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dimanche 3 mars 2019

Washington : Grands portraitistes américains (National Gallery, aile ouest)


Pour ne pas alourdir mes articles, je propose de les répartir, plus ou moins grossièrement, par thème. Voici donc une série de portraits et de tableaux avec des figures ; je connais les grands noms, beaucoup moins certains pourtant tout à fait estimables.

Gilbert Stuart

Je commence par le commencement avec Gilbert Stuart, ce peintre né au milieu du XVIIIe siècle, qui assiste à la naissance de la nation et exécute les portraits de ses grands hommes. Ceux de Washington, réalisés de nombreuses fois, sont particulièrement célèbres.

Gilbert Stuart, Thomas Jefferson

Thomas Jefferson, le troisième président des Etats-Unis, est presque l'exact contemporain de Stuart. C'est en 1821 que Stuart le portraitura, alors que l'un et l'autre étaient déjà bien âgés. Un portrait classique.

Gilbert Stuart, John Adams

John Adams fut le premier vice-président des Etats-Unis avant d'en devenir le second président. Il fut battu par son ami Jefferson quand il se présenta pour un second mandat.

Gilbert Stuart, George Washington

Un des nombreux portraits de Washington par Stuart, également daté de 1821.

Gilbert Stuart, Eleanor Parke Custis Lewis

La petite-fille de Martha Washington fut plus tard adoptée par George Washington.

Gilbert Stuart, John Jay
John Jay co-écrivit avec Alexander Hamilton et James Madison les Federalists Papers, ouvrage très critique à l'égard du gouvernement, qui demandait son renforcement et sa centralisation. Il fut aussi le tout premier président de la Cour Suprême et fut envoyé comme diplomate négocier un traité avec Londres. Le costume et le livre sur la table rouge me semblent renvoyer à sa fonction de juriste.

George Catlin

J'avais vu deux portraits par George Catlin lors de l'exposition Peintures des Lointains au Quai Branly, en novembre dernier.

George Catlin, Boy Chief-Ojibbeway

J'avais parlé à cette occasion de cet entrepreneur qui monta des spectacles où se produisaient des Indiens. Il peignit également plusieurs précieux portraits où l'exotisme n'est pas ignoré, mais il me semble qu'il s'agit cependant de véritables représentations de personnalités.

George Catlin, the Female Eagle-Shawano

George Catlin, White Cloud

Robert Peckham, The Hobby horse

Je place là, à défaut de mieux, cette peinture solitaire d'un peintre méconnu, originaire du Massachussetts, qui se rendit célèbre avec ses tableaux montrant des enfants. L'intérieur et les objets sont très précisément décrits et datent la scène des années 1840.

John Singer Sargent


John Singer Sargent, Repose

Un merveilleux peintre voyageur (né à Florence, américain, mort à Londres après avoir voyagé dans toute l'Europe), excellent portraitiste. Etudiant aux Beaux-Arts de Paris auprès de Bonnat, il fut proche de Fauré, de Monet ou de Rodin dont il réalisa le portrait.

John Singer Sargent, Miss Beatrice Townsend

Un très beau portrait, avec une palette très réduite, qui souligne une expression audacieuse et affirmée.

John Singer Sargent, Mrs Crowninshield Endicott

Dignité et argent. Je n'ai pas l'impression que Sargent ait cherché à embellir  son sujet, mais il était célèbre pour révéler la personnalité de ses clients, à la manière de Velázquez qui l'avait fortement influencé.

John Singer Sargent, Mrs Iselin

Sévérité, dureté presque dans ce portrait, où transparaît une grande force de caractère.

John Singer Sargent, Margaret Stuyvesant Rutherford White

Une symphonie de blancs, pour emprunter le sous-titre d'un tableau de Whistler. La luminosité de cette robe éclatante (les matières de Sargent sont toujours impressionnantes, en deux coups de pinceau) apporte de la vie à cette pose apprêtée. 
Curieusement le portrait semble délibérément allongé à cause de la robe immense, qui fait paraître la tête petite. De la part de Sargent, excellent technicien, cela ne peut être que délibéré.

James McNeill Whistler


James McNeill Whistler, George Vanderbilt

Une vie de roman ; né dans le Massachussetts, Whistler partit très jeune avec sa famille à Saint Petersbourg, en Russie, où il suivit les cours de l'Académie Impériale des Beaux-Arts, et apprit le français. La famille s'installa à Londres mais, à la mort du père, mère et fils revinrent au pays. Grâce à son excellente connaissance du français, il partit à Paris où il se lia d'amitié avec Fantin-Latour, et rencontra tous les futurs impressionnistes.

