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mercredi 26 juin 2019

Paris : concert Uto Ughi, Bruno Canino (Institut Culturel Italien)


L'offre est pléthorique à Paris pour cette Fête de la Musique, mais concernant la musique classique, c'est comme d'habitude, le choix est plus restreint. J'ai sondé longuement les annonces, ai hésité avec le concert de l'Orchestre de Paris et Janine Jansen au Louvre, mais finalement c'est celui offert par l'Institut Culturel Italien qui m'a tenté.



A l'Hôtel de Galiffet



Outre le fait que j'aime beaucoup cet endroit, c'est l'occasion d'entendre deux légendes italiennes, pas vraiment des perdreaux de l'année…


Une seule crainte, comme les salons du lieu sont petits, je crains un peu de ne pas pouvoir entrer. Donc, plutôt que descendre à pied depuis la Villette où je viens de visiter l'exposition Toutankhamon, je fais le parcours en métro pour atteindre l'Hôtel de Galiffet.
Ce bel hôtel particulier de la rue de Varenne fut édifié à la fin du XVIIIe siècle sur un cimetière pour le marquis de Galiffet. Quand celui-ci dut précipitamment émigrer, le bâtiment devint le siège du Ministère des Relations Extérieures, et Talleyrand s'y montra très actif sous le Directoire.


Dès la fin du XIXe siècle, la diplomatie italienne s'y établit avant de déménager de l'autre côté de la rue.


C'est aujourd'hui son antenne culturelle qui y tient ses quartiers, avec l'éventail que proposent ces maisons dans la capitale : cours de langues, expositions, conférences et concerts.


En faisant la queue à l'extérieur, on peut profiter de la répétition de Bruno Canino qui se chauffe les mains. Avec la Clair de Lune de Beethoven et quelques Chopin, tout de même !


Une demi-heure avant le début, la foule extérieure est énorme, mais j'ai la chance de pouvoir être placé dans la première salle, au cinquième rang.


Les premiers sont réservés aux inévitables personnalités conviées en ce lieu, qui conversent dans un italien liquide et chantant. A côté de moi, deux mamies bien françaises déversent leur fiel en comparant les défauts de leurs belles-filles respectives. J'espère bien que la musique va adoucir leurs mœurs !


Reflets de la salle voisine, avec un imposant lustre en verre de Murano.

Uto Ughi et Bruno Canino



Si c'est en 1951 qu'Uto Ughi donna son premier concert de violon, c'est en 1945 que Bruno Canino se produisit en public pour la première fois, ce qui en fait sans doute un des vétérans en activité. Deux légendes de la musique classique, qui ont joué avec tout le gratin mondial, ont côtoyé la crème des compositeurs. Canino a été proche de Berio qui lui a dédié plusieurs œuvres.
Ughi possède une très enviable collection de violons, deux Stradivarius (dont le fameux Kreutzer, ancienne propriété du violoniste dédicataire des œuvres de Beethoven), trois Guarneri entre autres…
J'ai hélas oublié de lui demander quel était celui du concert. Un instrument à la sonorité très chaude, extrêmement riche en harmoniques. Il faut dire qu'entendre ce type de concert dans un salon de musique est un privilège rare. Outre la proximité immédiate, le son est bien plus présent que dans une salle de concert, enveloppé sans être réverbéré. Pour un programme chambriste, quel plaisir simplement dans le son, sans parler de l'interprétation !

Par terre, la plus jeune auditrice du concert...
Le programme n'est pas spécialement de tout repos pour des artistes plus très jeunes, surtout pour le violoniste. Le choix qui a présidé aux œuvres est de faciliter l'accès au maximum : pas de Berio aujourd'hui mais beaucoup de tubes, et des pièces virtuoses qui montrent la spectaculaire préservation de ces interprètes. En outre, ils commentent - en français - avec beaucoup d'humour et une gentillesse très immédiate les œuvres du concert.


Première œuvre, la fameuse Chaconne en sol mineur, le plus célèbre morceau de Tomaso Antonio Vitali, un compositeur bolognais du XVIIIe siècle. Je crois que l'attribution de cette pièce est aujourd'hui contestée, et que la version la plus courante est un arrangement du XIXe siècle, cela n'en reste pas moins de la belle musique, méditative et agréable, un classique des ouvertures de concerts.


Suite avec la Sonate de César Franck, un autre grand classique du répertoire ; les interprètes montrent surtout sa filiation romantique tout en conservant un tempo très mesuré (le risque de cette œuvre, c'est l'accélération dans la fièvre générale) et en assurant un dialogue éloquent entre les instruments.


Entracte mais vu la foule et surtout celle amassée à l'arrière, derrière les fenêtres, personne ne bouge de peur de perdre sa place. Même pas pour aller se rafraîchir malgré la température de four à pizza !


La Suite Espagnole de Manuel de Falla est en fait un arrangement de six des Siete Canciones populares espanolas, un cycle maintes fois entendu avec des chanteurs (Victoria de Los Angeles, Teresa Berganza, Marylin Horne entre autres). C'est Falla qui s'est chargé de cette transposition avec le violoniste polonais Paul Kochanski. Il en existe bien d'autres, j'ai entendu la version avec guitare par Llobet et celle avec orchestre de Berio !
Quel que soit l'effectif retenu, l'important est de changer de climat à chaque cancione  et le violon s'y prête particulièrement. Ughi varie les sonorités avec un plaisir visible, en offrant même qui rappelleraient la voix humaine. Du beau travail.


A partir de là, place à la virtuosité : le Rondo Capriccioso de Saint-Saëns, archi-tube, où les interprètes s'attachent à montrer toute la musique derrière les acrobaties.


Le programme proprement dit s'achève avec la Campanella de Paganini, adaptation avec piano du troisième mouvement du deuxième concerto pour violon. Ughi explique que le nom vient de la sonorité de clochette (campanella en italien) imitée par les instruments et la signale même au cours de l'interprétation pour être certain que personne ne l'a ratée !


Et ce n'est pas fini ! Deux bis encore : une Fantaisie sur Carmen, redoutable pièce virtuose de Sarasate (pas la Waxman qu'on entend plus souvent) qui soulève l'enthousiasme du public, et le délicieux Schöne Rosmarin de Kreisler, grand pourvoyeur de bis pour violon devant l'éternel.

Infatigables, les deux seniors de la soirée !
On peut bien pardonner quelques notes pas très justes devant une telle ferveur.

Et quel plaisir à partager la musique, quelle joie dans la communion avec le public. Quelle classe avec une immense gentillesse. Une vraie fête de la musique en leur compagnie.








8 commentaires:

  1. Such a great pleasure to attend legends'concerts.
    Great to have a musical excerpt!
    Congrats for your lovely post.
    Annie

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    1. Thank you very much Annie.
      I only posted a video because I saw many people filming!

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  2. Un concert privé, en fait. Vous avez eu beaucoup de chance ! Merci de nous en faire profiter. Ce lieu (que j'ignorais) semble extraordinaire.
    Pierre

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    1. Un lieu à découvrir donc, pas si secret...
      Merci, Pierre!

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  3. Nice review of a concert by living legends.

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  4. Merci de nous faire partager ces moments inoubliables , j'aurai tellement désiré être présente ,c'est mon violoniste préféré,il apporte beaucoup pour défendre la musique classique dans son pays ,c'est plus qu'un engagement et rien que pour tout cela ça mérite une immense reconnaissance , violoniste et pianiste émérites , un immense merci à nos grands musiciens ! Béatrice

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    1. De grands artistes effectivement !
      Merci, Béatrice, pour ce chaleureux message.

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