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mercredi 27 mars 2019

Washington : Peintres italiens 3 (National Gallery, aile ouest)




Jacopo Palma il Giovane, Vénus et Cupidon à la Forge de Vulcain

Pour faire le lien avec l'article précédent, un dernier maniériste : Palma Giovane, Palma le Jeune, pour le différencier de son grand oncle Palma Vecchio, le Vieux ou l'Ancien. Très influencé par Titien et Raphaël, c'est un très actif artiste vénitien qui participe aux grands chantiers de son temps (comme le Palais Ducal) et on lui doit un très beau cycle dans la merveilleuse église de San Giacomo dell'Orio. Dans l'Eneide, Vénus utilise ses charmes pour convaincre son époux, Vulcain, de forger les armes pour son fils Enée prêt à partir en guerre. Sujet abondamment traité qui doit son succès au contraste entre un nu féminin et des ouvriers virils.

Giuseppe Arcimboldo, Quatre Saisons en une seule tête

Arcimboldo obtint un énorme succès en inventant des personnages composés d'objets, d'animaux, de végétaux, et en répétant ses créations illusionnistes tout au long de sa carrière. Le Louvre possède quatre tableaux pour les saisons, ici c'est une version où tout est combiné en un unique personnage.

Le Guerchin


Giovanni Francesco Barbieri dit Le Guerchin, Le Cardinal Francesco Cennini

Auteur prolifique, Le Guerchin combine les influences de Guido Reni et des Carrache, en privilégiant souvent un traitement habile de la lumière. C'est un excellent peintre, qui suggère beaucoup avec quelques coups de pinceau. Comme beaucoup de ses collègues du XVIIe siècle, il couvre un grand choix de sujets. Les portraits ne forment pas la partie de son œuvre la plus célèbre et pourtant, ce somptueux tableau prouve sa maîtrise dans le genre.

Giovanni Francesco Barbieri dit Le Guerchin, Amnon et Tamar

Le deuxième livre de Samuel dans la Bible raconte l'histoire d'Amnon qui éprouve des sentiments incestueux pour sa demi-sœur Tamar, au point de la violer malgré son refus. Ces scènes d'attirance non consentie rencontrèrent un grand succès à l'époque, ce qui vaut à cette histoire plusieurs illustrations alors qu'elle avait été plutôt ignorée dans les siècles précédents. Langage du corps, mouvement, et des carnations magnifiées par la lumière sont ici à l'honneur.

Giovanni Francesco Barbieri dit Le Guerchin, Joseph et la Femme de Putiphar

Passage célèbre de la Genèse, l'inverse de l'histoire précédente. Joseph, vendu par ses frères, s'est retrouvé en Egypte esclave de Putiphar, et sa femme est saisie de désir par ce bel étranger. Joseph refuse et l'épouse dépitée l'accuse d'avoir voulu la violer, ce qui le précipite en prison. Beauté classique à la grecque, jeu habile des couleurs avec ce bleu de lapis, valorisation des gestes renouvellent ce tableau de chambre (cadre traditionnel des Vénus au siècle précédent). Les tissus sont magnifiquement peints.

Giovanni Francesco Barbieri dit Le Guerchin,
Autoportrait avec la peinture de l'Amour Fidèle

Un autoportrait devant un tableau pour prouver sa technique, avec des vêtements de gentilhomme plutôt qu'une blouse de peintre pour mettre en avant son statut. Une vraie publicité !

Annibale Carracci, Paysage avec une rivière

Les paysages sont encore rares en Italie, et ce paysage aux plans multiples, très soigneusement construit malgré un effet de confusion, n'en est que plus surprenant.

Dominichino (Le Dominiquin), Adam et Eve chassés du Paradis

J'aime beaucoup Le Dominiquin, mais cette toile-ci me paraît très originale. Je lui trouve même un humour assumé, entre un Dieu envahi par une horde de putti (celui sous son bras droit semble interloqué), et un mouvement qui passe d'un personnage à l'autre pour aboutir au serpent. Cet Adam contrit vaut son pesant de moutarde ! De l'humour dans cette scène, c'est rare.

Bernardo Strozzi


Bernardo Strozzi, Saint François en prière

Un détour à Gênes avec Strozzi, un peintre brillant qui assimile les derniers feux du maniérisme, y mêle une touche de Rubens, en y incorporant un fort clair-obscur hérité du Caravage. Ses quelques moines n'ont pas la force de ceux de Zurbaran, mais cela reste une peinture expressive et puissante.


