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mercredi 18 novembre 2020

Vienne : Exposition Beethoven (Prunksaal)


2020, c'est l'année du 250e anniversaire de la naissance de Beethoven. Pour l'occasion, de multiples expositions s'épanouissent à Vienne. Je vous emmène dans celle de la Prunksaal, dans la Bibliothèque Nationale d'Autriche.


Vienne, Prunksaal : exposition Beethoven


Vienne, Prunksaal : la maison natale de Beethoven à Bonn

Beethoven est né en décembre 1770, le 16 ou le 17. Son père, ténor à la cour de Bonn, constata rapidement les dons de son fils et fit en sorte que son fils reçût une solide éducation musicale. On lui apprit d'abord le violon et l'alto, puis le piano et l'orgue avec Christian Gottlob Neefe, prolifique compositeur.

 

Vienne, Prunksaal : Beethoven à treize ans
 

Il fut un petit pianiste prodige, et le papa le produisit rapidement en concert comme Leopold Mozart avec son rejeton. Il lui attribuait d'ailleurs un plus jeune âge dans la publicité réalisée lors de ces occasions ! On peut comprendre la méprise des spectateurs : à treize ans, il semblait encore un petit enfant. Je ne crois avoir encore jamais vu ce portrait.


Vienne, Prunksaal : silhouette de Beethoven à seize ans

 

Durant ses premières années, Neefe lui avait fait découvrir le Clavier bien tempéré de Bach qui lui avait donné le goût de la composition ; le petit Ludwig s'était déjà fait remarquer par des sonates (les Kurfürsten Sonaten) et la cantate pour la mort de Joseph II notamment.

En 1787, le prince électeur Maximilian, fils de Marie-Thérèse, finança son premier voyage à Vienne.


Vienne, Prunksaal : carnet d'adieu de Beethoven
avec les messages d'Anna Maria Koch, du comte Waldstein, d'Eleonore Breuning

 

Le second voyage, en 1792, le vit quitter à nouveau sa ville natale pour s'installer définitivement à Vienne. A l'occasion, ses amis lui offrirent un carnet d'adieu où ils lui avaient écrit des messages chaleureux.


Vienne, Prunksaal : Beethoven, trois sonates dédiées à Haydn

 

A Vienne, Beethoven poursuivit son cursus auprès de Salieri pour l'écriture vocale et Albrechtsberger pour le contrepoint et la composition. Il étudia aussi avec Haydn, révéré dans la capitale viennoise. Il apprécia beaucoup cette solide formation avec celui qui avait quasiment inventé le quatuor et révolutionné le genre de la symphonie ; cent huit symphonies à lui tout seul ! 


Vienne, Prunksaal : lettre de Beethoven à Ries

 

Parallèlement, Beethoven subsistait en donnant lui-même des leçons de piano. Ferdinand Ries, un bon compositeur assez oublié (mais intéressant, tout ce que j'ai entendu de lui méritait d'être redécouvert) fut un de ses élèves.


Vienne, Prunksaal : Ferdinand Ries

Vienne, Prunksaal : Carl Czerny, Pianoforte-Schule (L'Ecole du piano)

 

Un autre de ses élèves célèbres fut Carl Czerny, auteur d’œuvres pour piano mais surtout de cahiers d'exercices et d'études fort utilisées. J'en ai travaillé dans mon enfance !

Cette méthode était révolutionnaire car elle se présentait comme une théorisation du doigté et insistait sur l'entraînement pour résoudre les difficultés. La première vraie publication technique.


Vienne, Prunksaal : lettre de Beethoven à Czerny

 

Cher Zerni !

Je voudrais vous demander de venir pour le petit-déjeuner demain, le petit-déjeuner sera prêt n'importe quand, je dois obligatoirement vous parler et vous demande d'apporter la transcription de la Symphonie en fa. J'aimerais venir vers vous, mais ça m'est difficile de venir chez vous aux horaires où vous y êtes.

