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samedi 29 juin 2019

Paris : Eglise Saint Germain des Près


Je me suis interrogé pour savoir si je refaisais un article sur Saint Germain… J'avais déjà mis quelques photos lors de mon précédent passage, alors que la restauration était bien moins avancée. Et de toute façon, les travaux ne sont pas achevés. Je reviendrai évidemment quand tout sera terminé mais j'ai tellement été ébloui par ce nouveau visage que je tenais à publier cet article, disons intermédiaire.



Une abbaye millénaire



L'abbaye de Saint-Vincent et Sainte-Croix fut fondée au VIe siècle par Childebert Ier et Germain, évêque de Paris. Elle accueillit ensuite ses reliques, pièce essentielle de tout bon lieu de pèlerinage, et fut finalement consacrée à son ancien fondateur. Trop petite, démodée, bref, selon le schéma habituel on ne cesse de transformer les bâtiments. C'est l'abbé Morard qui est chargé de la reconstruction au Xe siècle.


Heureusement plusieurs éléments sont conservés de cette époque, la nef, le transept et une large partie du clocher (les quatre premiers niveaux, en fait). N'oublions pas qu'il s'agit d'une des plus anciennes de Paris encore visibles (avec une autre sous le même vocable, Saint Germain de Charonne, Saint Pierre de Montmartre, et Saint Julien le Pauvre devenue lieu de concerts quasi quotidiens).

Seul le troisième niveau porte une décoration, et uniquement géométrique.

Quand la révolution gothique pointe, c'est un des tout premiers bâtiments à en bénéficier. Le couvent proprement dit est reconstruit mais sera détruit au XIXe siècle. La Révolution chasse les moines en 1792 et l'église survit en devenant manufacture de salpêtre. Quand elle est rendue au culte, ce n'est plus qu'une église paroissiale. Adieu l'abbaye.


On a peine à croire aujourd'hui que ce fut une des plus considérables abbayes du pays, largement dotée de terres, au centre d'un véritable réseau économique. Mais aussi un incroyable foyer culturel.


En observant l'extérieur, on remarque aisément les changements stylistiques. Les restaurations successives de Godde, architecte de la ville de Paris (auteur de Saint Denys du Saint Sacrement notamment) et de Baltard, particulièrement célèbre pour ses fameuses Halles hélas disparues, lui ont donné l'aspect actuel.

La nef



La nef a énormément changé depuis la construction. A la base, c'était le roman qui s'imposait avec le règne de l'arc en plein cintre : arcatures semi-circulaires, colonnes engagées qu'on voit nettement sur les côtés. Un des rarissimes témoignages de l'art roman visibles à Paris donc.

Cependant, aux XVIe et XVIIe siècle, on modifia la voûte en ajoutant de nombreuses ogives gothiques. La charpente fut refaite pour l'occasion, mais en conservant un maximum de la précédente, ce qui en fait une des plus anciennes de France.


Je pense que tout le monde sait maintenant que la blanche pureté des églises n'est que la disparition des couleurs, et que les intérieurs comme les portails étaient intensément colorés. Certains tympans comme celui de Conques en conservent la trace. La décoration intérieure de Saint Germain n'est pas celle du Moyen-Age ; Baltard confia la réalisation au peintre Hippolyte Flandrin qui s'associa à Alexandre Denuelle ; tous deux utilisèrent un procédé novateur, la peinture à la cire, technique qui permettait des jeux d'ombre subtils.


Malheureusement poussière et fumée des cierges avaient largement obscurci et ce décor de presque deux cents ans était devenu noirâtre et pas très séduisant. Les travaux de restauration ont commencé en 2017, je crois, et devraient s'achever en 2021.

C'est un plaisir de contempler ces peintures avec une telle fraîcheur de couleurs. Je ne sais pas vraiment si Flandrin et Denuelle ont repris les motifs existant ou s'ils ont créé un néo-médiéval selon la mode troubadour, mais le résultat est vraiment splendide. De toute façon, il s'agit d'un témoignage d'une période artistique.


Huit chapiteaux sont d'origine, douze ont été refaits sous la direction de Godde ; les originaux sont conservés au Musée de Cluny, à quelques centaines de mètres d'ici. Il s'agit bien de réfaction et non de restauration, et l'emploi de dorure bien pratique pour masquer les accidents n'est pas le meilleur choix de restauration !

Cependant, encore une fois, c'est un précieux témoignage de la sculpture romane.

Le transept



Le transept fut aussi largement modifié, ce qui permit d'ouvrir de larges verrières.



D'un côté, un autel supporte une statue de Sainte Marguerite, une réalisation de Frère Jacques, un moine de l'abbaye.


De l'autre, le mausolée de Jean Casimir. Ce roi de Pologne fut commendataire de l'abbaye au XVIIe siècle.


Selon la coutume (mon meilleur exemple est encore la Crypte impériale de Vienne), on n'hésite pas à rappeler les hauts faits militaires dans les bas-reliefs.


Le chœur et le déambulatoire




Le chœur restauré est particulièrement spectaculaire. Bien que remanié, comme le reste, aux XVIe et XVIIe siècle, c'est un témoignage de cette première architecture gothique. Les chapiteaux corinthiens ne sont pas fréquents dans ce style. Le triforium, cette petite galerie percée de fenêtres au premier étage, est magnifié par l'éclairage actuel. Les colonnettes centrales proviennent de la première abbaye, la construction mérovingienne.