Encore un bon portraitiste, où l'influence de Rubens et même de Rembrandt est plus que perceptible.

Orazio Gentileschi


Orazio Gentileschi et Giovanni Lanfranco, Sainte Cécile et l'Ange

Un des tout premiers peintres à recueillir l'héritage de Caravage, Gentileschi a réalisé à quatre mains avec Lanfranco, un Parmesan qui travailla abondamment dans les églises romaines, cette élégante toile. Sainte Cécile,  "qui entendait de la musique dans sa tête" est ici une jeune fille concentrée dans son jeu, et l'orgue positif est très exactement décrit malgré la complexité de la perspective. La charmante tête de l'ange a sans doute participé aussi au succès de cette toile.

Orazio Gentileschi, La Joueuse de luth

Autre musicienne, autre tableau célèbre (je l'ai vu sur une pochette de disque, à l'époque où les tableaux y étaient préférés aux photos des musiciens). Je l'ai trouvé plus clair que dans les reproductions que j'avais vues où le fond vire au noir. Cependant un caravagisme assumé et bien digéré.

C'est vraiment un magnifique tableau, où tout me semble réussi.

Giuseppe Maria Crespi, Tarquin et Lucrèce

La Madeleine de Crespi m'avait vraiment emballé à Lyon. Ici je suis moins enthousiaste devant cette palette marronnasse et ces tissus cassés, cette expression un peu outrée. Encore une histoire d'amour non désiré : après avoir été violée par Tarquin, Lucrèce choisit de se suicider.

Corrado Giaquinto, L'Hiver

Pour le XVIIIe napolitain, voici Giaquinto, un peintre rococo surtout connu pour son portrait de Farinelli. La profusion et la luminosité, habituels chez lui, se doublent ici d'une palette pour le moins audacieuse.

Corrado Giaquinto, L'Automne

Les Vénitiens

Je retrouve les familiers du XVIIIe siècle vénitien, de Canaletto à Tiepolo, quelques mois après l'exposition du Grand Palais Eblouissante Venise.

Canaletto


Antonio Canale dit Canaletto, Paysage anglais avec une colonne

La diaspora des peintres vénitiens valut à Canaletto un long séjour en Angleterre où il put peindre des paysages. Cette paire de tableaux montre aussi ses dons de dessinateur et son talent dans la luminosité, tout en reprenant la tradition du capriccio, une vue inventée où on incorpore des éléments multiples.

Antonio Canale dit Canaletto, Paysage anglais avec un palais

Antonio Canale dit Canaletto, L'Entrée du Grand Canal depuis le Molo

De sa période vénitienne plus réputée, voici une classique vue de la Salute et du port actif, avec peut-être un cadrage plus rapproché que dans ses autres exemplaires. J'ai été très sensible au contraste de lumière et à l'équilibre entre couleurs froides et chaudes. Canaletto, ça me séduit toujours.

Francesco Guardi, Capriccio avec un port
Chez Guardi, c'est toujours une peinture moins léchée, plus "sale", avec plus de microbe. Plus de peinture, moins de réalisme. Le contraste entre les deux peintres illustre clairement les deux grandes tendances de la représentation picturale.

Giovanni Paolo Panini, L'Intérieur de Saint Pierre de Rome

Panini n'est pas un Vénitien, mais il demeure un vedutiste comme les précédents. C'est à Rome qu'il exerce ses talents. A l'époque, les églises sont dénuées de bancs, mais toujours le lieu d'une dense animation, ce que documente bien cette toile.

Bernardo Bellotto


Bernardo Bellotto, Pirna, Forteresse de Sonnenstein

Le neveu de Canaletto fut formé par son tonton et, dès l'âge de dix-sept ans, c'était un peintre officiel, inscrit au registre. Il voyagea également, mais davantage vers l'est : Allemagne, Autriche, Pologne. Excellent peintre aussi, loué pour la profondeur de ses tableaux et sa luminosité. Deux qualités bien perceptibles ici.

Bernardo Bellotto, Vue de Munich

Bernardo Bellotto, La Forteresse de Königstein

Bernardo Bellotto, Campo SS. Giovanni e Paolo
Un des hauts lieux vénitiens, le campo (la place) avec la statue du condottiere Colleoni, à droite, la Scuola Grande di San Marco, au fond, et l'église qui donne son nom au campo, d'allure sévère mais remplie de merveilles. Une toile savamment construite avec, à nouveau, de beaux effets d'ombre et de lumière.

