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jeudi 20 avril 2017

Saint Petersbourg : Église de l'Assomption, Fondation Erarta, I quattro rusteghi


Beau temps et +2°C quand je mets le nez dehors. Comme hier, je traverse la Neva pour rejoindre l'île Vassilievky, mais en me dirigeant vers l'ouest cette fois. 

Eglise de l'Assomption de la Sainte Mère de Dieu (Tserkov' Uspeniya Presvyatoy Bogoroditsy) 

Je tiens à voir de plus près cette église qui se repère de loin avec ses bulbes dorés, sur la rive de la Neva.





J'entends des chants orthodoxes. Comme hier, c'est une procession qui défile à l'extérieur. Cette fois, je la suis et pénètre dans l'église avec les fidèles. 




L'église, franchement XIXe, a l'intérieur entièrement couvert de fresques, et l'effet est assez chatoyant. 
















Les chanteurs ne sont que trois mais, fichtre !  Quelles voix ! Et toute la beauté des chœurs orthodoxes est présente. Du coup, je suis l'office jusqu'au bout. 


Je marche quelques centaines de mètres avant de trouver un endroit pour déjeuner. C'est évidemment une stolovaya qui se présente. 





Me voici donc avec un bortch riche en betteraves, et ce qui me semblait être des lasagnes et qui s'est avéré un gâteau de crêpes, tous deux excellents. Un petit thé pour accompagner tout ça. Je comprends que cette adresse soit très fréquentée.
Je reprends mon itinéraire.

Ne dirait-on pas un frère du Rotes Rathaus de Berlin ?

Comme les lettres cyrilliques l'indiquent, le bâtiment "culturel" Kirov. Témoignage authentique de l'ère soviétique.
Même plan que la veille ; arrêt dans un café pour un expresso et un dessert, cette fois une tarte aux cerises, apparemment industrielle, pas extraordinaire.

La Fondation Erarta

Je connais la version londonienne mais pas l'original de Saint Petersbourg, réputée pour la qualité de ses expositions. Ce n'est pas faux, j'y passe un très agréable après-midi. 
Ladite fondation se consacre à l'art récent et contemporain ; beaucoup de figuratif, quelques installations, un peu de conceptuel, assez peu d'abstrait. Tout y est excellemment exposé, et le personnel parle un bon anglais (et mérite le prix du meilleur accueil de la ville, les gardiennes féroces de l'Ermitage devraient y faire un stage).
La galerie de l'accueil est déjà très originale.
Je commence par...

Les trois expositions temporaires 

Les frères Kaminker

Ces deux artistes réalisent des œuvres figuratives, de taille diverse, en simplifiant les lignes. Cela évoque parfois les sculptures dites primitives, et j'ai trouvé beaucoup d'expressivité dans tout cela.




Dean West

Cet artiste australien fabrique des photomontages numériques assez flashy, mais,  ma fois, fort réussis. Je me demande s'il n'est pas l'auteur des affiches de l'ENO de Londres, cela y ressemble fort.


Pas de photomontage ici. C'est une vraie photographie, extraordinairement détaillée (même de près).
Dean West a reçu commande pour faire des photos avec des Legos. Il a eu l'idée de les incorporer dans des éléments de la photo. C'est vraiment ludique pour le spectateur, qui cherche où sont les Legos. Pour vous permettre de jouer aussi, je ne donne pas la réponse ! N'hésitez pas à cliquer sur les photos pour les agrandir.




Une partie de son travail concerne la publicité, comme cette campagne pour une marque de gin.

Enfin quelques vidéos présentent le fonctionnement de ses collages.

Andrey Strelnikov : The time capsule 

La dernière exposition a enchanté ma journée. Ce photographe, dont j'ignorais tout, travaille notamment pour National Geographic. Il a réalisé sur une longue période une série de photos, uniquement dans des lieux abandonnés, qu'il magnifie avec un remarquable traitement de la lumière. J'ai été absolument conquis, et ai beaucoup regretté qu'Erarta n'ait pas édité de catalogue. Pour compenser, je propose une grande quantité de photos.



Il y a un vrai intérêt pour les surfaces  et les textures.


Un vrai talent pour donner à des lieux jadis splendides une nouvelle splendeur.




Très belle série d'intérieurs. C'est vraiment le traitement de la lumière qui apporte la beauté.





Les collections permanentes

La mission de la fondation est de fournir une vitrine à l'art contemporain russe, c'est donc le cas de toutes les œuvres présentées ici. 
Je mettrai les légendes plus tard. Voici un choix personnel, en tentant d'illustrer les divers styles présentés. 



