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jeudi 10 août 2017

Japon, Nikko : villa impériale et cascade dans la forêt

Changement de programme


La pluie semble partie pour contrarier mes plans, aujourd'hui. Alors que j'avais envisagé une excursion au lac Chuzenji, la demoiselle de l'office de tourisme auprès de qui je me renseigne pour les horaires de bus me signale que c'est inutile d'y aller, avec le brouillard annoncé et la pluie continuelle je ne verrai rien. C'est vrai qu'il bruine régulièrement, mais la brume me semble enserrer seulement les sommets.


J'ai un plan B : une villa impériale à l'autre bout de la ville. C'est parti pour une bonne trotte.


 Un lézard cuivré à queue bleue prend obligeamment la pose pour la photo.


 La variété des mousses au Japon, c'est tout un programme !

Une église anglicane


 Voilà donc l'église indiquée sur le plan de la ville. De culte anglican, elle ressemble effectivement beaucoup à certaines de ses consœurs britanniques (et même à certaines de Londres).



 Dès qu'on entre quelque part, on doit ôter ses chaussures. Parfois des solutions de rechange sont proposées, comme ces pantoufles en gros.


 L'intérieur surprend par sa luminosité.


 Ces églises en Orient me rappellent toujours Les Clefs du Royaume, ce roman de Cronin que j'avais adoré quand j'étais adolescent. Un auteur qu'on ne lit plus guère de nos jours !


 Même l'harmonium est présent.


Vitraux tout simples : évangélistes, écussons. La symbolique de ces derniers m'échappe !


L'air de Nikko profite aux hortensias.


Les maisons traditionnelles sont précédées de petits jardins très romantiques. Musset aurait apprécié.


 Alors que je m'approche de la villa, la brume se débrouille pour masquer entièrement la montagne.

La villa impériale de Tomozawa


Cette villa a une histoire peu banale. Ce fut une résidence féodale de la période d'Edo, construite à Asakasa (Tokyo) en 1872. Elle fut démontée et remontée en 1898 à Nikko par un riche entrepreneur local. Il y fit adjoindre plusieurs parties, réaliser le magnifique jardin qui l'entoure pendant l'ère Meiji. Lors de la construction, la superficie du bâtiment était de 107 000 m². 106 chambres dont 23 pour les seuls appartements privés !

C'est aujourd'hui la plus grande villa en bois du Japon. Et je pense qu'il ne doit pas y avoir beaucoup d'équivalents dans le monde.


 L'entrée fait la part belle au jardin de mousses, un végétal bien plus chéri au Japon que chez nous.


De prime abord, on ne voit pas une énorme différence entre temple, sanctuaire, maison privée. Le style chinois s'est bien diffusé ici (ainsi que les idéogrammes, le bouddhisme, le riz et les pâtes, etc) et s'est bien conservé selon les époques. C'est assez difficile, pour un non-spécialiste (= moi !), de dater un monument. Et l'aménagement intérieur ne varie pas davantage entre un édifice monastique et un palais. Les pièces sont divisées par des fusuma (des cloisons coulissantes pleines) et des showa (en papier de riz) qui partagent l'espace à l'envi. Très peu de meubles sont visibles. Les placards permettent de tout ranger, les malles qui contiennent tout, les futons que l'on déroule le soir…

Les bâtiments



 Les multiples détails témoignent aussi bien du raffinement dans l'exécution que du soin dans la restauration.


 Le chrysanthème simplifié, symbole impérial, se retrouve partout.


Je crois que la structure est en bois de cèdre, mais je ne garantis rien ! C'est peut-être du cyprès.


 L'aménagement de la maison s'élabore alors que le Japon s'ouvre à l'occident. On importe beaucoup d'objets de luxe, et notamment quantité de luminaires. La toute nouvelle électricité peut illuminer les palais !


 Le plan permet de prendre la mesure du gigantisme du lieu.


 Gravure du site retenu pour le remontage de la villa.


 J'avais vu, l'an dernier, au château de Kanazawa, le même exemple de montage sans clou. Tout se fait par emboîtement, consolidé par des bâtonnets (impossible de me rappeler le nom exact !).