Votre ami Beethoven

 


Vienne, Prunksaal : première édition des trios avec piano de Beethoven
avec la liste des souscripteurs


La composition et les leçons de piano ne suffisaient pas à assurer les revenus et Beethoven cherchait sans cesse à résoudre ses problèmes d'argent. Il lui fallait obtenir le parrainage des nobles locaux, exactement comme le mécénat aujourd'hui. En échange de ce sponsoring, les donateurs voyaient leur nom apparaître dans la liste des souscripteurs ou, encore mieux, étaient exclusivement cités dans la dédicace.

Beethoven faillit accepter l'offre de Jérôme Bonaparte (le frère de Napoléon) à Kassel, garantie d'un poste stable. Mais les princes Kinsky et Lobkowitz ainsi que l'archiduc Rodolphe lui promirent une rente de quatre mille gulden par an pour qu'il restât à Vienne.


Vienne, Prunksaal : Beethoven, Sonate pour violon et piano "Le Printemps"

 

Sur cette copie, Beethoven a écrit en rouge dans la marge "NB : Der Copist der die 3 und 6 hier hinein gemacht war ein Esel" (le copiste qui a inséré ici 3 et 6 est un âne) !


Vienne, Prunksaal : manuscrit du quatuor op 95 de Beethoven


Le manuscrit porte en haut la mention "Quartetto serioso 1810 im Monath october dem Herrn von Zmeskall gewidmet von seinen Freunde LvBthvn und geschrieben im Monath october" (Quartetto serioso 1810 au mois d'octobre, dédié à Herrn von Zmeskall par son ami LvBthvn, et écrit au mois d'octobre).

 

Vienne, Prunksaal : Beethoven travaillant sur la Missa solemnis

 

Fameux portrait, ici gravé par Josef Kriehuber d'après la peinture de Josef Karl Stieler, sur la partition éditée en France par Schott. Un admirateur y a ajouté un rameau séché.


Vienne, Prunksaal : album offert par Beethoven à Franz Clement avec sa dédicace

 

Grâce au prince Lichnowsky, Beethoven put rencontrer Schuppanzigh, futur grand interprète de ses oeuvres. Il fit également la connaissance de Franz Clement, le chef de l'orchestre du Theater an der Wien, à qui il dédia le concerto pour violon.


Vienne, Prunksaal : première édition des Bagatelles op 33 de Beethoven

 

Le Bureau d'Arts et d'Industrie, malgré son nom français, était bien installé à Vienne ; de 1802 à 1808, ce fut le principal éditeur de Beethoven.

 

Vienne, Prunksaal : portrait de Haendel, gravure de Georg Friedrich Schmidt

 


Vienne, Prunksaal : Fugues de Haendel arrangées pour quatuor à cordes par Beethoven


Outre les œuvres de Bach, qu'il avait étudiées dans sa petite enfance et qu'il vénéra tout au long de sa vie, Beethoven admirait beaucoup celles de Haendel et de Mozart, qu'il arrangea et transcrivit à de multiples reprises.


Vienne, Prunksaal : Variations sur un thème de Mozart par Beethoven

 

 Il s'agit des variations sur "Bei Männern, wleche Liebe fühlen", un duo de Die Zauberflöte, La Flûte enchantée.

 

Vienne, Prunksaal : édition de 1816 de Wellingtons Sieg
(La Victoire de Wellington) de Beethoven

 

La situation politique à l'époque était très instable : la ville de Bonn était, durant l'enfance de Beethoven, occupée par les troupes françaises qui avaient mis fin à la période du prince électeur.  L'expansion française et sa conquête de Venne firent du composiuteur un fervent bonapartiste, et c'est à Bonaparte qu'il dédia sa troisième symphonie. Mais il fut ulcéré par le couronnement de son héros et il biffa rageusement sa dédicace.La victoire de Wellington sur les troupes napoléoniennes lui parut ensuite un thème bien préférable.