Un des escaliers est réservé à une collection d'autoportaits.
Une vue depuis une des fenêtres.
Evgeny Ukhnalev, Zone
Yuliy Rybakov, Tuer l'ennemi dans l’œuf
Vladimir Comelfo, Douleur
Yuriy Demenev, Artefact. Une sculpture pleine d'apparente fragilité et délicatesse.
Valentin Gerasimenko, Vegetation
Latif Kazbekov, Motion of autumn
Alexandr Grekov, Vassilissa au Pays des Merveilles

Sergey Pasukhin, Cross-Section of Culture
Je pense obscurément aux couches archéologiques et tout particulièrement au site de Troie, où on n'a guère à voir que des strates semblables !
Nikolay Sazhin, Noël. Le mouton évoque plutôt Chagall, non ?
Pyotr Tatarnikov, Falaises noires, Triptyque
Elena Figurina, People
Dmitry Margolin, Job et sa femme. La lecture du titre donne soudain un éclairage différent au tableau !
Denis Ichitovkin, Un autre jour. Cuisine avec un vaisselier Bauhaus, ou peut-être Mondrian ?
Nikolai Chiryatev, Nuit tranquille. C'est sans doute une des "nuits blanches", à voir la couleur du ciel. Les textures et la palette m'ont fasciné.
Sergey Bakin, White Nights Bel effet impressionniste !
Andrey Neganov, Vues de Saint Petersbourg. Des effets de vitrail, un vrai talent de coloriste.
Alexander Pesterev, Pluie. Entre abstraction et figuration...
Evgeny Barsky, Astrosubstance
Masha Tregubenko, Rendez-vous

Les selfies sont vivement encouragés !

Déambulation sur l'île Vassilievky, suite 

Je me suis vraiment régalé dans ce musée, dont je ne saurais trop conseiller la visite. Je poursuis ma promenade, qui me mène dans une zone industrielle, proche de la Neva, un peu délabrée. 
De gros blocs de glace se détachent des gouttières.
Des stalactites se sont formées.
En insérant ces photos, je me demande si je n'ai pas été sous le coup de celles de Strelnikov (je parle du sujet, pas du talent).

Après quelques errances, je rejoins enfin la Neva, et tombe, tout surpris, sur le Krassin, ce célèbre brise-glace. Trop tard pour le visiter !

Les grues des chantiers navals tracent des lignes  inquiétantes dans le ciel, telles de gigantesques mantes religieuses.
Je reviens vers Bolchoi Prospekt, espérant manger un morceau avant la représentation du soir.
J'ai encore de la chance, c'est une crêperie que je trouve. Je suis le seul client, et suis très gentiment servi dans cette belle cave rénovée. Je vais donc me régaler de blinis ! Rien à voir avec les pancakes commercialisés chez nous sous ce nom. Ce sont bien les mêmes crêpes que les nôtres.
Une "s miassom"  (laitue, tomates, viande hachée), une "chocolade", un expresso, 350 roubles.
Je recommande chaleureusement la crêperie "Galette", pas bien loin de la Kunstcamera, un vrai bon plan pour manger dans cette zone.


Il est 18:15, plus que temps de retraverser la Neva pour être dans les temps à l'Opéra. 

I quattro Rusteghi à l'Opéra de Chambre

Rien du programme des Mariinsky et du Mikhailovsky ne me tentait pour ce 19 avril. Je n'allais quand même pas laisser une soirée sans spectacle !
J'ai failli risquer une représentation de la Cerisaie, pièce que je connais bien, mais j'ai quand même reculé. J'ai eu il y a des années un Goldoni en tchèque à Prague et, il y a moins longtemps, un Brecht à Berlin, deux expériences éprouvantes. A l'opéra, c'est plus facile (si on est habitué en tout cas) car il y a tellement d'expériences, sensorielles et intellectuelles, en même temps. Donc exit la soirée théâtrale.
J'ai un peu farfouillé pour essayer de trouver toutes les salles proposant des concerts ; la Philharmonie où j'étais allé l'année dernière, pourquoi pas ? le théâtre d'opérette, une autre bonne idée ? une soirée de ballets dans le merveilleux théâtre de l'Ermitage ? Ah ben non, les places sont à 150 €, ça fait cher quand même.
C'est alors que je suis tombé sur un théâtre super-actif et absolument inconnu des amateurs internationaux, l'Opéra de Chambre, plein d'atouts.
Tout d'abord il est situé dans un magnifique palais, à deux pas de mon hôtel.

Couloirs classiques avec les effets de stuc habituels ici.
La fausse grotte à l'italienne.
Des panneaux peints décorent les boiseries.


Un sacré travail de marqueterie.
Et une salle mauresque qui rappelle bien le bain maure du palais Yusupov !

Ensuite, sa salle de spectacle est une magnifique miniature, encore plus petite que l'opéra Garnier de Monaco.

La scène est vraiment microscopique !