James McNeill Whistler, Alice Butt

Il repartit pour Londres mais exposa au Salon des Refusés parisien. Sa Femme en Blanc fut un des clous du salon avec le Déjeuner sur l'herbe de Manet.

James McNeill Whistler, Mother of Pearl and Silver : The Andalusian

Il voyagea en Espagne pour approfondir sa connaissance de Velázquez, vénéré par les peintres du moment, mais sa vie se partagea surtout entre Londres et Paris. Il fut proche d'Oscar Wilde, dandy comme lui entre ces deux villes.

James McNeill Whistler, Brown and Gold : Self-Portrait

Sa théorie principale était que l'art consistait en une harmonie de couleurs et beaucoup de tableaux font référence à ce thème. On a souvent associé sa peinture à la musique, et à son époque, ses tableaux étaient comparés à la musique de Wagner.

James McNeill Whistler, The White Girl
 (Symphony in white No 1)

Très proche de la France (outre sa pratique de la langue, sa vie à Paris, ses relations, il fut décoré de la Légion d'Honneur et on pense qu'il servit de modèle à Elstir dans la Recherche du Temps perdu), il exerça des influences croisées avec les impressionnistes français. Ses peintures de Londres dans la brume, des ponts, seraient à l'origine de celles de Monet sur ce thème.

De très belles peintures, en tout cas. J'ai vu deux rétrospectives sur ce peintre et rien de ce que je connais n'est médiocre.

Et quelques autres…


Cecilia Reaux, Sita and Sarita

Un très beau portrait avec chat d'une artiste dont j'ignore tout. La seule chose à lui reprocher est que le tableau date de 1921 ; ce n'était pas vraiment la dernière tendance picturale !

William McGregor Paxton, The Housemaid

Exquise nature morte au premier plan, très doux portrait d'une servante lectrice. Une charmante toile qui paraît sortie du XVIIe néerlandais.

Gari Melchers, Penelope

Un des fondateurs du naturalisme américain, Melchers représente ici un lumineux intérieur. Je pense que Penelope est la maîtresse de maison, occupée à son ouvrage de dame, comme l'épouse d'Ulysse. Est-ce qu'elle morigène la petite bonne qui baisse timidement les yeux ?

Alfred H. Maurer, Young Woman in kimono

Encore un artiste qui vécut à Paris à plusieurs reprises au début du XXe siècle. C'est sans doute là qu'il peignit ce somptueux tableau sombre où explosent des touches de rouge. Encore une toile sous influence japonisante !

Joseph DeCamp, The Seamstress

Etonnant peintre, parfois considéré comme un impressionniste américain, DeCamp travaille avec beaucoup de minutie les variations de la lumière. J'aime beaucoup ce délicat portrait.

Frank Weston Benson, My Daughter

Frank Weston Benson suivit à Paris les cours de l'Académie Julian, où enseignaient Laurens et Landowski. Les Nabis sortirent de ce cours privé, mais aussi Matisse ou Dubuffet. Beaucoup de femmes s'y inscrivaient car l'Ecole des Beaux-Arts les refusait, et pouvaient même y peindre des nus masculins (chose absolument scandaleuse aux yeux de la société de l'époque).
Benson, comme DeCamp et Homer, fut membre du groupe Ten American, des peintres révoltés contre le mercantilisme du marché de l'art.

Voilà pour apporter quelques informations sur ce peintre plutôt méconnu. Mais, à part ça, quel magnifique portrait !

Archibald John Motley Jr., My Grandmother

Motley, un des premiers peintres fameux noirs-américains, fut une figure majeure de la Harlem Renaissance. Ses toiles racontent le peuple noir, les débuts du jazz, avec beaucoup de vie et un style personnel.

Pour ce portrait d'une grand-mère sans doute aimée, Motley utilise sobrement des moyens classiques sans chercher à dissimuler les marques de l'âge, et cette probité artistique lui confère beaucoup d'émotion.

Winslow Homer, Autumn

Grand peintre réaliste, Winslow Homer est surtout connu pour ses marines. Mais ce musée, qui en possède un grand nombre, montre la diversité de ses sujets. Ici, pour ce portrait en harmonie de rouge, je pensais davantage à l'impressionnisme de Whistler.

