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mardi 17 décembre 2019

Paris : La Souricière (Pépinière Théâtre)


Une pièce d'Agatha Christie


Agatha Christie, c'est un peu un amour de jeunesse. Je dévorais les livres quand j'étais petit et j'avalais à la chaîne les titres des Bibliothèques Rose puis Verte. Je suis passé du Club des Cinq à Alice Détective (quelle déception lorsque j'ai découvert que Caroline Quine n'existait pas !) puis à Agatha Christie dont j'avais lu quasiment tous les romans à quatorze ans. Et certains, relus et re-relus. Et je ne renie pas aujourd'hui cette littérature, dont je trouve toujours les romans extrêmement bien construits, avec des personnages solidement dessinés, des intrigues policières impeccables et toujours beaucoup d'humour.



Lorsque j'ai appris que sa pièce The Mousetrap (La Souricière donc) était donnée sans interruption à Londres, et même qu'elle détenait un record du monde (indétrôné), j'ai tenu absolument à assister à une représentation au St Martin's Theater. Je l'ai vue quatre fois dans ce théâtre au fil des années, mais aussi une adaptation française à Paris, en 2004, avec Alain Feydeau. La Comédie des Champs-Elysées donnait alors en alternance une autre bonne pièce d'Agatha Christie, Café Noir. Je me rappelle aussi une excellente adaptation des Dix Petits Nègres au Théâtre du Palais Royal...

Je m'étonne toujours que malgré le succès du genre policier, qui déferle dans les librairies et sur les écrans, il soit aussi rare au théâtre. Nous sommes bien d'accord, c'est un genre de divertissement, à des kilomètres de Brecht, mais il me semble vraiment sous-représenté. J'ai assisté à quelques pièces mettant en scène Arsène Lupin, Sherlock Holmes ou Columbo,  et je crois que c'est à peu près tout. Le théâtre d'Agatha Christie est pourtant riche en réussites, le gros volume publié chez Penguin en témoigne. Témoin à charge (excellemment adapté au cinéma avec Charles Laughton et Marlene Dietrich) et La Toile d'Araignée ont pourtant été joués en France dans les années 1950, j'ai une édition française de ces pièces-là.

La Souricière se déroule dans un manoir de la campagne anglaise, fraîchement transformé en pension de famille, subitement coupé par la neige. Les nouveaux propriétaires accueillent leurs hôtes et apprennent qu'un meurtre vient d'être commis à Londres. Le coupable est activement recherché et bientôt plusieurs crimes touchent également la pension. On découvre petit à petit les secrets des personnages, et la pièce, rythmée par une comptine (un leitmotiv chez Agatha Christie, la plus connue restant celle des Dix Petits Nègres), se conclut avec un véritable coup de théâtre. Le public promet solennellement à la fin de chaque représentation de ne pas révéler l'intrigue et je tiendrai ma promesse !

La mise en scène de Ladislas Chollat



Metteur en scène à succès du théâtre privé, Ladislas Chollat connaît bien son métier et il propose une production efficace. Il joue à fond la carte britannique avec des costumes très années 50 et sa direction d'acteurs est précise. Il ne rate pas les personnages hauts en couleur, Mrs Boyle et Christopher Wren notamment. Le début me semble manquer un peu de rythme mais la seconde moitié est très animée.


Il a choisi de ponctuer la pièce de quelques intermèdes musicaux en faisant chanter des couplets à toute la troupe, comme c'était la mode dans le vaudeville français de Labiche notamment. Je ne suis pas totalement convaincu, surtout que ce n'est visiblement pas dans le chant que les interprètes ont le plus de talent.
 
Le décor (Emmanuelle Roy) présente étonnamment deux tendances bien différentes. La microscopique scène de la Pépinière est vite remplie et le devant contient le strict nécessaire : escalier, cheminée, quelques sièges et guéridons. Un portrait d'Agatha Christie constitue un sympathique clin d’œil.
En revanche, l'arrière-plan refuse le réalisme : pas de fenêtre à carreaux mais une simple ouverture qui montre une toile tendue sur un cadre métallique, illustrant la vue sur la campagne enneigée. Réalisme donc à l'avant, stylisation à l'arrière.

Les costumes (Jean-Daniel Vuillermoz) jouent également la carte britannique, presque jusqu'à la caricature : kilt pour le Major Metcalf, saturation des carreaux, jusqu'à l'incroyable combinaison rouge pour Christopher Wren.



La distribution



La distribution est solide et les acteurs s'investissent à fond dans leur personnage. Pierre Samuel peine un peu à incarner Giles, le nouveau propriétaire, mais c'est sans doute le personnage le moins dessiné de la pièce et je me suis toujours fait cette remarque dans toutes les représentations que j'ai vues. Marc Maurille se charge d'un sergent Trotter très british.

Pierre-Alain Leleu

Pierre-Alain Leleu (que j'avais vu dans Douze Hommes en colère) a également signé l'adaptation et il incarne un Paravicini moins fantaisiste qu'à l'ordinaire, plus inquiétant peut-être.

Dominique Daguié
C'est Dominique Daguié qui se charge du Major Metcalf, avec beaucoup d'humour et de présence. Stéphanie Hedin réussit bien Miss Casewell, pourtant un personnage délicat, et réussit à en exprimer les fêlûres.
Molly est interprétée par Christine Bonnard, qui dose très bien sa composition en montrant l'innocence et l'inexpérience d'un personnage qui s'affirme peu à peu.
Les deux rôles les plus dessinés sont bien réussis : Sylviane Goudal se délecte à tracer, façon pointe sèche, une vieille fille conservatrice, acariâtre et fielleuse (il faut dire que le rôle de Mrs Boyle est particulièrement gratiné) et Brice Hillairet se lance dans un Christopher Wren explosif et fantasque qui laisse deviner une psychologie fragile. Ce sont des rôles qui marquent toujours dans les représentations de La Souricière et, une fois de plus, on n'est pas déçu.

Une bonne soirée donc. A découvrir à la Pépinière, à deux pas de l'Opéra Garnier, en attendant une éventuelle tournée.

6 commentaires:

  1. My best friend's daughter played Molly with her amateur theatre group ! The Mousetrap is a great play.
    I didn't know you were of it !
    Thanks for your very pleasant post.
    Annie

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    Réponses
    1. I know Mousetrap is frequently played in UK by amateur groups but I guess your friend's daughter lives in the US.
      Thanks, Anny, for that nice message!

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  2. Cela fait envie... Je tenterai l'expérience si ma santé me le permet.
    Merci pour cet intéressant compte-rendu.
    Pierre

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    1. Tous mes vœux pour que vous recouvriez complètement la santé, et puissiez aller au théâtre. Toutes mes amitiés, Pierre !

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  3. Je ne suis pas étonnée que tu aies assisté à cette soirée, d’autant plus que la troupe est épatante, fidèle à Agatha Christie.
    Ce compte rendu que tu en fais me met l’eau à la bouche. Une soirée qui détend et amuse. Que demander de plus.
    Bises. Mam.

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    1. Ce fut effectivement une bien agréable soirée !
      Félicitations pour ton activité soutenue.
      Grand merci pour cet affectueux commentaire, gros bisous.

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