Lapides clamabunt : (S'ils se taisent), les pierres crieront. C'est un verset de l'évangile de Luc, une invite à ne pas rester silencieux. Au-dessus, une Entrée du Christ à Jérusalem de Flandrin se détache sur le fond doré.



Je suis stupéfait de l'éclat donné aux apôtres du chœur. Vraiment, quel magnifique travail de restauration.







Flete et super filios. Pleurez (sur vous) et sur vos fils. Un autre extrait de l'évangile de Luc, "Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous et sur vos fils". Au-dessus, un Portement de Croix de Flandrin fait pendant à l'Entrée du Christ, avec une même construction en plans sur fond doré.



Seule la partie adjacente au chœur est décorée dans le déambulatoire, la partie sans doute la plus "authentique" de l'intérieur. C'est dans cette partie qu'on sent au mieux le gothique primitif de la construction.


Jacques Douglas, un prince d'Ecosse, était catholique ; exilé en France, il servit Louis XIII, ce qui (avec sans doute un généreux don) lui permit d'avoir son monument funéraire dans l'église, témoignage éloquent du XVIIe siècle.


Les chapelles rayonnantes sont décorées sobrement avec des arcatures plaquées sur les murs. On voit un bel ensemble de vitraux médiévaux mais tous ne sont pas authentiques. J'en ai vu un, avec surprise, au Metropolitan Museum de New York !


La chapelle axiale est une pure réalisation de Godde qui choisit de détruire celle existante pour la remplacer par une plus vaste. Comme à Saint Denys du Saint Sacrement, Godde a opté pour un décor en grisaille sur ces murs en cylindre. D'un côté la Présentation de Jésus au Temple


Et de l'autre la Nativité. On voit que ces peintures-là ne sont pas encore restaurées !


Le contraste est vif lorsqu'on se retourne, avec la pourpre des colonnes et l'azur du ciel.


Sobriété et harmonie. Les voûtes à cinq branches attirent l'œil : on voit qu'il s'agit seulement d'une arête ( I) qui vient séparer deux tores (X).



Tout n'est pas encore restauré : il reste du travail !


14 commentaires:

  1. Outstanding post! This church is a pure jewel.
    I couldn't imagine such amazing paintings!
    Thanks for this wonderful post.
    Annie

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    1. Thanks, dear Annie! I am so happy you liked this post.

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  2. Je suis ravie d'avoir embelli ma fin de soirée, en découvrant cette Église St Germain des prés. Merci pour les photos et les precissions.Tres enrichissant!
    A bientôt. Babette

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    1. C'est moi qui suis ravi d'avoir une nouvelle lecteice, et de recevoir un commentaire aussi affectueux et enthousiaste !
      Gros bisous.

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  3. Fantastic goods from you, fredailleurs. I bear in mind your stuff previous to. You're simply too fantastic. I really like what you've obtained here about the history of a great and famous abbey.
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    1. That is a great pleasure to read such a nice message. Thank you, dear Anonymous!

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  4. Depuis que la restauration est en cours, chaque visite à Saint Germain des Près est l'occasion de nouvelles découvertes. Vous avez bien fait d'y retourner!
    J'apprécie énormément vos visites d'églises, si claires et informatives. Beaucoup de photos, beaucoup de commentaires, toujours un peu d'histoire et d'histoire de l'art. C'est le plaisir d'apprendre que vous communiquez à vos lecteurs.
    Comme vous me l'écrivez souvent, un grand merci !
    Pierre

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    1. Zut alors ! Si vous me piquez mes réponses, que puis-je écrire ? Tous mes remerciements pour votre fidélité et la bienveillance dont vous faites toujours preuve à mon égard !

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  5. Hello.This article was really interesting, especially since I was investigating for thoughts on this issue (churches in Paris) last Wednesday.

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  6. Que de souvenirs en regardant tes photos, St Thomas d Aquin où j'ai fait ma première communion et ma communion solennelle, Notre Dame où j ai fait ma confirmation. Et puis l'église Saint Germain, proche de mon college rue Saint Benoît. Bref tout mon quartier car j'ai grandi 32 bd Raspail!
    Bonnes vacances Fred.
    Bises

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    1. Je croyais avoir répondu... Je suis ravi d'avoir pu ainsi, sans le savoir, retracé ton itinéraire biographique !
      Grand merci et bonnes vacances.
      Gros bisous.

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  7. L’extérieur de l’église ne permet pas de penser que l’intérieur est aussi éblouissant, superbe, étonnant. On se croirait revenu au Moyen Age. La clarté des verrières, des vitraux, ajoute à la beauté de l’intérieur. Lors de mon prochain séjour à Paris, je m’y précipiterai pour l’admirer à nouveau grâce à toi. On ne peut que te remercier et te féliciter pour toutes les splendeurs que tu nous fais connaître, toujours avec un luxe d’explications.
    Bises. Mam.

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    1. ... Et cette prochaine visite sera encore plus extraordinaire, avec les nouvelles restaurations. A marquer d'une pierre blanche !
      Grand merci pour ce commentaire affectueux.

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