fois rien.

Benjamin Gerritsz Cuyp, Jeune homme de dix-neuf ans

Oncle du plus fameux Albert, Benjamin est un des grands de Dordrecht. Je me rappelle notamment son beau Joseph au Rijksmuseum.

Jan de Braij, Portrait d'une jeune fille de douze ans

David Bailly, Portrait d'un jeune garçon

Une vraie expression dans ce portrait vraiment animé.

Rembrandt Harmensz. van Rijn, Femme avec un enfant sur les genoux

Le plus célèbre des peintres néerlandais est bien présent dans la collection Lugt avec beaucoup de dessins, souvent des croquis comme celui-ci qui révèlent la qualité de l'œil synthétique.

Rembrandt Harmensz. van Rijn, Nu assis et debout (L'Enfant au trotteur)

L'enfant au trotteur du sous-titre est à peine visible : c'est un enfant qui apprend à marcher dans une structure qui le soutient, pas si éloignée des appareillages actuels. Ne pas hésiter à cliquer sur l'image pour l'agrandir !

Caspar Casteleyn, L'Enfant au béret

Encore un dessinateur que je ne connais pas, mais la virtuosité des tissus me frappe dans ce dessin sur parchemin.

Constantijn van Renesse, Rembrandt et ses élèves dessinant un nu

anonyme, Fillette mangeant sa bouillie

Portrait réaliste qui ne cherche pas à flatter son sujet !

Gerrit Pietersz., Fillette portant un panier

Les enfants portant des paniers, c'est un classique de la peinture européenne. Murillo, les Napolitains…

Adriaen van der Werff, Enfant jouant du rommelpot

Toujours un artiste inconnu, mais un portrait saisissant de vie. Le rommelpot, c'est un tambour à friction et la cuillère à la ceinture, symbole de sottise, indiquerait qu'il s'agit de la période de carnaval, le "temps des fous".

Abraham van Diepenbeek, Portrait de famille

anonyme, Famille dans un paysage

Avec ces deux dessins sont représentées les deux tendances des portraits de famille : dehors ou dedans, toujours dans les propriétés familiales. Je tends à penser qu'exhiber le domaine donnait une plus grande impression de richesse.

Jan Mijtens, Jeune fille cueillant des raisins

Ma première impression fut la peinture italienne, et je suis bien en peine d'expliquer pourquoi. Un souvenir du Guerchin, peut-être, mais sous d'énormes réserves.
Si je me rappelle bien mes cours d'histoire de l'art, le pavot, en bas à gauche, était un des multiples liants en peinture (sous le nom d'huile d'œillette) et un symbole du cycle de la vie. Le décor est ici sans intérêt mais le portrait a beaucoup de fraîcheur.

Jan de Cappelle

Jans van Noordt, Portrait d'Annetje Jans Gortincx

Assez incongrues ici, quelques œuvres autour de Jan de Cappelle, peintre d'Amsterdam qui produisit beaucoup de marines et fut célèbre pour ses ciels nuageux : le portrait de sa femme, bien peu riant.

Jan van de Cappelle, Paysage d'hiver

Jan van de Cappelle, Paysage d'hiver

Dessin habile et sa version picturale d'une scène classique d'hiver, avec ses patineurs et joueurs de kolf, un jeu à quatre entre curling et hockey sur glace.

Gerbrand van de Heeckhout, Portrait de Jan van de Cappelle

Att. Jacob van Oost l'Ancien, Trois jeunes gens

L'un des trois dessine, activité de base pour tout gentilhomme, et plus spécialement les architectes et peintres. La représentation de dessinateur, séduisante mise en abyme, traverse toute l'histoire de la peinture.

Nicolaes Maes, Fillette avec un chevreuil

Peut-être le plus grand des peintres de Dordrecht, Maes fut un des élèves de Rembrandt. Cette fillette à l'agneau me semble héritière du Caravage, dont l'influence s'était disséminée dans toute l'Europe.

Abraham van der Tempel, Portrait de Cornelis van Groenendyck

Version petit adulte : futur échevin de Gouda, Cornelis est présenté en chasseur émérite.

anonyme, Portrait d'un enfant de six mois

Pas de miracle aux Pays-Bas, un enfant de six mois ne se tenait pas debout tout seul ! Mais c'était une convention de représentation, et les robes habillaient indifféremment garçonnets et fillettes.
Tout ici me semble dénoter le statut social, y compris le précieux collier de corail, protection contre les maladies et le mauvais sort.

anonyme, Portrait d'une fillette

Portrait presque photographique qui semble saisi sur le vif. Artiste anonyme, mais excellent technicien ; cheveux, carnation, matières des étoffes, tout montre la maîtrise.

anonyme, Portrait de Grietge Maerstendochter

Ici, au contraire, la peinture révèle moins de technique. Symboles courants, les cerises évoquent la filiation et le chien indique l'éducation.