L'église Saint Nizier compte parmi les très anciens lieux de culte lyonnais, de par sa situation au cœur de la presqu'île. Dès 150 après Jésus Christ, fut établi à cet endroit un sanctuaire, où auraient été martyrisés une cinquantaine de Chrétiens, dont Sainte Blandine (celle qui est livrée à la férocité des animaux dans l'iconographie).
Comme toujours, il ne reste rien de ce bâtiment originel : les parties les plus anciennes conservées remontent au XIVe siècle.
L'extérieur
La façade de l'église Saint-Nizier |
La façade est elle-même un patchwork d'époques diverses entre le portail Renaissance, la tour droite 100% néo-gothique, et la tour gauche en gothique tardif du XVe.
Eglise Saint-Nizier, flanc gauche |
Sur les côtés extérieurs, on voit bien les éléments du vocabulaire gothique, comme des pinacles pointus et des gargouilles expressives.
Eglise Saint-Nizier, portail Renaissance |
Le portail Renaissance ne manque pas d'effet avec sa voûte en cul de four. J'ai toujours l'impression que ces caissons apparents sont de lointains souvenirs de la voûte du Panthéon à Rome, modèle architectural pour l'éternité.
L'intérieur
Eglise Saint-Nizier, la nef |
La nef, haute d'une trentaine de mètres, décline tous les éléments du gothique, avec même un triforium, cette galerie percée d'ouvertures au-dessous des lumineuses verrières.
Eglise Saint-Nizier, statue de Saint Pierre |
Comme au Vatican, une statue de Saint Pierre a été victime de la ferveur des fidèles. Des siècles de caresses sur le pied droit l'ont poli et patiné.
Eglise Saint-Nizier, vitrail : le combat philosophique de Sainte Catherine |
Au contraire des vastes verrières de la nef centrale, toutes les fenêtres des nefs latérales sont ornées de vitraux. Les ateliers lyonnais du XIXe siècle ont largement œuvré à ces réalisations, colorées et plutôt harmonieuses. On reste dans un genre hyper-codifié, mais il en est toujours allé de même dans l'art religieux qui dépendait étroitement des commanditaires.
L'histoire bien vertueuse de Catherine d'Alexandrie, la Sainte à la roue, est destinée à montrer la puissance de la foi. La légende raconte qu'elle aurait été promise par un ermite en mariage à Jésus (le fameux mariage mystique) et qu'elle refusait d'épouser l'empereur Maximien. Celui-ci organisa un tournoi philosophique pour la convaincre mais elle le tourna à son avantage, en convertissant même les philosophes réunis.
Comme Sainte Barbe, voici une femme (réelle ou légendaire, ce n'est pas le problème) qui ne s'en laisse pas compter devant l'autorité des messieurs en refusant un mariage arrangé. Certes, c'est pour mieux affirmer sa foi, mais je suis toujours surpris que de telles rebelles (contre papa ou contre l'empereur, ce n'est pas rien) aient été érigées en modèle en des siècles de pouvoir masculin.
Eglise Saint-Nizier, Paul Gandon : Repos pendant la fuite en Egypte |
Paul Gandon était le professeur de Greuze, effacé par son élève. On voit pourtant dans ce tableau de 1737 les qualités d'un bon faiseur, notamment une douce luminosité et la fraîcheur de la palette. Malgré les attitudes compassées et la cape de Joseph qui semble munie d'une armature, ça me semble le meilleur tableau de l'église.
Eglise Saint-Nizier, vitrail : Sainte Elisabeth et le miracle des roses |
Encore une histoire bien édifiante que cette Sainte Elisabeth du Portugal, la nièce de la fameuse de Hongrie (Erszebet), qui apporte du pain aux pauvres et dépense beaucoup pour les miséreux. Son mari, le roi Dinis Ier, est sermonné par ses conseillers qui le pressent d'intervenir. Il arrête sa femme et lui prie de lui montrer ce qu'elle cache.
Quand elle présente ses pains, miracle ! Ils sont devenus des roses. L'accusateur ne peut plus lui reprocher de distribuer de la nourriture... L'auteur du vitrail s'est visiblement régalé à montrer un style médiéval approximatif, où rien n'évoque le Portugal mais où tout renvoie à un Moyen-Age fantasmé.
