Les Galeries Nationales de Rome, installées dans le Palais Barberini, renferment une prestigieuse collection de chefs-d’œuvre. Première partie, des merveilles médiévales au début du XVIIe siècle.
Devenu le pape Urbain VIII, Maffeo, de la puissante famille romaine Barberini, fit transformer ce palais par Carlo Maderno. Le grand architecte est resté célèbre aussi bien pour ces demeures prestigieuses, telles que le Palais du Quirinal que pour des églises comme Santa Maria della Vittoria ou Sant'Ignazio, réalisée en collaboration avec Grassi. Maderno inventa une forme en H complètement novatrice : c'était le longiligne bâtiment en - qui prévalait jusque-là.
Le Bernin succéda à Maderno à la direction du chantier, et ajouta une loggia à arcades.
Anonyme de Lucca, XIIIe siècle, Croix peinte |
Ce grand crucifix évoque un polyptyque avec sa multiplicité de scènes ; au-dessus du Christ, à la cimaise, le Christ bénit entre deux anges. Sur les branches de la croix s'affiche le tétragramme avec les symboles des évangélistes.
Dans la partie centrale, les deux personnages principaux de la Crucifixion, la Vierge et Saint Jean, occupent leur place traditionnelle.
Anonyme de Lucca, XIIIe siècle, Croix peinte |
Plus rares, les deux larrons sont également figurés devant une proposition de Jérusalem fortifiée. C'est vraiment un modèle de crucifix original, je ne crois pas en avoir vu de semblable.
Simeone et Machilone, Croix peinte, 1256 |
La croix signée par les deux artistes présente également un programme complexe : l'Ascension à la cimaise ; la Vierge et Saint Jean l’Évangéliste sont cette fois distribués dans les branches ; le donateur est également représenté, au pied de la croix.
Maestro del Bigallo, Croix peinte, XIIIe siècle |
Christus triumphans à nouveau ici, avec toujours un programme complémentaire : à l'extrémité des branches, des anges avec le rameau fleuri ; à la cimaise, un tondo avec un Christ bénissant et au-dessous, l'Ascension de la Vierge entre deux anges. Au pied de la Croix, le Reniement de Pierre. Le coq est une allusion à la phrase que l'évangile place dans la bouche du Christ, « Avant que le coq chante, tu m'auras renié trois fois ».
Giovanni da Rimini, Scènes de la vie du Christ, XIIIe siècle |
Giovanni da Rimini, sans être vraiment un élève de Giotto, le rencontra et assimila les prodigieuses inventions de son aîné, qu'il réinterpréta dans un style personnel. La composition des scènes et la gamme chromatique lui rendent ici un hommage direct.
Giovanni Baronzio, Scènes de la Passion, vers 1345 |
Autre représentant de l'école de Rimini, Baronzio se concentre ici sur les scènes de la Passion : Descente de croix, Déploration, Résurrection, Descente aux Limbes entourent la Pentecôte, au niveau supérieur. J'aime beaucoup ce panneau, avec une vraie recherche de vraisemblance dans la mise en espace, les détails (les soldats endormis, en bas) et une éclatante palette dominée par des roses très frais. Baronzio récupéra vraisemblablement aussi l'héritage de Giotto !
Simone dei Crocifissi, Tryptique avec la Vierge à l'Enfant, XIVe siècle |
Simone dei Crocifissi est un des plus anciens peintres de Bologne, qui allait produire inlassablement de grands maîtres dans l'histoire de l'art. Tout un programme encore : Vierge à l'Enfant avec anges au centre, l'Annonciation répartie sur le haut des deux panneaux ; en prime, Saint Augustin et sa mère, infatigable accompagnatrice, Sainte Monique.
Maître de la Madonna du Palazzo Venezia, Vierge à l'Enfant, XIVe siècle |
Le peintre n'est pas identifié mais il a peint d'élégants personnages, avec une carnation fraîche mise en volume avec beaucoup de délicatesse.
