De retour au Novaya Opera pour une enthousiasmante représentation d'un de mes opéras favoris, Evgeny Oniegin (Eugène Oneguine).
Après la Traviata déconcertante de la semaine précédente, je reviens au Novaya Opera pour un des tubes du répertoire donc.
La salle est bourrée à craquer d'un opéra que les Russes considèrent comme une pierre fondamentale de leur patrimoine. Beaucoup de jeunes sont présents, souvent élégamment vêtus, même si le code vestimentaire semble très libre dans cette maison. En outre, la soirée est un événement car elle est dédiée à Natalya Popovich qui fut chef de chœur et co-fondatrice de cet Opéra. Elle est décédée en 2018 mais aurait eu soixante-quinze ans ce 27 février. Un long discours rappelle ses mérites.
La production de Sergey Artsibashev
La première surprise de cette production, pas toute récente (elle obtint un prix en 1997 et ce serait sa deux cent quarante-septième représentation), c'est que la fosse est relevée au niveau de la salle. Comme ma place se trouve au premier rang, j'ai donc les premiers violons juste devant moi, ainsi qu'une forêt de micros.La production fonctionne avec un décor unique, ce qui peut bien marcher aussi avec cet opéra ; j'ai d'ailleurs revu tout récemment la production d'Alain Garichot (à peu près de la même époque), basée sur le même principe. Ici le décor propose un sol vert et quelques portes à claire-voie qui peuvent évoquer un jardin d'hiver.
Si une table est placée au fond avec deux fauteuils (l'un d'eux apparaîtra au premier plan, c'est là que mourra Lensky), la scène est quasiment nue par ailleurs. Tatiana va chercher le nécessaire de correspondance et un flambeau et revient à l'avant-scène pour rédiger sa lettre. Bals, duel, tout se passe au même endroit.
L'autre surprise est l'enchaînement total de l'opéra, joué sans entracte. C'est vraisemblablement épuisant pour les chanteurs mais cela apporte une force indéniable dans une mécanique où tout est conséquence des actions précédentes. Le livret, œuvre à quatre mains de Tchaïkovsky et de Shilovsky, révèle sa puissance et sa remarquable efficacité dramatique.
Seule la neige qui descend doucement suggère l'extérieur, brièvement.
La mise en scène serre au plus près les personnages, jusqu'à évoquer leurs pensées et les fantômes qui les hantent, tel ce Lensky qui réapparaît à la toute fin.
La richesse de cet opéra autorise toute une gamme de visions, et celle-ci, sans être renversante, me semble sobre et dramatiquement efficace. Je la préfère de beaucoup à celle de mon précédent Oniegin en Russie, au Mariinsky de Saint Petersbourg.
Une distribution épatante
Avec sa valeureuse troupe, le Novaya Opera peut se permettre de puiser dans le vivier pour renouveler sans cesse les distributions. La page consacrée à cet opéra en montre d'ailleurs les possibilités nombreuses !Andrey Fetisov |
Pour celle de ce soir, c'est un sans faute. Andrey Fetisov pare le petit rôle de Zaretsky du luxe de sa voix profonde.
Dmitry Pianov |
Selon la tradition en Russie, les couplets de Triquet, que nous connaissons comme A cette fête conviés, sont chantés en russe avec quelques mots de français. C'est à Dmitry Pianov que revient le rôle, et il y est un peu fragile et touchant, réussissant bien sa composition.
Galina Badikovskaya |
Margarita Nekrasova s'avère une Filipyevna hors pair, avec un timbre richement cuivré et Galina Badikovskaya (qui a aussi Tatiana à son répertoire) se montre une digne Larina, nettement plus jeune qu'à l'ordinaire ; la voix est loin d'être décatie !
Alexey Tikhomirov, Galina Badikovskaya |
J'ai beaucoup de plaisir à retrouver Alexey Tikhomirov, ce soir Gremine, un rôle particulièrement court mais à qui Tchaïkovsky a offert un des plus beaux airs de basse qui soient. Il y est magnifique ; on goûte autant la largeur et la richesse de ses sonorités d'orgue (une vraie basse russe !) que la qualité du phrasé et du legato.
Stanislav Mostovoy, Victoria Yarovaya |
Victoria Yarovaya, que j'ai surtout entendue dans le répertoire belcantiste, incarne une parfaite Olga virevoltante et pétillante, avec un timbre de toute beauté.
Stanislav Mostovoy |
J'avais découvert Stanislav Mostovoy en Triquet lors d'une tournée du Bolchoï, puis revu à Moscou dans le Ballo in Maschera. Son Lensky est une splendeur ; maîtrise des demi-teintes, musicalité du phrasé, variété des colorations, et une interprétation sur le fil qui prend à la gorge. C'est vrai que le Kuda kuda est une merveille du répertoire de ténor, mais c'est vraiment difficile de résister à l'émotion poignante que Stas dégage ce soir.
Ekaterina Mirzoyants |
Konstantin Suchkov, Ekaterina Mirzoyants |
Egalement fort jeune, le baryton Konstantin Suchkov séduit d'emblée par la richesse d'une voix vitaminée et bourrée d'harmoniques, à l'aise partout. Grande maîtrise de la dynamique (avec des piani superbes), beauté des phrasés, on est bien servi ; et il compose un personnage intéressant de bout en bout. Un autre nom à ne pas lâcher que ce nouveau membre de la troupe !
Andrey Lebedev dirige régulièrement au Novaya depuis quinze ans et on perçoit immédiatement sa familiarité avec l’œuvre, dont il livre une version frémissante, comme une course à l'abîme, très contrastée. Les forces de la maison sont impeccables, comme toujours. Je n'ai pas toujours l'orchestre juste devant moi, j'en profite donc pleinement !
Margarita Nekrasova |
Andrey Fetisov |
Andrey Lebedev |
Konstantin Suchkov, Alexey Tikhomirov, Stanislav Mostovoy |
avec le trio gagnant : Konstantin Suchkov, Alexey Tikhomirov, Stanislav Mostovoy |
Alexey Tikhomirov, Ekaterina Mirzoyants |
Stanislav Mostovoy, Victoria Yarovaya |
Galina Badikovskaya |
Pour ma dernière soirée moscovite, j'ai droit à une superbe représentation. Et j'ai grand plaisir à retrouver ces amis chanteurs. Ce n'est pas tous les jours que j'ai droit à des dédicaces aussi chaleureuses !
What a great performance! Amazing and kind singers... And you have got the loveliest autograph!
RépondreSupprimerJust perfect.
Thanks for sharing.
Annie
Yes, it was...
SupprimerThank you Annie!