Lyon : sculptures au Musée des Beaux-Arts (réfectoire, chapelle)

Le réfectoire

Lyon, Musée des Beaux-Arts : réfectoire avec la Cène de Cretey

Au XVIIe siècle, le réfectoire du couvent était devenu vétuste. La jeune nouvelle abbesse retint en 1675 Thomas Blanchet, qui avait œuvré à la décoration de l'Hôtel de ville voisin, pour sa rénovation. Sans surprise dans un réfectoire, c'est une peinture de repas que voit le visiteur en entrant, une Cène du Lyonnais Louis Cretey.

Lyon, Musée des Beaux-Arts : réfectoire

Le programme iconographique, établi par l'artiste et sa commanditaire, glorifie celle-ci avec ses armoiries répétées en plusieurs endroits. Plus généralement, il présente des figures féminines bibliques et des saintes ce qui est assez attendu dans un couvent féminin. La présence d'allégories ne surprend pas dans une réalisation du XVIIe siècle. Les sculptures furent réalisées par Nicolas Bidaut et Guillaume Simon.

Lyon, Musée des Beaux-Arts : réfectoire

C'est donc dans ce décor baroque, plein de mouvement et de draperies, que mangeaient les nonnes.

La collection de sculptures

La collection présentée parcourt environ un siècle, de 1830 à 1930, de Barye à Maillol. Bourdelle, Rodin et Bartholdi côtoient des noms moins célèbres, dont certains valent le détour, comme le Polonais Biegas, vraiment un artiste singulier. L'essentiel est cependant consacré à l'école lyonnaise, logique ici.

C'est la chapelle du couvent qui a été retenue pour exposer la collection ; un choix heureux qui aère les sculptures.

Frédéric Auguste Bartholdi, La Liberté éclairant le monde, 1875

Je ne sais toujours pas si chacun est informé que la Statue de la Liberté est un cadeau de la France aux États-Unis, œuvre d'un sculpteur français, Bartholdi, également réputé pour la Fontaine des Terreaux ici même ou le Lion de Belfort.

Bartholdi fut aide de camp de Garibaldi pendant la guerre et son amitié avec Gambetta le fortifia dans sa fibre patriotique et son amour de la liberté. Il avait réalisé le portrait du sénateur, juriste et professeur Lefebvre de Laboulaye, celui qui formula le projet d'une statue offerte aux États-Unis. Il l'accompagna même lors du premier voyage pour choisir le site.

Cette version réduite en terre cuite, mais avec une couronne rayonnée en bronze (difficile sans doute à réaliser en terre), date de 1875, soit neuf ans avant l'inauguration officielle. On sait que le projet fut particulièrement difficile à financer.

Jean-Baptiste Carpeaux, Fontaine de Watteau, 1869-1872

Jean-Baptiste Carpeaux, le sculpteur de la Danse sur la façade de l'Opéra Garnier, naquit et fut enterré à Valenciennes, et c'est pour cette ville qu'il réalisa cette fontaine consacrée à un autre célèbre enfant du pays, le peintre Watteau.

Antoine Louis Barye, Lion au serpent, 1832

Barye, né à Paris mais descendant d'une famille d'orfèvres lyonnais, était célèbre pour le réalisme des sculptures d'animaux dans lesquelles il s'était spécialisé. C'était un familier de la ménagerie du Jardin des Plantes où il allait travailler sur le motif.

A côté de moi, un petit garçon se cache derrière sa maman, effrayé par la grosse bête. Le réalisme semble fonctionner !

Lyon, Musée des Beaux-Arts : chapelle

L'église Saint-Pierre, reconstruite au XIIe, fut transformée à plusieurs reprises, comme c'est presque toujours le cas. Le décor actuel est celui des modifications de Degerando, un architecte du XVIIIe siècle. Arcades arrondies, pilastres engagés, on reste bien dans la ligne des nefs modifiées à cette époque (comme Saint Louis en l'Île par exemple).

Lyon, Musée des Beaux-Arts : Alcôve des fonts baptismaux

Une petite alcôve protège les fonts baptismaux. Outre la grille élégante, un relief avec le Baptême dans le Jourdain encadré de palmiers en arcature assure la décoration.

Je n'ai rien trouvé sur ce relief. Les cartels, ici, sont particulièrement chiches, et il m'a fallu fouiller pour produire cet article !

