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jeudi 16 août 2018

Nagasaki : Dejima, Dutch Slope, Chinatown



Début de min séjour à Nagasaki... Je vais faire d'incroyables découvertes sur l'histoire du Japon.



En train, encore

Je me réveille tout d'abord à Kagoshima, après une nuit court e; je parcours à pied le trajet jusqu'à la gare.


J'y retrouve une mise en scène du drama censé illustrer l'histoire du clan Shimadzu.


Encore une fois, je prends place dans le Shinkansen Sakura dont les sièges moelleux, conjugués au manque de sommeil, me font plonger très vite dans une profonde torpeur.


Je change à Shin-Tosu pour emprunter un train ordinaire, le Kamome.


Le paysage présente toujours la même alternance de rizières en en plaine, avec un arrière-plan montagneux et, de l'autre côté, le littoral maritime.



Cette fois, je résiste au sommeil et je commence à écrire quelques cartes postales, les secousses n'améliorant pas ma calligraphie, déjà redoutable !

Nagasaki



Le train atteint Nagasaki à 12:20, comme prévu. J'ai la surprise, en sortant de la gare, d'aboutir dans un magasin de chaussures !

Nagasaki, c'est une grande ville de 450 000 habitants,  mais surtout une des plus réputées de l'île de Kyushu ; je pense que la bombe atomique n'y est pas étrangère. Pour les amateurs d'opéra, on n'oubliera pas que c'est là que se déroule l'action de Madama Butterfly, œuvre dont je ne suis pas vraiment fan !

Traverser la place est un véritable combat : je ne vois que de larges avenues avec une circulation automobile très dense et aucun passage piétonnier. Je finis par trouver une passerelle avec des escaliers, ce qui est toujours compliqué quand on traîne un lourd sac. Je vais m'installer à l'hôtel APA-ekimae (devant la gare en japonais, la même chaîne que celui de Matsuyama) où le réceptionniste efficace accepte gentiment de garder mon sac jusqu'à mon retour.


Déjeuner 


Je ne vais pas chercher un restaurant pendant des heures ; je retourne donc à la gare où se trouve, comme toujours dans les grandes villes, un centre commercial avec sa galerie de restaurants.


Je scrute la série, au cas où l'un d'eux serait moins bondé que les autres, mais c'est peine perdue : devant chacun, s'étire une file d'attente. Le système est  bien rodé ; chacun a apposé un pupitre avec une liste sur laquelle on s'inscrit en attendant d'être appelé. Il s'agit cependant d'un système à la japonaise : même si une table pour deux est déjà libre, il faudra attendre que le groupe de cinq personnes juste au-dessus dans l'ordre soit déjà placé.


Pour 1280 ¥, je goûte à une bière fraîche et légère avec une saveur de genièvre, baptisée On the cloud (Spring Valley Brewery), le bœuf de la région avec du riz et quelques légumes.




J'emprunte la passerelle pour me diriger vers le port.





J'ignore si cette statue rend hommage à une célèbre aveugle avec son chien guide.



Voilà une petite partie du port, qui semble immense, avec une zone industrielle et, au loin, d'énormes paquebots.



Cette promenade me paraît plus touristique. Je n'ai pas vu souvent ce type d'aménagement dans ce pays, où la mer reste tout de même un élément essentiel.


Dejima


Dejima désigne une île artificielle minuscule, réalisée pour contenir le christianisme des Portugais, vingt-cinq marchands relégués dans cette zone (un genre de ghetto apparemment) en forme d'éventail. 15 000 m2 seulement ! Ensuite, on y confina les Hollandais.



C'est un quartier préservé, unique au Japon, accessible avec le billet de 510 ¥.


Il me faut faire un petit rappel historique. Les Hollandais installés dans la région avaient créé un comptoir commercial à Hirado, qui fut ensuite déplacé à Dejima. La fameuse Compagnie des Indes Orientales !


En 1641, le shogunat Tokugawa installa une politique isolationniste : tous les étrangers du Japon furent expulsés. Uniquement l'île de Dejima fut préservée et demeura ainsi la seule porte ouverte du Japon sur le monde pendant deux siècles.


Les dix-sept bâtiments ont été soigneusement restaurés et sont aménagés comme de petits musées. Certains montrent  une reconstitution de l'intérieur et d'autres une exposition thématique (les méthodes de construction, les techniques, l'histoire, etc). Mes photos ne suivent pas l'ordre de la visite, je les ai réorganisées pour la clarté de mon propos.


L'île était ceinturée d'un mur. Étroitement contrôlée.

La rue, presque unique, alignait des édifices en bois sauf l'un d'entre eux. L'entrepôt occupait la partie basse et on habitait l'étage. Répartition courante, partout, à toute époque.