 Les toits et leurs ornements sont en cuivre.




 Les fusuma sont peints à la main, pas imprimés.



Quelques exemples de la variété des boutons et des bandes des tatamis.


 L'arbre à laque, strié pour récupérer la précieuse sève.


 La variation des nuances, au fur et à mesure qu'on applique les couches de laque.


 Un des immenses plaisirs des constructions traditionnelles japonaises, ce sont les jardins intérieurs. Très nombreux ici.




Salle de réception et son parquet européen.


 Encore plus occidental, un billard ! Avec le canapé assorti !



 La salle de réception. Pas de trône mais un fauteuil venu tout droit d'Europe.




 Et, luxe rare, une salle de bains.


A l'étage étaient aménagées des pièces pour l'observation. Une aurait été consacrée à l'astronomie, mais elle ne se visite pas. Dans celle-ci, une vraie rareté : des vitres ! Pour l'occasion, on les importa des États-Unis.


Quelle belle fenêtre…


Les toits en cuivre, d'une belle régularité.










Encore un import européen : des tapis français pour remplacer les tatamis.


 Un aimable gardien me signale ce cerisier (Prunus pendula) vieux de 400 ans et m'indique la circonférence de son tronc : quatre mètres !



Cette grue stylisée fait très art déco, non ?







Le jardin

 Me voilà dans le jardin. On voit aisément la construction sur pilotis ; ce n'était pas destiné à prévenir des inondations mais à faire circuler l'air lors des étés chauds. Ventilateur naturel !



 Le jardin proprement dit est un enchantement, malgré la pluie continue. L'eau, le minéral, le végétal, les éléments indispensables à tout jardin japonais qui se respecte, s'harmonisent parfaitement.







 Cette visite m'a énormément plu, je dois l'avouer.

Il est un peu plus d'une heure ; que faire ? Si je continue en m'éloignant de la ville, vais-je trouver un restaurant ?


Un restaurant, non ; mais un temple, bien sûr !





Dans la forêt de Nikko

Juste au moment où j'allais rebrousser chemin, je vois un panneau, rabougri, à moitié dans le fossé, indiquant en anglais Jakko Falls, 2 km. Une cascade ? Chic alors ! Je devais en voir une au lac Chuzenji, en voilà une qui se présente presque devant moi. Deux kilomètres, ce n'est rien.

En fait, les responsables des panneaux japonais sont de petits plaisantins. Après une demi-heure de marche, je reverrai le même panneau. Puis un Jakko Falls, 1 km. Et à nouveau un Jakko Falls, 2 km. Puis un autre...

Je ne ressens aucune acrimonie contre les poseurs de panneaux. Cette randonnée m'a emballé. J'ai bénéficié d'un calme roboratif (sauf les cigales, les corbeaux et des glapisseurs non identifiés). Je n'ai croisé personne, ni touriste, ni autochtone. J'ai longé un torrent rafraîchissant qui m'a guidé tout le long. Et enfin, j'ai pu voir (alors que j'avais quasiment abandonné tout espoir) les fameuses cascades.



Dans cette région de forêts, logique : il y a des scieries.


Un gros papillon noir, qui a refusé de se tenir tranquille pour la photo.



 Un vrai momiji (érable) rouge, cette fois !






 Un curieux s'est risqué à la dégustation. Ce n'est pas moi.


Araignée et pluie se sont accordés pour réaliser cet impalpable bijou.




Sans prévenir, se présente devant moi cet improbable chalet. Et pas proche de la route !


 Encore plus étrange, juste à côté, ce bassin spacieux aux airs de piscine. Il reste des traces de peinture bleue et une antique échelle, toute rouillée.





 Alors que je poursuis mon ascension, la brume s'épaissit. Je songe à la forêt des contes, et tout particulièrement à la merveilleuse scène dans le bois de Hansel et Gretel, l'opéra de Humperdinck.



 Finalement, au bout de nulle part, le bruit de chute d'eau s'intensifie et un torii m'indique un sanctuaire.

Jakko Falls



 La voilà, la cascade !