Denis Foyatier, Jeune Fille au chevreau, 1837

Assez oublié aujourd'hui, Foyatier fut une des grandes figures de la sculpture française, début XIXe, dont il illustra les tendances néo-classiques. Ses réalisations les plus connues (un Spartacus au Louvre, un Cincinnatus aux Tuileries)  montrent beaucoup de vigueur, à l'opposé de ce groupe juvénile figuré avec tendresse.

Boleslaw Biegas, La Puissance de la volonté, 1909

C'est au Musée d'Orsay que le nom de Biegas m'a frappé, avec sa sidérante Nostalgie du pauvre. Œuvre tout aussi singulière, cette Puissance de la Volonté me semble d'un brûlant érotisme.

Louis Bertola, La première chasse d'Adonis, 1927

Né près de Novara, Bertola étudia aux Beaux-Arts de Lyon avant d'être naturalisé français et même d'obtenir en 1919 la croix de guerre. Il s'illustra dans des monuments aux morts, celui dédié à Louis Lumière, et un grand nombre de sculptures religieuses. Le voici dans le répertoire antique, avec un Adonis gracile au corps souple.

Louis Prost, La Mort de Narcisse, vers 1906

Encore un artiste lyonnais, devenu professeur aux Beaux-Arts de sa ville natale.

Ovide raconte dans les Métamorphoses que sa mère avait appris à sa naissance qu'il ne devrait jamais voir son reflet. Il repoussa une nymphe et les dieux le punirent en l'assoiffant pour l'obliger à aller boire dans un lac. C'est là qu'il vit son reflet, tomba amoureux de sa propre image (d'où le narcissisme) et resta au même endroit jusqu'à dépérir. La fleur qui poussa après sa mort porta son nom.

Le sculpteur a réalisé un plâtre de belles dimensions, en représentant le jeune homme dans une posture complexe. L'eau me paraît absente, ou bien sa surface s'est détériorée et peine à l'évoquer aujourd'hui.

Marc Leriche, Orphée suppliant Caron, 1912

Encore un enfant du pays, ce Leriche né à Roanne, grand prix de Rome en 1914. Blessé à la guerre, il travailla auprès des chirurgiens de l'armée, mais mourut en 1918 de l'épidémie de grippe. Il montre un Orphée émouvant, suppliant Caron de le laisser monter dans sa barque pour ramener Eurydice des Enfers. A ses pieds gît la lyre utilisée pour charmer Cerbère, le terrible chien gardien.

Antoine Bourdelle, Sainte Barbe, 1916

Décidément, après Kutna Hora, je suis en pleine période Sainte Barbe ! Sans le cartel, jamais je n'aurais ici identifié Bourdelle. Visiblement le sculpteur de Montauban a joué ici la carte de l'exotisme antique, pour rappeler l'origine "barbare" (l'Asie Mineure) de la Sainte. La tour me paraît bien originale, et sans les trois fenêtres habituelles. Et, au fait, existe-t-il d'autres statues polychromes de Bourdelle ?

Jeanne Bardey, Torse de femme, 1913-1929

Les femmes sont peut-être encore plus rares dans la sculpture que dans la peinture ! Hormis l'exemple fameux de Camille Claudel, leur nom est souvent méconnu. Je pense à Marguerite Julie Charpentier, découverte au Louvre...

La Lyonnaise Jeanne Bardey fut la dernière amante de Rodin dont elle avait été l'élève. Artiste prolifique (six cents statues et deux mille peintures, dessins et gravures), elle réalisa pourtant d'extraordinaires visages de fous pris sur le vif à l'asile d'aliénés. C'est avec ces œuvres-là que j'ai vu son nom pour la première fois.

Ici, un torse féminin avec un visage presque androgyne, décidé, mature.

Aristide Maillol, La Montagne, 1937

La Montagne de Maillol, l'artiste de Banyuls, existe en plusieurs versions. Outre celle-ci en pierre, on peut en voir deux au musée de sa ville natale, et la plus connue est sans doute celle en plomb du jardin des Tuileries.

Louis Ernest Barrias, Les premières funérailles, 1878-1883

Ce Parisien réalisa plusieurs statues pour le Palais Garnier avant d'enseigner aux Beaux-Arts où il fut notamment le professeur de Paul Landowski. Ce groupe, exposé au Salon de 1883, lui valut la médaille d'honneur.