Il propose une programmation vraiment intéressante, avec des tubes (Elisir d'amore, Rigoletto) parfois pas du tout "de chambre" (Tosca, Boris Godunov), des raretés (La Finta Giardiniera, Imeneo de Haendel), des tubes russes (Evgeny Oniegin) et beaucoup de concerts. Et il monte chaque année un festival, ce qui me permet de voir ce soir une représentation de l'Opéra de chambre Boris Pokrovsky de Moscou.
Et, chouette, je vais découvrir une œuvre que je n'ai jamais vue en version scénique (je n'en ai eu qu'une version de concert en Angleterre, il y a déjà longtemps).

I quattro Rusteghi

Manno Wolff-Ferrari, compositeur vénitien (et enterré à San Michele comme Stravinsky) a composé toute une série d'opéras, dont le Segreto di Susanna, histoire d'un mari jaloux trompé par l'odeur de cigarette de sa femme. Son œuvre la plus connue, et tout de même rarement représentée, c'est ces  Quattro Rusteghi (Les Rustres), tiré de la pièce homonyme de Goldoni.

Cet opéra créé à Munich en 1906 raconte la leçon donnée par des épouses à des maris sinistres qui tentent de les tenir bien corsetées. Un sujet décapant au XVIIIe siècle comme à l'époque de la création, pas si éloigné de Falstaff. C'est surtout l'enregistrement avec Magda Olivero qui demeure célèbre.
Un opéra délicieux, plein d'esprit, avec une musique qui envoie des rappels au XVIIIe siècle, très finement orchestré. Pourquoi n'est-ce pas plus souvent donné ?
Pour ma première version scénique, j'ai droit à du russe, comme pour la Flûte Enchantée de samedi.


Une production vivante


 La production de Mikhail Kislyarov date de 2003. Elle est  absolument super, basée sur une direction d'acteurs au petit point, et tirant le meilleur parti du mouchoir de poche qu'est la scène.
La présence d'une femme clown, les lunettes des messieurs font allusion à la Commedia dell'Arte, mais en restant dans l'esprit de la relation et non de la copie. Pas un moment d'ennui et on rit beaucoup.


Solide équipe d'artistes 


Ce qui frappe le plus dans cette soirée est la grande qualité de cette troupe méconnue, avec un excellent chef qui montre toute la finesse de l'œuvre et dirige avec un vrai sens théâtral. Les chanteurs sont vraiment remarquables, et de fins acteurs en plus.

Pavel Paremuzov, Riccardo, est le moins brillant à cause d'une voix trop large pour le rôle. 
Felice (Irina Kurmanova), Cancion (Alexander Markeiev), Filipetto (Zakhar Kovalev), Maurizio (Alexei Mochalov), Marina (Alexandra Martynova), Simone (Alexei Morozov), Margarita (Olga Berezanskaia) sont tous dignes d'éloges. Mais j'ai encore plus été impressionné par une remplaçante dans le rôle de Lucetta, Marianna Asvoynova, qui doit faire une splendide Tatiana, et par une basse exceptionnelle, Hermann (ou German) Yukavsky, l'interprète de Lunardo, dont la voix saisissante a une rare unité sur toute la tessiture, et une signature tout aussi peu fréquente.
Les artistes  sont ravis de signer le programme à un Français, une en pleure d'émotion. Nous nous quittons avec de grandes embrassades et je promets d'aller les voir si je mets les pieds à Moscou !
Bref une super journée de bout en bout...



Alexandra Martynova
Irina Kurminova
German / Herman Yukavsky
Olga Berezanskaia, Pavel Paremuzov, Irina Kurminova
Alexei Mochalov, Marianna Asvoynova, Valery Fedorenko

Je recommande absolument aux amateurs d'art lyrique une soirée dans ce chouette petit opéra, au moins pour découvrir ce palais et cette salle exceptionnels.

12 commentaires:

  1. Very long and interesting post. Didn't found the legos.
    Annie

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    1. Thanks Annie. If it is too difficult, I will give a solution in the feedbacks.

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  2. Your pictures of old factories are excellent.
    Ruth

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    1. Thanks Ruth. As I wrote it, I think I was inspired by Strelnikov.

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  3. Super Fred! Quelle journée extraordinaire ! De grands efforts pour découvrir cette ville et ses trésors, mais vraiment récompensés pour toi et pour nous. Belles photos. Grand merci. Bises.
    Mam

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  4. Thank you Fred for the review of Rusteghi. Hope to see you in Moscow Chamber Opera. Have good time in SPB!
    Marianna

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  5. Super article, original, avec plein d'oeuvres judicieusement choisies. Mais je n'ai toujours pas trouvé les légos !
    Eric

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    1. Si c'est vraiment trop difficile, je mettrai les solutions !

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  6. But WHERE ARE THE LEGOS ???????????
    Ruth

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