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mardi 22 décembre 2020

Vienne : la maison de Johann Strauss

 

Après les maisons de Beethoven et de Schubert, voici celle de Strauss, un appartement sur l'avenue du Prater.


Vienne, maison de Johann Strauss : la façade

Vienne, maison de Johann Strauss : le couloir

Vienne, maison de Johann Strauss : silhouettes de Johann Strauss


Le roi de la valse


Vienne, maison de Johann Strauss : Ludwig Wegman, La maison natale de Strauss à St. Ulrich


Johann Strauss II naît en 1825 à St Ulrich, un faubourg de Vienne, aujourd'hui inclus dans le quartier de Neubau. Pourquoi Strauss II ?

 

Vienne, maison de Johann Strauss : Joseph Kriehuber, Johann Strauss I

 

C'est pour le différencier de son père, Johann Strauss I, déjà compositeur célèbre. Le papa a écrit de nombreuses valses et son œuvre la plus réputée est sans doute la Marche de Radetzky, demeurée un tube incontesté du concert du Nouvel An. Il aimerait bien que ses enfants suivent un autre chemin, mais c'est raté : outre Johann II, Josef et Eduard marchent dans ses pas. 


Le petit Johann II apprend tout jeune le violon et il en jouera toute sa vie. On raconte que son compositeur de père le fouette lorsqu'il découvre que son rejeton s'entraîne en cachette, pour le prévenir des rigueurs et des incertitudes du métier, paraît-il. Il étudie avec Drechler, directeur du Theater am Josefstadt et pédagogue réputé, qui lui inculque des bases solides.


Vienne, maison de Johann Strauss : Martha Schreiber, La maison d'été de Johann Strauss à Salmannsdorf

 

Vienne, maison de Johann Strauss : Le casino Dommayer à Hietzing
 

A dix-neuf ans, il débute au casino Dommayer de Hietzing (un quartier proche de Schönbrunn) avec des pièces de son père et six de ses propres œuvres. Gros succès.

 

Vienne, maison de Johann Strauss : manuscrit de la la valse Erster Gedanke
 

 Il est identifié comme compositeur de valses viennoises à la mode et part immédiatement en tournée en Europe et en Amérique du Nord.


Vienne, maison de Johann Strauss : Karl Zajicek, La maison de Johann Strauss sur Praterstrasse

 

De retour, il obtient un poste de chef de la musique municipale alors que son père est nommé musicien des bals impériaux. La rivalité entre les deux compositeurs est féroce, et le fiston a sans doute gardé une dent contre son père qui a abandonné la famille, plusieurs années auparavant, pour vivre avec sa maîtresse. En outre, en cette période troublée, les deux affichent des opinions politiques différentes ; monarchique pour le papa, révolutionnaire pour le fiston, qui se fait même arrêter en jouant La Marseillaise !


Vienne, maison de Johann Strauss : Franz Kaliwoda, Johann Strauss au Volksgarten
 

A la mort de son père peu après, il ne cesse de composer, joue dans les lieux les plus célèbres de la capitale et devient la coqueluche de la planète musicale. Il enchaîne les tournées avec l'orchestre qu'il a fondé, des Etats-Unis à la Russie. 

 

Vienne, maison de Johann Strauss : C. Schulz, Le Vauxhall de Pavlovsky
 

La compagnie ferroviaire de Tsarskoie Selo lui fait signer un contrat et il reviendra chaque année sur la terre des tsars. La ville de Pavlovsk, à trente kilomètres de Saint Petersbourg, a fait construire un Vauxhall (un des nombreux exemples de la fameuse salle de Londres) et Strauss y donne un concert par jour, de mai à octobre, et ce pendant une dizaine d'années. Incroyable.

 

Vienne, maison de Johann Strauss : miniatures sur ivoire, Johann Strauss et ses frères

 

 Il compose pendant les voyages et ce rythme épuisant le conduit à ce que nous nommerions aujourd'hui un burn-out. Il doit s'arrêter pendant deux mois et se reposer à la campagne, pendant que son frère Eduard le remplace dans les tournées.


Vienne, maison de Johann Strauss : studio Hähnisch, Johann Strauss et sa troisième femme, Adele


Strauss se marie une première fois avec une cantatrice, Henrietta Treffz, qui le pousse à diminuer ses tournées et le lance dans la composition d'oeuvres lyriques. La première, Indigo und die vierzig Raüber (Indigo et les quarante voleurs), n'obtient qu'un succès d'estime. La seconde, Karneval in Rom (Carnaval à Rome), est déjà une belle réussite. Je l'ai vue une fois, je m'y étais régalé !