Instantanés

Pour être franc, il ne s'agit pas vraiment de portraits mais surtout de peinture de genre que je place ici par pure commodité. Des toiles documentaires, parfois saisissantes, d'artistes doués.

Winslow Homer, Hound and Hunter

Moment dramatique d'une scène de chasse (Chien et chasseur, dit le titre), représenté avec beaucoup d'efficacité (point de vue bas, utilisation des contrastes, jeu du regard).

John Singer Sargent, En route pour la pêche

Scène de groupe en Normandie pour un tableau au nom original français. Magnifique lumière, naturel. Une merveille.

Winslow Homer, A Light on the sea

J'apprécie moins ce tableau réaliste, mais c'est apparemment une célébrité.

Winslow Homer, Sparrow Hall

Scène de vie populaire qui raconte une Amérique modeste et, je présume, rurale. Les habitations paraissent en rondins mais serrées les unes aux autres, j'hésite un peu.

Eastman Johnson, The Early Scholar

Un classique du tableau de genre, l'écolier partant pour l'école. Ce petit gars matinal (early) est très occupé avec le poêle.

John Singer Sargent, Wipping on Thames

Autre splendeur de Sargent, avec un fort contraste entre les amis détendus du premier plan (c'est rare de voir cette pose d'une femme au milieu d'hommes dans la peinture de cette époque) et l'activité industrieuse sur la Tamise.

Winslow Homer, Home, Sweet Home

Les soldats, sujet également récurrent dans la peinture de genre. Homer est tout de même un narrateur vraiment doué, et je trouve ses titres excellents.

Winslow Homer, Breezing up (A Fair Wind)

Equipée sauvage pour une joyeuse troupe. Liberté et bonheur de vivre.

Richard Norris Brooke, A Pastoral Visit

La Visite du Pasteur est surtout l'occasion de dépeindre une famille dans son intérieur.

Richard Caton Woodville, Waiting for the Stage

Je me demande bien si la scène du titre est métaphorique ou si le tableau montre des acteurs attendant de monter sur scène. Toile cocasse sur un sujet rare, en tout cas.

Caleb Bingham, The Jolly Flatboatmen

Enfant au talent précoce, Bingham exposa pour la première fois ses toiles à l'âge de neuf ans. J'en ai vu une certaine quantité au Metropolitan Museum de New York et ses scènes de fleuve (les Marchands de fourrure descendant le Missouri) m'ont particulièrement marqué. Je ne sais pas si c'est son thème favori, mais voici une autre toile réaliste, apparemment saisie sur le bateau même.






18 commentaires:

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  3. Que de découvertes dans ce somptueux article !
    J'avoue que je ne connaissais même pas vos peintres célèbres, et je ne parle pas des autres. Mais les portraits de Sargent et de Whistler sont des merveilles qui donnent envie d'en voir davantage, la catégorie "autres" montre des joyaux (le portait de la grand-mère est poignant de sincérité, je suis entièrement d'accord) et les toiles d'Homer ravissent l'esprit.

    Quel cadeau allez-vous nous faire ensuite ?
    Pierre

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    1. Je maintiens le suspense, Pierre.
      Mais un grand merci pour votre commentaire chaleureux, personnalisé et détaillé. Si je peux faire partager mes découvertes, c'est parfait !

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  6. Extrêmement intéressant. Je ne connais pas un nom mais j'aime toutes ces peintures ! Les commentaires sont bien dosés, juste ce qu'il faut. Un vrai plaisir.
    Isabelle

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    1. Un grand merci Isabelle pour ton chaleureux commentaire !

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  7. TRes beaux tableaux. J'ai adoré celui du chasseur en barque avec le cerf et le chien. Je ne connais pas un peintre, honte à moi.
    Un super article !
    Françoise

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    1. Grand merci Françoise ! Je trouve aussi que c'est un tableau vraiment réussi.
      Gros bisous.

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  8. Très beaux portraits. Je découvre aujourd'hui ce bel article et votre blogue très riche.

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  9. Je ne connais que Sargent et Whistler, magnifiques, comme tous ces tableaux d’inconnus. Grâce à ton article je découvre de pures merveilles. Comment de tels artistes ont-ils pu rester dans l’ombre? Quelle chance de les avoir découverts.
    Un grand merci. Mam

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    1. C'est vrai qu'on connaît finalement très peu la peinture américaine, et les portraits ne sont pas plus réputés que le reste, malgré leur qualité !
      Un grand merci, et de gros bisous !

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