Lyon : Macbeth à l'Opéra

Une production originale 

J'avais apprécié la mise en scène d'Ivo van Hove dans les Damnés, à la Comédie Française, mais j'avais lu des critiques fort négatives de celle-ci.

Je suis partagé aujourd'hui. L'idée de base est de montrer les Macbeth au centre d'un groupe financier dont le personnel devient tantôt les sorcières, tantôt les fêtards du banquet. La contextualisation de la scène finale est intéressante et donne un sens au chœur Patria oppressa, l'image ultime qui rassemble les manifestants du monde entier (on voit même un panneau I have a dream) est spectaculaire. La direction d'acteurs est soignée mais certaines scènes m'ont paru plus brouillonnes, et l'idée de placer Macbeth face à sa Lady pendant la lecture de la lettre me semble sans intérêt. La deuxième scène des sorcières pourrait être théâtralement mieux gérée, aussi.

Bravo Daniele! 

Daniele Rustioni oublie sa fatigue (cinq représentations en six jours) pour diriger avec énormément de soin de valeureuses forces maison. Il met en valeur les détails (j'apprécie beaucoup de bien entendre le cor anglais ostinato pendant la scène du somnambulisme), peaufine les couleurs, s'avère très attentif à la dynamique. Un vrai chef verdien.

Chœurs et orchestre ne font pas davantage sentir la fatigue et sont dignes  d'éloges pour leur prestation intense et musicalement très précise. On n'entend pas toujours de tels piani des chœurs  d'hommes !

Et les chanteurs ? 

Comme hier pour Don Carlos, la série de seconds rôles est interprétée par les membres du choeur : Sophie Lou, Paolo Stupenengo en Apparitions, Jean-François Gay en Serviteur, Kwang Soun Kim en Sicaire et Charles Saillofest en Héraut.

Clémence Poussin, la suivante, fait valoir une jolie voix ainsi que Louis Zaitoun, un tout jeune Malcolm dont la voix bien présente m'a paru prometteuse.

Patrick Bolleire, c'est du super-luxe pour le Médecin, qui ne réclame pas tant de qualités vocales ! J'espère que la prochaine fois que j'entendrai ce bel artiste dans Macbeth, ce sera en Banquo !

Bror Magnus Tødenes remplace Arseny Yakovlev dans le rôle de Macduff. Je ne connaissais pas ce jeune Norvégien qui, sans avoir encore des couleurs verdiennes dans la voix, nous gratifie d'une Paterna mano très soigneusement phrasée, avec une voix dense et joliment timbrée. Sans doute un beau Tamino, peut-être un bon des Grieux s'il est suffisamment endurant. J'aurai plaisir à le réentendre, en tout cas.

Après son Grand Inquisiteur de la veille, Roberto Scandiuzzi interprète Banco. Un soupçon de fatigue peut-être, mais une interprétation royale de grande basse verdienne, avec un phrasé ample, des graves profonds et un aigu solide. Très beau Come dal ciel precipita, émouvant comme il se doit.

Lady Macbeth est un des rôles les plus terrifiants du répertoire verdien. Puissance, longueur  du souffle, technique belcantiste, endurance, il faut tenir la longueur d'un rôle inimaginable et avoir assez de réserve pour affronter la redoutable scène du somnambulisme, avec contre-ré si on est en forme.  J'ai vu finalement peu de très grandes Lady Macbeth, la performance inoubliable de Shirley Verrett embellissant mes souvenirs. Ghena Dimitrova y était également phénoménale. Ces dernières années, c'est Anna Netrebko qui  m'a épaté par la tenue de sa Lady, peu de temps après une remarquable Tatiana.
 Susanna Branchini n'a pas les mêmes moyens, mais elle sait gérer le rôle avec intelligence et une bonne technique. Le timbre est homogène dans les registres, elle varie l'émission (parfois plus par  nécessité que par choix apparemment) et surtout "tient la route" jusqu'au bout.

Elchin Azizov s'avère un excellent Macbeth, avec parfois quelques notes russes identifiables (couleurs de voyelles et émission palatale). Personnellement, cela ne m'a jamais gêné et j'ai souvent apprécié ces voix-là. Surtout qu'il s'agit  ici d'un bel artiste à la voix riche, très à l'aise dans une dynamique variée, qui offre des piani de toute beauté. Sa composition d'un Macbeth bravache m'a semblé très convaincante.

Belle soirée lyonnaise donc !