Eglise Saint-Nizier, panneau de bois sculpté |
Des panneaux du XVIIe siècle ont été remontés autour d'un confessionnal du XIXe. Le bas-relief montre une foule serrée agitant les bras (vraiment réussi, l'effet de masse) derrière un personnage debout devant l'autel. Apparemment le miracle de l'hostie, une scène prodigieuse bien faite pour ébaubir les fidèles.
Eglise Saint-Nizier, Antoine Coysevox : Notre Dame de Grâce |
On ne s'attend pas forcément à trouver ici une statue de Coysevox, le sculpteur de Louis XIV à Versailles, l'auteur du monument de Colbert à Saint Eustache, un excellent artiste qui assouplit le classicisme en lui donnant plus de rondeur et de grâce. C'est que le petit Antoine naquit à Lyon et y vécut jusqu'à l'âge de dix-sept ans. Il sculpta cette Vierge à l'Enfant pour l'angle du pâté de maisons où il résidait, et elle fut placée dans l'église (dont il était paroissien) un siècle plus tard.
Une vraie réussite que ce groupe animé, avec une jeune Vierge bien mignonne, et un marbre magnifiquement sculpté. Coysevox était célèbre pour travailler essentiellement dans la pierre, alors que la plupart de ses confrères exécutaient des modèles (en plâtre, en cire) et laissaient aux membres de l'atelier le soin de se charger de la réalisation.
Eglise Saint-Nizier, autel doré |
Eglise Saint-Nizier, statue acrolithe de Sainte Marie Madeleine |
Cette statue du XVIe est qualifiée d'acrolithe, c'est à dire une statue dans un matériau habillée avec un vêtement réalisé dans un autre. Ca se pratiquait beaucoup dans l'Antiquité, où on mélangeait volontiers les marbres ; on connaît bien les statues chryséléphantines, en or et en ivoire, comme celle d'Apollon à Delphes ou de Zeus à Olympie.
Ce qui est curieux ici est qu'on n'a pas vraiment cherché à différencier les deux matériaux, bois et pierre. Si on examine attentivement, on voit le voile qui se détache du corps, au niveau du bras droit, et qui est rapproché sous la main gauche. La physionomie et même l'expression de la sainte me paraissent tout aussi inhabituels.
On identifie Sainte Marie Madeleine avec un de ses attributs, la boîte à onguent tenue dans la main gauche.
La surcharge néo-gothique disparaît derrière l'unité de la pierre blanche. Une œuvre composite à bien des égards, collaboration entre un architecte (Benoît) et un sculpteur (Vaganay, inconnu pour moi, apparemment spécialiste de la statuaire religieuse).
Même association disparate de scènes des Evangiles (La Cène à l'autel, Le Christ et la Samaritaine au puits à gauche) et de "bondieuserie " pleine de vertu (Le Christ et les petits enfants à droite).
Un vitrail salue les activités caritatives : un confrère distribue les pains devant le couvent des Cordeliers, précisément représenté. Encore une évocation en style troubadour.
La crèche obéit sans doute à une tradition locale, en mêlant, comme dans les fameuses versions provençales, des personnages en costumes locaux traditionnels.
Claudius Lavergne fut un jeune peintre prodige, élève d'Ingres à la villa Médicis. Viollet le Duc le nomma inspecteur archéologue, et cette mission lui apporta une connaissance approfondie de l'art du vitrail. Il fonda une fameuse entreprise de vitraux où toute la famille était employée, jusqu'aux petits-enfants. Ces somptueux tons crème sont bien rares dans cette forme d'expression.
Cette chapelle Saint Louis de Gonzague semble avoir joui d'une authentique ferveur, à voir la quantité d'ex-voto qui la recouvrent, du sol aux murs. Les plaques de cimetière dans une église, modèle récent, ce n'est pas habituel.
Dans la famille Flandrin, dynastie de peintres lyonnais, on connaît surtout Paul, compagnon de Lavergne auprès d'Ingres. C'est ici le neveu, Paul-Hippolyte, qui s'est illustré avec une vertueuse représentation bien saint-sulpicienne.
Un vitrail assez sombre, composé en registres, propose une vision bien peu réaliste d'un désert peuplé de lions et de cerfs.
Cet immense bas-relief recouvre tout un mur de la première chapelle gauche. De belles ailes pour l'ange, mais aussi peu d'élévation, une nuée assez lourde, et une jambe droite du putto complètement aplatie. Je ne trouve pas vraiment que ce soit un chef-d'œuvre.