Ce ne sont pas les chutes du Zambèze mais cette cascade a une jolie ligne brisée. C'est un moment magique : le but atteint, la fraîcheur soudaine (27 °C, assure mon thermomètre), le calme de la forêt. J'en profite pleinement.


 Je grimpe cependant jusqu'au sanctuaire, d'autant plus volontiers que des racines antidérapantes sont précisément placées sur le chemin.


 Quelle énergie il a dû falloir pour transporter les matériaux sur ces chemins de chèvre, au milieu de nulle part ! C'est une réflexion que je me suis souvent faite au Népal et plus encore au Tibet.


C'est fou le plaisir éprouvé dans cet endroit, avec ces arbres gigantesques, cette brume envahissante. Je ne sais si mes photos inégales ont pu le transmettre.

Généralement, la pluie en forêt, c'est une sortie gâchée. Mais cette bruine vaporeuse... c'était surnaturel.


Ces statues érodées et moussues qu'on découvre dans la brume ajoutent à ce caractère de magie sylvestre. Ce n'est pas Angkor, qui transmet l'impression de gigantisme d'une civilisation enfouie dans la forêt. C'est plus intime.

Retour à la civilisation : déjeuner de  yuba


Je reprends le même chemin, pour être certain de ne pas me perdre. Une fois la route principale retrouvée, un objectif : manger !


La maison de samouraï va bientôt fermer, mais tant pis. J'en ai visité une à Kanazawa, et il n'est pas question de m'écarter de mon objectif : trouver un restaurant, si possible servant du yuba.


Celui-ci ne paie pas de mine mais ce n'est pas un problème ; c'est souvent une bonne adresse pour de la cuisine traditionnelle. Et, ça tombe bien, celui-ci est précisément spécialisé dans le  yuba !
Je n'ai que l'embarras du choix, la carte en est pleine, il est cuisiné de toutes les façons. Je choisis un menu à trois plats pour 1620 yens, avec du yuba partout.


On m'apporte en même temps dessert, un mille-crêpes au yuba, et une salade surmontée de yuba.



Le yuba, qu'on voit ci-dessus, c'est la spécialité de Nikko. Il s'agit de la peau qui se forme à la surface du tofu lorsqu'on le prépare, comme avec le lait bouilli. Je le goûte pour la première fois ; la saveur est assez fine, avec un léger arrière-goût de noisette.


 Mon plat de résistance : un potage à la tomate, avec divers légumes et des somen, surmonté de feuilles de yuba.

Je profite pour acheter du yuba à cette fabrique. Diantre, ce n'est pas donné ! 1000 yens le paquet de huit. Mais sans doute très difficile à se procurer en France.



J'avais repéré en venant une pâtisserie. Je vais y acheter un morceau de gâteau qui devrait me suffire pour ce soir.

Les pâtisseries sont peut-être le commerce le plus répandu au Japon. Parfois plusieurs les unes à côté des autres ! Mais rien à voir avec les nôtres (ni avec celles que j'ai photographiées à Tokyo, qui étaient européennes).

Une pâtisserie au Japon, c'est un magasin élégant où on ne voit que des reproductions en plastique de gâteaux et de beaux paquets qui en contiennent, sous vide.

Il faut dire que la tradition du cadeau est très ancrée ici ; dès qu'on voyage quelque part, on doit ramener de beaux paquets cadeau pour tout le monde. Voir un Japonais dans une pâtisserie est impressionnant ; il repart souvent les bras chargés de sacs. Quant à moi, j'acquiers modestement un paquet d'une autre spécialité locale, le cheesecake à la fraise.


Bon. Il pleut, on n'y voit pas bien loin, la nuit va bientôt tomber.


Il est temps d'opérer un repli stratégique. Je rentre à l'hôtel.



Juste quelques arrêts pour photographier leurs jardins de pots dans les rues, qui m'enchantent toujours. Combien de temps cela tiendrait chez nous, en centre-ville ? 

4 commentaires:

  1. Great pics ! Just a perfect post.
    Best, Annie

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  2. Est ce que ses la meme foret ou la fille a disparue

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    Réponses
    1. Il s'agit effectivement de la forêt de Nikko, mais j'ignore si c'est la même zone, cher Anonyme.

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