Adam et Eve portent le cadavre de leur fils Abel, assassiné par Caïn. Si la Bible développe surtout le châtiment de Caïn, Barrias a préféré retenir l'évocation des sentiments. Douleur noble du père, tendresse de la mère, abandon paisible du fils. Rien de novateur dans ces expressions qui se rattachent à la tradition, mais le groupe n'en a pas moins de la force, et sa composition pyramidale fonctionne bien.

Auguste Rodin, Eve, 1881

L'exposition de 2017 au Grand Palais m'a redonné un peu de familiarité avec l'oeuvre de Rodin, sans doute le sculpteur français le plus réputé dans le monde.

Son Eve semble être saisie, comme un instantané, à la sortie du Paradis avec la honte de la nudité. Tout le corps exprime la même pudeur, et je pense que la jambe fléchie est l'élément déclencheur de cette instabilité et du mouvement.

René de Saint-Marceaux, Première communion, 1893

Un Rémois, cette fois, bien représenté dans sa ville natale, où un boulevard lui est dédié. Sa femme Marguerite est réputée pour avoir été le modèle de Mme Verdurin dans la Recherche du Temps Perdu de Proust. Il s'est illustré dans de nombreuses commandes publiques, pour des monuments (celui de Dumas à Paris) ou des sépultures (celle de Félix Faure).

Ici une sculpture très réussie d'une demoiselle tendue dans sa prière, concentrée, presque extatique, et pourtant juvénile et féminine. Le magnifique marbre utilisé, immaculé, n'est sans doute pas étranger.

Laurent Honoré Marqueste, Persée et la Gorgone, 1875-1890

Un Toulousain, cette fois, encore un sculpteur public : les monuments à Barye, à Waldeck-Rousseau, la statue de l'Art sur la place de l'Hôtel de ville à Paris. Evidemment on voit de belles oeuvres aux Augustins de Toulouse, mais pour ce Persée décidé qui maîtrise une Gorgone rugissante (visage inoubliable, sans doute la meilleure partie de ce groupe) il reçut une médaille au Salon de 1876.

Antoine Bourdelle, Héraklès tuant les oiseaux du lac Stymphale, 1909

Un Bourdelle plus ressemblant à ses sculptures fameuses, ce très puissant Héraklès exécutant un de ses travaux, tirant des flèches pour tuer les oiseaux. Le visage montre un même souci de se démarquer de l'art classique, sans doute pour évoquer l'Antiquité.

Joseph Bernard, Faune dansant, vers 1912

Né à Vienne, en Isère, Bernard étudia aux Beaux-Arts lyonnais avant de "monter à Paris" où il s'installa à la Cité Falguière qui hébergeait une communauté d'artistes, puis à Boulogne où son atelier devint rapidement réputé.

Il travaillait en taille directe et était adulé par Modigliani et Zadkine. Son très beau Faune dansant en bronze montre un personnage abîmé dans sa danse, la tête en arrière, saisi en plein mouvement.

Rik Wouters, La Vierge folle, vers 1910

Une autre danseuse : fasciné par Isadora Duncan, le Belge Wouters fit poser sa femme Nel pour exécuter cette figure aux lignes marquées et au corps expressivement déformé.

Antoine Bourdelle, Marie Vuillaume, 1899

Marie Vuillaume était une artiste lyrique, elle chanta notamment Juliette au Palais Garnier. Etait-elle lyonnaise ? J'ai trouvé une trace de son nom comme "bienfaitrice des  Hospices civils de Lyon" sur le site des Amis du Père-Lachaise. Beau portrait, assez classique, qui renvoie une image affirmée et sûre d'elle.

René de Saint-Marceaux, L'Aurore, 1895

Autre réalisation de Saint-Marceaux, une Aurore mince qui semble s'éveiller. Charmante allégorie.

Auguste Rodin, Henry Becque, 1883

Henri Becque, le fondateur du "théâtre cruel", est connu pour sa pièce Les Corbeaux, un drame grinçant où l'associé d'un entrepreneur et un notaire s'entendent pour dépouiller une famille. Rodin réalisa ce buste en plâtre patiné quand l'auteur était une vraie célébrité, joué à la Comédie Française.

Georges Gardet, Chien danois, 1898

Belle réussite que ce Danois très réaliste, où le sculpteur a utilisé un marbre tacheté pour représenter le pelage. Gardet se spécialisa très tôt dans la sculpture animalière, et il immortalisait les compagnons des particuliers. Plusieurs parcs parisiens présentent des lions, des cerfs qui lui sont dus. La Place de la Nation exposait ses monstres marins, qui furent fondus par les Allemands en 1941.