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jeudi 24 janvier 2019

Prague : Concert du Nouvel An au Rudolfinum


Après la visite de l'extraordinaire Synagogue de Jérusalem, cette fraîche journée de nouvel an se conclut par le traditionnel concert. Celui-ci est programmé le soir, à la différence du très fameux concert de Vienne, diffusé partout dans le monde.

Au Rudolfinum



Me voici donc au Rudolfinum, cet imposant bâtiment ouvert en 1885, don de la Caisse d'Epargne à la ville de Prague. C'est ici que j'avais terminé l'année 2017 avec un beau concert baroque de la Saint-Sylvestre.




La salle n'est pas encore ouverte mais il est possible de laisser ses affaires au vestiaire et de se promener dans les couloirs.



Tenue de soirée pour ce concert !






Le concert du soir est retransmis en direct. Une caméra sur son bras articulé assure le gros de la prise de vue.


Le concert du Nouvel An



Plateau singulier pour ce concert ; l'orchestre résident, la Philharmonie Tchèque, un très vénérable ensemble, est seulement mené par le violon solo de Josef Spacek. On perd toujours un peu en précision dans cette formule d'instrumentiste / chef, mais c'est un bon musicien et il se débrouille pour phraser avec beaucoup de musicalité.

Deux solistes, cette fois ; un violoniste, Jan Mracek, et un ténor, Petr Nekoranec.
Le choix de ces deux musiciens a sans doute imposé celui du programme, alternant pièces orchestrales, morceaux avec violon solistes, airs pour ténor.


Dans la première catégorie, la pétillante ouverture des Nozze di Figaro de Mozart, le quatrième mouvement de la Symphonie en ut de Bizet (je ne suis pas très favorable au démembrement de symphonies, mais cet enthousiasmant allegro marche bien tout seul), une superbe Sérénade Italienne d'Hugo Wolf et la Danse dans un style ancien de Korngold. Un programme audacieux par le choix des œuvres, où seule l'ouverture mozartienne est vraiment un tube.

Ca change des sempiternelles ouvertures de la Forza del Destino ou du Barbiere di Siviglia, rengaines traditionnelles de ce genre de concert, et l'orchestre a tout l'occasion de démontrer sa versatilité et la beauté des registres.


Le jeune Jan Mracek est bardé de prix, dont le fameux Kreisler de Vienne, et il a joué un peu partout dans le monde.


Il a choisi d'interpréter la deuxième Romance de Beethoven, jouée avec une grande sobriété, sans alanguissement, la Valse-Scherzo de Tchaikovsky, très expressive, et l'aspect festif du concert l'a amené à retenir la diabolique  Ronde des Lutins de Bazzini, qui met en valeur son impeccable virtuosité. Jan Mracek sait conserver la musique sans en faire un numéro de cirque et c'est tout à son honneur.


Le ténor Petr Nekoranec a également remporté de nombreux prix, dont un second à Toulouse, et depuis 2016 il a pris part au Lindeman Programm du Metropolitan Opera. Il fait actuellement partie de l'ensemble de l'opéra de Frankfurt, qu'il rejoint d'ailleurs après le concert pour y interpréter Ramiro le lendemain.


Avec huit airs plus le bis, c'est sans conteste la vedette du concert. Il est doté d'une voix fraîche et joliment colorée avec un bon bagage technique, ce qui lui assure un contre-ut rayonnant. Le passage du haut est, au début du concert, un peu plus fragile, et la voix a d'abord tendance à partir un peu en arrière sur les premières notes de l'aigu. Une fois vraiment chauffée, elle est bien plus unifiée et sa seconde partie nous offre des interprétations remarquables.


Un'aura amorosa, le fameux air de Ferrando dans Cosi, le voit un peu prudent pour ce début de concert. Les Donizetti qui suivent (Com'è gentil et Tornami a dir de Don Pasquale, Una furtiva lagrima de l'Elisir d'amore) montrent une émission plus franche et dévoilent un style élégant. Ecco ridente du Barbiere ensuite, très soigneusement interprété avec des portés légers, achève cette partie belcantiste.


En seconde partie, La mia letizia infondere, le tube des Lombardi de Verdi prouve que, sans s'être métamorphosé soudain en ténor verdien, Petr est un musicien scrupuleux, très attentif aux phrases musicales, et la longueur de sa voix s'avère très respectable. Une vraie rareté ensuite, l'aria Magische Töne de Die Königin von Saba (La Reine de Saba de Goldmark), magnifique œuvre jamais donnée, qu'il propose avec de superbes couleurs nocturnes et un phrasé élégiaque. Un air de toute beauté, qui devrait apparaître bien plus souvent dans les récitals.

La dernière œuvre figurant sur le programme est Mes amis écoutez l'histoire, l'air du Postillon de Lonjumeau d'Adam (le compositeur de Giselle), bien pittoresque avec ses effets de grelots et surtout la série de contre-ut. Visiblement Petr a bien écouté Nicolai Gedda et on retrouve son style impeccable, avec une diction fort honorable.

Un bis en prime, le tube de la Fille du Régiment, Ah mes amis avec le Pour mon âme qui enchaîne les contre-ut achève de séduire le public. Je suis bien de ceux-là, ravi de découvrir un ténor intéressant, doté de moyens enviables, studieux (trois langues, beaucoup plus de styles musicaux dans un concert). J'ai beaucoup apprécié son soin à varier les couleurs en fonction des airs et à soigner le legato.
J'aimerais bien le réentendre dans un rôle intégral.

Et globalement un programme riche, original (notamment en comparaison de celui de la veille), qui fait honneur aux musiciens. Une bien plaisante soirée pour commencer l'année.

Josef Spacek

Peter Nekoranec

6 commentaires:

  1. Wow! A great New Year Concert!
    A wonderful post with a skilled eye!
    Good job!
    Annie

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  2. Je continue à profiter des clefs que vous donnez dans vos articles pour apprécier l'art lyrique. J'ai compris le coup du passage mais l'histoire de la voix en arrière, ça me résiste encore !
    Sinon, malgré un programme où je ne connais pas grand-chose, j'ai trouvé votre article passionnant.
    Pierre

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    1. Merci beaucoup, Pierre. La voix doit normalement être émise et être projetée "devant", tout droit, et les chanteurs travaillent énormément pour cela. Mais toutes les notes ne sont pas fabriquées de la même façon, et l'émission n'est pas toujours parfaite. Si la projection est moindre, on dit que la voix part en arrière.

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  3. S'il a une jolie voix, mignon comme il est, ce ténor devrait faire une belle carrière ! Dommage qu'il ait un nom imprononçable !
    Isabelle

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    Réponses
    1. On prononce Péter Nekoranetz, ça devrait aller. Et il y a bien plus compliqué comme nom de chanteur !

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