Les tournées sont plus espacées mais demeurent et continuent à établir sa réputation mondiale. Il fait la une des journaux en donnant des concerts qui durent plusieurs heures ou en dirigeant, à Boston, un orchestre d'un millier de musiciens.

 

Vienne, maison de Johann Strauss : A.J.Kostka, Le Theater an der Wien depuis la Lehargasse

 

En 1874, il reçoit du Theater an der Wien, le théâtre autrefois dirigé par Schikaneder, le librettiste de Die Zauberflöte (La Flûte Enchantée) et premier Papageno, où Beethoven a donné de nombreuses créations, une commande pour une nouvelle opérette.


Vienne, maison de Johann Strauss : affiche pour une reprise de Die Fledermaus (La Chauve-Souris)

C'est la merveilleuse Die Fledermaus (La Chauve-Souris) qui reprend une pièce française, Le Réveillon. Un bijou bourré de futurs tubes, une œuvre qui sait allier bouffonnerie et nostalgie (dans le fabuleux Brüderlein), qui manie déjà l'absurde. Une opérette que j'adore tout particulièrement. 

 

Vienne, maison de Johann Strauss : August Eisenmenger, Johann Strauss
 

 

Vienne, maison de Johann Strauss : Johann Strauss et Johannes Brahms en 1894
 

Cette célèbre photo, prise dans la villa de Strauss à Ischl, illustre la rencontre entre deux genres musicaux bien différents. Les deux compositeurs nourrissaient une réelle estime mutuelle.


Vienne, maison de Johann Strauss : Leopold Horovitz, Johann Strauss en 1896

Comme Offenbach, Strauss est l'homme d'un unique opéra, Ritter Pazman (Le Chevalier Pazman), dont je n'ai jamais entendu une seule note. C'est un échec, retiré de l'affiche après une seule représentation. En revanche, les opérettes continuent à multiplier les succès, notamment Der Zigeunerbaron (Le Baron tzigane) et Eine Nacht in Venedig (Une Nuit à Venise), deux vraies réussites trop rarement données de nos jours.

Vienne, maison de Johann Strauss : Studio Pietzner, Johann Strauss


Le roi de la valse a écrit tout au long de sa vie plus de cinq cents partitions de danse ; polkas (la fameuse Tritsch-Tratsch-Polka en 1858), des quadrilles, danse découverte en France, et évidemment d'innombrables valses.



C'est peut-être à la valse que son nom est le plus étroitement associé, genre où sa renommée a dépassé rapidement celle de son père et du copain de celui-ci, Josef Lanner. Les tubes sont innombrables : Künstlerleben (Vie d'artiste), Geschichten aus dem Wienerwald (Histoires de la forêt viennoise), Wiener Blut (Sang viennois), Rosen aus dem Süden (Roses du Sud), Frühlingsstimmen (Voix du printemps)...

 

Vienne, maison de Johann Strauss : Photo dédidacée avec notes de musique


Vienne, maison de Johann Strauss :  manuscrit de An der schönen blauen Danau


La plus célèbre, celle qu'on entend même sur les vols d'Austrian et dans les toilettes de l'Opern-Passage, c'est sans doute An der schönen blauen Donau (Le Beau Danube bleu), composé en 1867. Presque un hymne national autrichien !



Caricatures


"On est célèbre quand on a été caricaturé". Strauss, infatigable showman, n'y a pas échappé, et les dessins et journaux provenant de plusieurs pays attestent de sa célébrité internationale.


Vienne, maison de Johann Strauss : caricature du Neuer Frei Kikeriki


Dans cette caricature parue dans le journal du 25 avril 1874, Johann Strauss est présenté en chauve-souris, allusion sans équivoque à son opérette Die Fledermaus. Le contemplent avec admiration Maximilian Steiner, le directeur de l'époque du Theater an der Wien où l’œuvre venait d'être créée et les chanteuses Marie Geistinger et Irma Nittinger. 


Vienne, maison de Johann Strauss : caricature, Johann Strauss violoniste


Cette caricature de provenance inconnue mais datée de 1872 est accompagnée  d'un texte en anglais, "They have got him on the list", during the performance (Ils l'ont mis sur la liste, pendant la représentation). Je pensais au Mikado de Gilbert&Sullivan, où Ko-Ko entonne la fameuse List song, mais l’œuvre n'a été créée qu'en 1885. En tout cas, elle fut sans doute réalisée au cours d'une des nombreuses tournées.