Niccolo di Pietro, Le Couronnement de la Vierge, XIVe siècle |
Egalement au contact de la peinture de Bologne, Niccolo est pourtant un peintre vénitien qui, avec les Veneziano, perpétue le style byzantin. Il s'inscrit cependant, à sa manière, dans le gothique international. Ici il reprend une scène liée au développement du culte de Marie, le Couronnement de la Vierge.
Filippo Lippi, L'Annonciation, XVe siècle |
Le grand Filippo Lippi fut un jeune novice qui mena une existence peu monacale ; il séduisit une religieuse, l'enleva, et eut un fils (connu sous le nom de Filippino Lippi). Ses ennuis avec la justice le conduisirent à la prison et à la torture... Cette existence mouvementée (j'imagine un Caravage du Quattrocento) ne l'empêcha pas de produire une passionnante peinture, enrichie de multiples influences comme celles de Masaccio ou de Fra Angelico, et d'être un des tout premiers à appliquer dans ses tableaux les principes de la perspective élaborés par Brunelleschi et Alberti. Son élève Botticelli sera le maillon suivant...
Filippo Lippi, L'Annonciation, XVe siècle (détail) |
Les donateurs demandèrent à être présents sur le tableau (c'était le moyen le plus noble de se faire tirer le portrait, lorsqu'il n'y avait guère de peinture que religieuse) ; pour éviter de les mettre sur le même plan que la scène sacrée, Filippo a créé un étonnant espace tridimensionnel, à partir de cette tribune, qui se prolonge sur un palais dont on voit une statue dans une niche et une coûteuse chambre avec rideau et couvre-lit. Florence était une ville de tissus !
Filippo Lippi, L'Annonciation, XVe siècle (détail) |
L'espace se poursuit encore avec un charmant paysage arboré.
Filippo Lippi, La Madone de Tarquinia, XVe siècle |
Style complètement différent pour cette Madone de Tarquinia, qui impose le modèle ancien de la Vierge sur le trône. Malgré l'espace réduit, Filippo propose un maximum d'éléments modernes : un bébé bien vivant, un arrière-plan aussi creusé que possible, avec même une fenêtre avec vue sur la gauche, et il travaille une audacieuse palette bichromatique en noir et rose.
Agnolo Bronzino, Stefano IV Colonna, 1546 |
Le grand représentant du maniérisme florentin (le vert et le violet en sont des couleurs caractéristiques) a peint ici un membre d'une grande famille romaine, présenté comme un guerrier en armure.
Lorenzo Lotto, Le Mariage mystique de Sainte Catherine d'Alexandrie, 1524 |
La scène du mariage mystique est issue de Saint Augustin ; c'est une expérience qui transcende celui qui la vit en lui faisant ressentir une union avec le Christ comparable à un mariage. Saint François d'Assise et les deux Saintes Catherine, celle de Sienne et celles d'Alexandrie, sont les plus souvent représentées. On montre le Christ enfant, non dans une quelconque visée pédophile, mais au contraire pour indiquer la pureté de cette union ; les saints masculins s'unissent le plus souvent aux vertus théologales.
La chapelle
Sous la coupole, la colombe de l'Esprit Saint ; les putti folâtrent dans trois parties mais la quatrième a bizarrement été laissée vide.
Niccolo dell'Abate, Jeune Homme au chien, XVIe siècle |
Niccolo dell'Abate fut un peintre voyageur ; formé à Modène, il perfectionna son style à Bologne, en s'imprégnant du style d'artistes émiliens comme Correggio (Le Corrège) ou Parmigianino (Le Parmesan). Henri II le fit venir en France où il termina sa vie, et il mourut à Fontainebleau.
Niccolo dell'Abate, Jeune Homme au chien, XVIe siècle (détail) |
On remarque bien plus le livre que le jeune chien aux yeux vifs, alors que c'est lui qui regarde le spectateur !