Pietro Longhi


Pietro Longhi, L'évanouissement

Après les vedutistes et leurs cartes postales d'Europe, Longhi nous conduit dans les intérieurs vénitiens, à la rencontre d'une riche société oisive. Ses instantanés se ressemblent toujours un peu, avec des personnages de taille voisine souvent placés dans le plan intermédiaire, et une luminosité un peu tamisée qui convient aux teints clairs.

Pietro Longhi, Le jeu du pot

Tiepolo

C'est essentiellement Giambattista (Giovanni Battista), le père de Domenico, qui est à l'honneur dans cette collection variée et riche.

Giambattista Tiepolo, Jeune femme au tricorne

Un très beau portrait où chapeau et cape mettent en valeur un visage fardé, un peu mélancolique. Tiepolo sait créer le mystère.


Giambattista Tiepolo, La Reine Zénobie s'adressant à ses soldats

Zénobie, la reine de Palmyre autoproclamée "Augusta" fut une grande conquérante du Moyen-Orient et réussit à diriger Egypte, Syrie et Arabie, jusqu'à ce que l'empereur Aurélien mette fin à son empire. Cette figure de guerrière est ici présentée dans une attitude martiale, pleine d'autorité. La lumière est très soigneusement dosée en dégradés pour créer la profondeur.


Gianbattista Tiepolo, Apollon poursuivant Daphné

C'est Ovide qui raconte cette histoire de harcèlement divin, où Daphné, pour échapper au dieu Apollon qui a en tête des idées bien précises, n'a d'autre ressource que de demander à son papa-fleuve, Pénée, de la transformer en arbre. Ce thème a rencontré un grand succès dans l'histoire de l'art, et le moment de la métamorphose a souvent été retenu. Impossible de ne pas mentionner la formidable statue du Bernin !
Ici, ce sont les doigts de la nymphe qui changent d'état, pendant que le mouvement de recul et l'arrivée précipitée du dieu créent le mouvement.

Gianbattista Tiepolo, Scène historique

Visiblement les chercheurs n'ont pas encore proposé d'identification satisfaisante pour cette scène. L'expression de la reine, à l'arrière , qui nous fixe, désabusée et presque narquoise, m'a beaucoup plu. Pour le reste… Le ciel est-il assombri par un nuage ou un incendie ? Que tient le guerrier casqué dans la main droite ? Des cheveux ? Brandit-il son épée pour mettre cette femme à mort ?


J'aimerais bien avoir davantage de connaissances de l'histoire antique pour pouvoir résoudre le mystère !


Sebastiano Ricci, La Cène

Sebastiano Ricci, c'est donc encore un peintre voyageur dans l'Europe entière, oncle aussi d'un neveu peintre (Marco). Sa Cène apparaît derrière une curieuse arcature en trompe-l'œil, et tout y évoque davantage un banquet vénitien où on aurait convoqué des personnages antiques. C'est très curieux. Je me demande même, compte tenu de la précision de ce premier plan, si la toile n'a pas été peinte à la demande d'un propriétaire de palais qui souhaitait le voir apparaître dans un tableau religieux. Hypothèse entièrement gratuite et non vérifiée, évidemment !

8 commentaires:

  1. I love this third italian collection. Outstanding post!
    Two posts this week, I feel happy! Annie

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    1. It was a great pleasure for me to publish it!
      Thank you very much, Annie!

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  2. Hi there mates, good paragraph and pleasant urging commented
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    1. Thank you very much, dear Anonymous, for this nice message!

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  3. Ce fut un plaisir de vous suivre dans ces splendides collections italiennes, avec des œuvres passionnantes de peintres plus ou moins célèbres Vous faites bien d'attirer l'attention qur les magnifiques peintures de Gentileschi, un artiste que je ne connaissais pas. Toujours des commentaires judicieux pour guider le regard.
    Merci à vous.
    Pierre

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    1. Un grand merci, Pierre ! C'est un article qui a suscité peu de visites et peu de commentaires et je suis heureux qu'il ait pu intéresser quelques lecteurs !

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  4. Genuine art gems, outstanding texts !
    Congrats

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    1. Fine review, it is very kind! Thank you, dear Anonymous

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