C'est Mälzel, l'inventeur du métronome, qui commanda cette pièce orchestrale pour inaugurer un instrument de son invention, le panharmonicon (un instrument de musique mécanique dont il ne subsiste aucun exemplaire). Elle fut cependant exécutée en 1813 par un vrai orchestre, dans lequel jouaient Salieri, Meyerbeer, Spohr et Hummel. Un des plus beaux castings de l'histoire !


Vienne, Prunksaal : Beethoven en promenade, dessins de Franz Trau

 

Deux rares dessins montrent un Beethoven plus intime, loin des portraits en génie ténébreux. Sur le second, je lui trouve une étrange tête léonine ; il me rappelle même la Bête dans le film de Cocteau !


Vienne, Prunksaal : Beethoven au Café, dessin de Eduard Closson

Vienne, Prunksaal : les comptes de Beethoven

 

Est-ce par habitude, par avarice ou par méfiance envers ses domestiques que Beethoven tenait méticuleusement ses comptes ? On voit qu'il faisait acheter du bœuf (Rientfleisch), de la moelle (Mährg), du foie (Löhber), des lentilles (Lienssen) et de la crème (Rum). Je croyais que ce dernier mot désignait le rhum, mais c'est l'ancienne orthographe de Rähm.

 

Le grand drame de Beethoven on le sait, c'est sa surdité, provenant apparemment d'une maladie mal soignée. A partir de 1802, il commença à souffrir d'acouphènes, qui s'amplifièrent jusqu'à rendre le compositeur complètement perméable au son.



 

Ce handicap le poussa à isoler et on le décrit bientôt comme un misanthrope acariâtre, alors que c'était la peur qui l'habitait. Il l'exprima dans le poignant Testament d'Heiligenstadt.

 Ô vous ! hommes qui me tenez pour haineux, obstiné, ou qui me dites misanthrope, comme vous vous méprenez sur moi. Vous ignorez la cause secrète de ce qui vous semble ainsi, mon cœur et mon caractère inclinaient dès l'enfance au tendre sentiment de la bienveillance, même l'accomplissement de grandes actions, j'y ai toujours été disposé, mais considérez seulement que depuis six ans un état déplorable m'infeste, aggravé par des médecins insensés, et trompé d'année en année dans son espoir d'amélioration. Finalement condamné à la perspective d'un mal durable (dont la guérison peut durer des années ou même être tout à fait impossible), alors que j'étais né avec un tempérament fougueux, plein de vie, prédisposé même aux distractions offertes par la société, j'ai dû tôt m'isoler, mener ma vie dans la solitude, et si j'essayais bien parfois de mettre tout cela de côté, oh ! comme alors j'étais ramené durement à la triste expérience renouvelée de mon ouïe défaillante, et certes je ne pouvais me résigner à dire aux hommes : parlez plus fort, criez, car je suis sourd, ah ! comment aurait-il été possible que j'avoue alors la faiblesse d'un sens qui, chez moi, devait être poussé jusqu'à un degré de perfection plus grand que chez tous les autres, un sens que je possédais autrefois dans sa plus grande perfection, dans une perfection que certainement peu de mon espèce ont jamais connue – oh ! je ne le peux toujours pas, pardonnez-moi, si vous me voyez battre en retraite là-même où j'aurais bien aimé me joindre à vous.

 

Le texte intégral est consultable sur Wikisource.


Je compte bien ne pas quitter Vienne sans m'être rendu à Heiligenstadt ! 


Vienne, Prunksaal : carnet de conversation de Beethoven

Pour pouvoir converser avec ses visiteurs, il tenait des carnets où l'échange était consigné. A l'endroit signalé par la flèche, le visiteur a noté : "Je me souviens très bien des difficultés que vous avez eue avec les timbales à la répétition d'Egmont !", à quoi Beethoven a répondu : " Electro vibrations machine pour la dureté de l'ouïe et la complète surdité".