Bartolomeo Veneto, Portrait de gentilhomme, XVIe siècle |
Bartolomeo Veneto, ou Veneziano, est un peintre rare, avec une petite quarantaine de tableaux connus. Ses premières œuvres sont moins célèbres que ses portraits ; son travail à Milan lui a donné une palette plus colorée et plus éclatante, et son dessin s'est fait plus minutieux au contact des réalisations de Dürer.
Quentin Metsys, Erasme de Rotterdam, 1517 |
Un détour par le nord, précisément, avec le grand maître de la peinture anversoise au tournant du XVIe siècle, Quentin Metsys. Un peintre très méticuleux, dans la grande tradition des Bouts, van der Weyden ou van Eyck, avec de merveilleuses touches transparentes qui rendent le coup de pinceau invisible.
Quentin Metsys, Erasme de Rotterdam, 1517 (détail) |
En 1517 Erasme et Peter Gillis décidèrent d'envoyer leur portrait à Thomas More, un auteur et légiste de la cour d'Henry VIII. Ils s'adressèrent donc au plus grand peintre anversois du moment. Toute la correspondance préservée permet de suivre l'affaire, avec l'impatience de More de voir enfin les fameux tableaux.
Hans Holbein, Henry VIII, début XVIe siècle |
L'allemand Holbein fut nommé peintre du roi Henry VIII en 1536. Sa fonction lui imposa plusieurs portraits du souverain, dont une célèbre fresque pour la chambre royale, aujourd'hui détruite mais reproduite dans de multiples copies. On sait que Holbein dut exagérer la stature du roi, dont l'armure personnelle révélait une carrure bien moins imposante. Ses portraits atteignirent cependant leur but et c'est à eux qu'on doit l'image officielle d'Henry VIII, à tel point que c'est sur eux que se basa Charles Laughton pour sa composition dans The Private Life of Henry VIII, qui lui valut un Oscar.
Jacob de Backer, Le Christ mort supporté par un ange, vers 1580 |
Jacob de Backer n'est pas un peintre très connu ; représentant de l'école d'Anvers, il voyagea en Italie et son séjour à Rome est documenté.
Jan Massijs, Judith et Holopherne, vers 1550 |
Version érotique d'une Judith aux seins nus. Sa pose conquérante , le camp à gauche qui contextualise bien la scène, le geste de la servante pour attraper la tête me semblent des réussites, et le peintre emploie avec maîtrise une gamme de teintes froides pour valoriser ses rouges.
Jacopo Zucchi, Clelia Farnese, vers 1580 |
Clelia Farnese eut la réputation d'être la plus belle femme de Rome. Le serait-elle aujourd'hui ?
Girolamo Muziano, Le Portement de croix, 1561 |
Le cadrage très serré fut souvent utilisé pour le Portement de Croix, permettant de ramasser l'espace, presque claustrophobique, et de dramatiser la scène par des oppositions de personnages. Muziano, infatigable peintre dans les églises romaines (l'Aracoeli, Saint Louis des Français, Santa Maria della Concezione et bien d'autres) montre un doux Christ au visage résigné en opposition avec la face rugueuse du second personange.
Marcello Venusti, Le Christ au jardin de Gethsemani, vers 1565 |
Je ne connais pas ce Venusti, un peintre de Côme, et le cartel m'informe que ce tableau est basé sur un dessin de Michel-Ange. Comme autrefois, le même personnage est répété dans les étapes du récit : le dialogue avec Pierre, pour l'exhorter à résister au sommeil, et la prière. Cette vaine tentative de garder Pierre éveillé est vue comme une illustration de la faiblesse humaine.
Francesco Bassano, Le Christ au jardin de Gethsemani, vers 1590 |
Autant le contraste du Caravage m'enchante, autant ce noir épais des Bassano me séduit peu. Il me manque la chaleur des carnations, et ces verts et roses maniéristes me semblent bien peu heureux sur tout le noir.