Vienne, maison de Johann Strauss : caricature de Schmidt,
Johann Strauss Meister der Töne

Vienne, maison de Johann Strauss :  caricature de Franz Gaul,
Johann Strauss

Vienne, maison de Johann Strauss :  
Theodor Zasche, Der Wiener Walzer

Dans le salon de musique


C'est la pièce qui conserve quelques meubles et instruments originaux, restituant un peu l'idée de l'appartement à l'époque de son illustre habitant.


Vienne, maison de Johann Strauss :  le salon de musique

Vienne, maison de Johann Strauss :  frontispices de Pizzicato-Polka et Wiener Blut

Vienne, maison de Johann Strauss :  frontispice de Morgenblätter

Vienne, maison de Johann Strauss :  frontispice d'un recueil de valses de Strauss



Vienne, maison de Johann Strauss :  manuscrit de An der schönen blauen Danau

Vienne, maison de Johann Strauss : Josef Wohlmuth, La Salle de danse Zum Sperl


Vienne, maison de Johann Strauss :  le violon de Johann Strauss

 

C'est dans cette vitrine en citronnier doré que Strauss conservait les violons de son père et les siens. Elle expose actuellement un de ses instruments, une réalisation du célèbre luthier de Crémone Amati.


Vienne, maison de Johann Strauss :  Franz von Bayros, Ein Abend bei Johann Strauss

 

Adele Strauss offrit à son mari pour son cinquantième anniversaire de compositeur ce tableau, Une soirée avec Johann Strauss. Le roi de la valse y est entouré de proches et d'amis artistes ; à l'extrême gauche, le peintre Josef Fux et Johannes Brahms, bien identifiable avec sa barbe blanche.


Vienne, maison de Johann Strauss :  orgue d'appartement de la manufacture Kotykiewicz

 

Le compositeur jouait souvent la nuit de cet harmonium sophistiqué, dont un des registres produisait un son étouffé qui ne dérangeait pas les voisins !


Vienne, maison de Johann Strauss :  coffret à cartes

 

Outre sa production prolifique, Strauss trouvait aussi le temps de jouer aux cartes. Son partenaire au tarot était Julius Bauer, un librettiste qui lui offrit ce coffret personnalisé.

 

Vienne, maison de Johann Strauss :  le bureau

 

C'est ce bureau de 1883 que le compositeur utilisait de préférence, un meuble élevé prévu pour se tenir debout (Stehpult en allemand).


Vienne, maison de Johann Strauss : Theodor Zasche, Johann Strauss à son Stehpult


Vienne, maison de Johann Strauss :  vitrine de collection

 

J'aime bien cette idée de collection, surtout avec des objets un peu disparates qui, semble-t-il, furent tous portés dans les toilettes de ces dames. Un inventaire étonnant qui m'évoque surtout les cabinets de collectionneur !


Vienne, maison de Johann Strauss : Masque mortuaire de Johann Strauss


Strauss décède en 1899, après avoir composé une dernière opérette, Wiener Blut (Sang viennois) et une dernière valse,  Kaiserwalzer (Valse de l'Empereur). Il écrivait un ballet, Aschenbrödel (Cendrillon) quand il contracta une pneumonie.  

Les jeunes loups de l'école de Vienne, Berg, Schoenberg et Webern transcriront plus tard ses oeuvres ; des réussites, j'ai entendu Renaud Capuçon en donner avec ses amis au Festival de Pâques. Les Nazis le feront jouer régulièrement, le parant d'une réputation funeste, et négligeant que Strauss descendait d'une famille juive.

Et n'oublions pas que le concert de musique classique le plus suivi dans le monde est celui du Nouvel An à Vienne, où sa musique est immanquablement exécutée sous la direction des chefs les plus prestigieux.

Et je dois bien avouer qu'un peu de Strauss pour se mettre en forme le matin, c'est un excellent démarrage...


Une visite recommandée à tous les amoureux de musique !


3 commentaires:

  1. The King of Waltz !
    A great post with many informations, one success again.
    Congrats and merry Xmas (with hot chocolate of course, I know you love it) !
    Annie

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  2. Merry Xmas! All the best to you and your family!
    Annie

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    Réponses
    1. Thank you very much dear Annie! Merry Xmas to you! 🎅🎄🥂

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