Voilà une fort belle église, intéressante par la diversité des œuvres qu'elle renferme, et je ne peux qu'en conseiller la visite. Sa position entre les deux grandes places de la presqu'île, les Terreaux et Bellecour, la place commodément sur l'itinéraire des touristes.
On identifie Sainte Marie Madeleine avec un de ses attributs, la boîte à onguent tenue dans la main gauche.
Eglise Saint-Nizier, retable sculpté |
La surcharge néo-gothique disparaît derrière l'unité de la pierre blanche. Une œuvre composite à bien des égards, collaboration entre un architecte (Benoît) et un sculpteur (Vaganay, inconnu pour moi, apparemment spécialiste de la statuaire religieuse).
Même association disparate de scènes des Evangiles (La Cène à l'autel, Le Christ et la Samaritaine au puits à gauche) et de "bondieuserie " pleine de vertu (Le Christ et les petits enfants à droite).
Eglise Saint-Nizier, vitrail : la distribution des pains |
Un vitrail salue les activités caritatives : un confrère distribue les pains devant le couvent des Cordeliers, précisément représenté. Encore une évocation en style troubadour.
Eglise Saint-Nizier, crèche |
La crèche obéit sans doute à une tradition locale, en mêlant, comme dans les fameuses versions provençales, des personnages en costumes locaux traditionnels.
Eglise Saint-Nizier, vitraux de Louis de Gonzague |
Claudius Lavergne fut un jeune peintre prodige, élève d'Ingres à la villa Médicis. Viollet le Duc le nomma inspecteur archéologue, et cette mission lui apporta une connaissance approfondie de l'art du vitrail. Il fonda une fameuse entreprise de vitraux où toute la famille était employée, jusqu'aux petits-enfants. Ces somptueux tons crème sont bien rares dans cette forme d'expression.
Eglise Saint-Nizier, ex-voto |
Cette chapelle Saint Louis de Gonzague semble avoir joui d'une authentique ferveur, à voir la quantité d'ex-voto qui la recouvrent, du sol aux murs. Les plaques de cimetière dans une église, modèle récent, ce n'est pas habituel.
Eglise Saint-Nizier, Paul-Hippolyte Flandrin : Tobie et l'ange |
Dans la famille Flandrin, dynastie de peintres lyonnais, on connaît surtout Paul, compagnon de Lavergne auprès d'Ingres. C'est ici le neveu, Paul-Hippolyte, qui s'est illustré avec une vertueuse représentation bien saint-sulpicienne.
Eglise Saint-Nizier, vitrail : le Christ au désert servi par les anges |
Un vitrail assez sombre, composé en registres, propose une vision bien peu réaliste d'un désert peuplé de lions et de cerfs.
Eglise Saint-Nizier, bas-relief |
Voilà une fort belle église, intéressante par la diversité des œuvres qu'elle renferme, et je ne peux qu'en conseiller la visite. Sa position entre les deux grandes places de la presqu'île, les Terreaux et Bellecour, la place commodément sur l'itinéraire des touristes.
Still a great pleasure to visit a church with such a specialist!
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Annie
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Un grand merci.
Pierre
C'est moi qui dois vous remercier, j'ai toujours tant de plaisir à lire vos chaleureux commentaires, emplis de louanges que je ne mérite guère ! J'aimerais bien posséder l'éclectisme que vous vantez.
SupprimerUn autre article passionnant ! Je suis enchanté d'avoir découvert un blog aussi riche, avec des articles d'une haute qualité.
RépondreSupprimerFélicitations
Léopold
Je ne peux que vous remercier pour un commentaire d'une telle gentillesse, Léopold !
SupprimerMerci pour ce tour de l'église dont je suis paroissienne... j'ai appris des choses ! Mais je regrette votre ton parfois condescendant. Pourquoi s'étonner de trouver des "bondieuseries" dans une église ? Et votre connaissance limitée de la foi vous fait passer à côté de certains partis pris artistiques : par exemple, la réunion des quatre scènes du retable font parfaitement sens pour qui comprend ce qu'il y a dans le tabernacle.
RépondreSupprimerRevenez nous voir pour ajouter à cette page les oeuvres nouvelles (dont un chemin de croix contemporain), et nous pourrons discuter du "miracle de l'hostie" et des fidèles "ébaudis".
Fraternellement