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samedi 14 décembre 2019

Vienne : Eglise Saint Joseph (Laimgrubenkirche)



Visiter une église Saint Joseph, ce n'est pas si courant. Même si c'est un personnage populaire (un charpentier, un immanquable de la crèche !), finalement il me semble relativement moins consacré dans les églises que d'autres saints. Voilà l'occasion de faire un point rapide.

Le culte de Saint Joseph


Pour tous les fidèles chrétiens, Joseph est le mari de la Vierge, celui qui conduit la fuite en Égypte : un personnage central.

Cependant les textes chrétiens les plus anciens, les Épîtres de Paul et l’Évangile de Marc, n'en font pas mention. En revanche, ceux de Matthieu et de Luc, ultérieurs, contiennent des épisodes le mettant en scène et en profitent pour le doter d'une ascendance royale.

Par ailleurs, le terme de charpentier est fortement remis en question. Le village de Nazareth aurait été trop petit pour fournir assez de travail pour un charpentier résident. Il semblerait qu'il s'agisse d'une traduction limitée du mot grec tekton, pouvant signifier forgeron ou sage, juste. Dans les deux évangiles où il apparaît, il reçoit des rêves (comme beaucoup de personnages bibliques) mais ne dit pas un mot. Ce sont les textes apocryphes (notamment coptes), écrit ultérieurement, qui ont développé le personnage et narré sa mort.

Le Perugin, Le Mariage de la Vierge
(à gauche, Joseph et son bâton fleuri)

Le Moyen-Age ignore Joseph pendant des siècles, s'attachant à présenter un Christ divin ; au XIIIe siècle, on se soucie d'un Christ plus humain. Les Franciscains sont les premiers à lui consacrer un jour de fête, le 19 mars. Au XVe siècle, le mariage de la Vierge devient un élément important du récit marial et le personnage de Joseph s'en trouve rehaussé. L'église tout entière approuve le  jour de fête et le culte de Joseph prend son essor. Il se dote d'attributs iconographiques, la gourde, le bâton fleuri.


Guido Reni, Saint Joseph

Le XVIIe siècle le met encore plus en avant. Guido Reni en peint plusieurs représentations, Georges de la Tour lui consacre de superbes tableaux. Marc-Antoine Charpentier compose un splendide Motet de Saint Joseph, et il est l'objet de l'apparition miraculeuse à Cotignac, dans le Var. Au XVIIIe siècle, à Vienne, l'impératrice Marie-Thérèse prénomme un de ses fils Joseph. Au XIXe, il est devenu la figure tutélaire, le chef de famille, et son culte s'amplifie. C'est à ce moment que beaucoup d'églises lui sont consacrées.

L'église viennoise Hl. Josef ob der Laimgrube ou Laimgruberkirche


A Vienne, plusieurs églises sont consacrées à Saint Joseph, dont une au sein du Kahlenberg, dans la forêt viennoise, et une autre dans le quartier de Margareten. Celle-ci, dans le quartier de Mariahilfer Strasse, se trouve dans Windmühlgasse, la rue des moulins à vent.


En 1673, on édifia cette église au centre d'un monastère, mais le deuxième siège des Turcs, en 1683, la détruisit complètement. Les Carmélites (Thérèse d'Avila, la fondatrice de l'ordre, vénérait particulièrement Joseph, notamment à cause de son silence dans les évangiles) la reconstruisirent à partir de 1687. Vers la fin du XVIIIe siècle, le monastère fut aboli et devint une sorte d'université. Ce n'est pas tout ! Les transformations du quartier, avec la large Mariahilfer Strasse, entraînèrent la destruction de l'église qui fut reconstruite dans cette rue. Il s'agit donc d'une réplique.


Une variante de l'iconographie traditionnelle : l'attitude est identique, mais c'est un crucifix que tient Joseph et non l'enfant.


La nef est relativement étroite mais l'utilisation du blanc et les verrières lui assurent une relative luminosité.


Le mobilier du chœur ressemble à beaucoup de ses confrères baroques viennois : colonnes, marbre, touches d'or.


Le retable de Joseph Schönmann semble évoquer une apparition sur les nuées, commentées par les fidèles au sol.


Pas de surprise dans la chaire, bois sombre et appliques dorées, c'est le modèle courant.


La coutumière grille limite la visite, mais un panonceau apporte quelques renseignements utiles. Les reproductions de gravures et de photos présentent les différents états de l'église.


Le dessin de Vasquez de 1733 montre la façade telle qu'on peut la voir aujourd'hui.

Je n'ai trouvé aucune indication sur ce retable, mais de toute évidence il ne s'agit pas de Saint Joseph. Je vois un personnage vêtu de noir avec un col blanc entouré d'anges. Une foule de personnages religieux pourraient faire l'affaire...
Quant à la représentation sur l'autel, c'est une Pietà habituelle, avec le Christ mort sur les genoux de Marie.
Et les deux statues à gauche feraient davantage penser à des moines sanctifiés.


Les hautes fenêtres sont généralement prévues pour que de hauts personnages (famille impériale, peut-être) assistent à la messe sans se mêler à la "vile populace". Ce qui dénote une certaine importance de l'église.




6 commentaires:

  1. Je n'avais jamais vraiment réfléchi au culte de Joseph et votre captivant point sur la question vient combler mes lacunes.
    Article exceptionnel, comme toujours.
    Pierre

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    1. Votre chaleureux enthousiasme me touche toujours, Pierre ! Mon article me semblait pourtant plutôt modeste...

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  2. Very interesting informations about St Joseph ! Brilliant.
    Annie

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  3. Saint Joseph est un personnage presque oublié, mais, ainsi que tu le dis, selon les époques son culte est plus ou moins célébré. Les renseignements que tu donnes nous le rendent familier et les églises qui lui sont consacrées sont dignes d’intérêt. Superbe.
    Bisous. Mam.

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    Réponses
    1. Il me semblait que ça valait le coup de faire un petit point sur le culte de Saint Joseph. Cette église m'a fourni l'occasion !
      Grand merci, gros bisous.

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