Le Titien et atelier, Vénus et Adonis, vers 1560 |
De nombreuses versions furent produites de cette scène célèbre, la plus célèbre restant celle pour Philippe II, exposée aujourd'hui au Prado de Madrid. C'est Ovide qui fournit le thème dans ses Métamorphoses, texte littéralement redécouvert à la Renaissance, mais le Titien propose une scène inédite où Adonis s'extirpe des bras de Vénus. Les chiens tirent sur la laisse pour partir à la chasse, et on sait qu'il n'en reviendra pas vainqueur : un sanglier le blessera mortellement. Adonis quitte l'amour pour la mort...
Le Tintoret, Le Christ et la femme adultère, vers 1549 |
Seconde gloire de la peinture vénitienne, l'infatigable Tintoret, recordman de la plus grande peinture à cette époque avec le Paradis du Palais des Doges, peintre virtuose et rapide...
Le Greco, L'Adoration des bergers / Le Baptême, vers 1596 |
J'ai vraiment du mal avec la peinture du Greco, un des rares peintres qui me font ressentir de la répulsion. Même les expressionnistes allemands (j'ai en tête Otto Dix) ne me donnent pas de semblables sensations. Je reconnais l'originalité de son œuvre, mais je ne parviens pas à dépasser ma réaction première. Je suis sans doute mécréant, mais je continue à trouver cette peinture atroce.
Giovanni Cariani, La Vierge à la couture, vers 1525 |
Scène de famille : la Vierge et Sainte Elisabeth, les deux parentes de la Visitation, et leurs petits, Jésus et Jean-Baptiste. La rencontre entre les deux enfants, bien avant le baptême, fut largement développée dans la littérature religieuse médiévale et le sujet est devenu bien classique au XVIe siècle.
Palma Le Jeune, Le Massacre des innocents, vers 1623 |
Voici un grand peintre de la peinture vénitienne, dont j'aime beaucoup les toiles en général. Celle-ci date de sa toute dernière période (il a alors soixante-quinze ans) et c'est intéressant de mesurer son évolution ; il abandonne ici la peinture méticuleuse pour passer à un pinceau rapide, sous l'influence conjointe du Titien et du Tintoret.
Bartolomeo Passerotti, La Boucherie, vers 1580 |
Je pense instantanément à Joachim Beuckelaer, le peintre anversois spécialiste des scènes de marché. A la même époque, Passerotti donne la première peinture de boucherie de la peinture italienne. L'échoppe est bien fournie, quartiers de bœuf, morceau choisi, découpe de sanglier... Comme chez Beuckelaer, on cherche à renvoyer une image d'opulence.
Franz Francken II (Le Jeune), Un Cabinet de collectionneur, 1616 |
Franz Francken II inventa un genre, des peintures représentant un cabinet de curiosités ou cabinet d'amateur. A cette époque curieuse de redécouvrir le monde, on collectionne des objets rares ou exotiques, tableaux, minéraux, fossiles, squelettes ou antiquités... J'ai toujours apprécié ce concept hétéroclite de la collection de collections.
Annibale Carracci, Triptyque portatif, 1603 |
En voyant de loin ce petit triptyque, dédié à la dévotion privée, j'ai cru à une peinture flamande. Les bleus, la représentation de Marie-Madeleine. Je suis très surpris de découvrir une peinture d'un des Carrache, à qui je n'aurais absolument pas pensé.
Une très intéressante visite. Je ne connaissais pas ces différents noms des crucifix. J'aime beaucoup le portrait de Clelia !
RépondreSupprimerMerci pour ce magnifique article.
Françoise
Merci beaucoup Françoise ! Un très intéressant musée en effet.
SupprimerGreat guided tour amongst beautiful paintings! I will know the different expressions of Christus.
RépondreSupprimerStill a wonderful blog to learn about art.
Annie
Sorry for my late answer. Thank you for your kindest words, Annie!
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