Vienne, Prunksaal : photographie d'Anton Schindler

 

Anton Schindler fut le premier biographe de Beethoven et c'est lui qui avait récupéré les carnets, qu'il montrait comme preuve de ce qu'il avançait.

 

Vienne, Prunksaal : première biographie de Beethoven par Anton Schindler
 

Malheureusement, il était peu scrupuleux et n'avait pas hésité à faire disparaître ce qui le gênait et même à imiter l'écriture de Beethoven pour ajouter de fausses remarques. Cela posa de durables problèmes car les carnets avaient été acceptés comme authentiques et les biographes successifs l'utilisaient comme base de leurs travaux.


Vienne, Prunksaal : concerto pour violon de Beethoven

 

L'unique concerto pour violon, un des plus célèbres du genre, fut écrit en 1806. Il suscita la stupeur à la création :  les quatre coups de timbales initiaux constituaient un début de concerto totalement inconnu.


Vienne, Prunksaal : Hymne à la joie, IX symphonie de Beethoven


C'est la première fois que je vois le manuscrit de cette oeuvre parmi les plus célèbres et universelles de son auteur, avec son écriture en fugue qui montre encore l'influence de Haendel. 

Hymne à la fraternité, à la liberté, un symbole sans cesse repris. Je repense toujours au concert de Leonard Bernstein à la chute du mur de Berlin. Voir cette page est un grand moment.


Vienne, Prunksaal : partition pour la création de Fidelio, avec annotations de Beethoven


Le vrai hymne à la liberté, c'est cependant Fidelio, oeuvre que j'adore particulièrement, tellement belle et émouvante de bout en bout. Le choeur O welche Lust me donne toujours des frissons.

C'est un opéra que Beethoven reprit et transforma à plusieurs reprises. Cette copie fut réalisée pour la première de la quatrième version, en 1816. Beethoven a écrit la fin du dialogue ("Nichts mein Florestan") pour préciser le démarrage du duo "O namenlose Freude".


Vienne, Prunksaal : affiche de la création de Fidelio de Beethoven

Vienne, Prunksaal : manuscrit du Abendlied de Beethoven

 

Le Abendlied unter dem gestirnten Himmel (Chant du soir sous le ciel étoilé) fut composé en 1820 sur un texte de Goeble où le poète évoque son émotion à contempler la voûte céleste, que Beethoven partageait. La fin, "j'aurai bientôt atteint mon but, je serai bientôt monté jusqu'à vous, je récolterai bientôt au trône de Dieu  la récompense de mes souffrances.", semble prémonitoire de la mort du compositeur en 1827.




Vienne, Prunksaal : masque mortuaire de Beethoven

 

Malade depuis des années, victime d'une double pneumonie, Beethoven mourut à Vienne le 26 mars 1827. Plusieurs hypothèses furent retenues pour expliquer sa mort à l'âge de cinquante-six ans. Il fut autopsié et le médecin pensait à la maladie de Paget, ce qui concorderait avec le crâne qui avait continué à croître tout au long de la vie de Beethoven. Aujourd'hui on penche pour le saturnisme, dû à l'accumulation de plomb contenu dans le vin. Les amis fidèles firent mouler ce masque mortuaire, bien différent de celui réalisé une quinzaine d'années auparavant et exposé à la Pasqualati-Haus. Je me demande si c'est lui qui était présenté à la Philharmonie de Paris, dans l'exposition Le Mythe Beethoven.

Un visage creusé, douloureux. Poignant.

6 commentaires:

  1. A brilliant second post about Beethoven, with exceptional pieces. Full of many emotions.
    I just love it.
    Annie

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    Réponses
    1. Thanks dear Annie. It was a great pleasure for me to see these exceptional pieces, you can imagine it!

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  2. Passionnant article. C'est très émouvant de voir tous ces documents !
    Merci beaucoup.

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  3. C'est très émouvant de voir tous ces documents rares. J'ai découvert votre article après avoir regardé l'émission Secrets d'histoire. C'est un parfait complément.

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