Bâtiments historiques 

La maison du capitaine 



La première après la porte ouest était réservée au capitaine du navire qui accostait une fois par an, au mois de juillet.


Au rez-de-chaussée, on entreposait donc les marchandises. Je verrai que de nombreux produits transitaient par là mais les principaux quant au volume étaient le sucre pour l'importation et le cuivre pour l'exportation.


C'est une surprise de découvrir ce mariage entre Japon (tatamis, fusuma) et Pays-Bas (mobilier, objets).



La moustiquaire était de rigueur. Je ne sais si ces insectes ont été éradiqués mais je n'en ai jamais vu dans mes voyages au Japon.


La chambre des domestiques me stupéfie par sa taille. Quelle différence avec l'équivalent dans la maison de Tolstoï (où ils étaient pourtant bien traités) et, a fortiori, dans la Van Cortlandt House (où ils étaient tenus en esclavage) !






Les murs d'un des bâtiments sont tapissés de papier peint. Je pense tout d'abord à une importation hollandaise.


Je découvrirai plus loin qu'il était imprimé au tampon, au Japon.


La charpente est un croisement entre les deux influences : formes et principe hollandais, techniques japonaises.


Des jardins potagers occupaient tout l'espace libre sur les côtés, vraiment pas très large. On pouvait vivre dans une relative autarcie.


Si la hauteur demeure égale tout au long de la rue, les bâtiments varient par des détails bien peu japonais : des balustrades,  des fenêtres, et surtout de la couleur.








Le cuivre était mis en petites caisses. Je présume que l'intérêt de cette exportation est la justification essentielle pour avoir gardé cette microscopique porte ouverte.



Un minuscule groupe de maisons est construit dans la rue parallèle, où je rencontre des japonaises déguisées en kimono (ce que je n'ai plus remarqué depuis plusieurs jours) .


La cuisine reconstituée doit tout aux Pays-Bas, à commencer par la table, impensable dans un pays où l'on vit à ras de tatami.


Les gardes hollandais étaient stationnés en retrait de la porte. Je ne  peux juger de la fidélité de cette reconstitution, mais le relatif luxe de cet intérieur ne me semble guère coller avec les casernes de cette époque que j'ai déjà visitées.


Seulement deux édifices en pierre, qui détonneraient presque dans cette rue. Celui-ci, construit à la fin de l'ère d'Edo, abritait les locaux de la Compagnie de Prusse.

Les maisons Meiji



Encore plus sidérant, ceux-ci qui semblent déplacés depuis l'Amérique coloniale ! Datant de l'ère Meiji, ils possèdent un élément rare : des volets. Mais si on regarde bien, ici ils coulissent au lieu de pivoter.






Celui-ci ressemble à une église, et on n'est pas loin. Bâti en 1878, c'est le plus ancien séminaire protestant du Japon. Et, cette fois-ci, les volets pivotent.



On construisit en 1903 une sorte de club pour favoriser les échanges entre Japonais et résidents occidentaux. Le fameux billard demeurait une pièce maîtresse.


Ce lieu sélect était très prisé et les membres du club formaient une véritable coterie.



La liste des premiers membres est demeurée en place sur le manteau de la cheminée.

L'exposition 



Le déclin de la puissance maritime espagnole et surtout portugaise (les Lusitaniens étaient bien implantés dans cette partie du monde) laissa la voie libre à d'autres puissances. Grande-Bretagne et Pays-Bas se disputaient le morceau, mais c'est l'influente Compagnie des Indes hollandaise qui parvint à l'emporter.


Les Hollandais avaient déjà établi une vraie ville à Batavia (avant-dernière photo) et s'étaient rendus maîtres du stratégique Détroit de Malacca (ci-dessus).


Je suis toujours ébaubi qu'un si petit pays, aux prises avec la mer pour réaliser ses polders, ait réussi à fonder une marine assez puissante pour régner sur une partie du monde.



Import-export


Les Hollandais, c'étaient les rois du commerce. On fabrique peu mais on vend beaucoup.


Maîtres exclusifs de l'import-export en terre nippone, quel poste rêvé ! Peu importe qu'il ait été minuscule, puisque c'était le seul.
Le cuivre japonais servait en Asie et en Europe pour les armes et la monnaie.




Les céramiques de la région, d'Inari et d'Arita, faisaient fureur dans les cours européennes.


Le camphre était apprécié pour ses qualités insecticides.


Les ballots de paille évitaient la casse.


On fabriquait ici, à la demande, des objets inconnus comme les soupières. Le Japon était un pays de bol, comme la majeure partie de l'Asie et ne connaissait pas la table.






Les laques se vendaient à prix d'or. Toutes les cours européennes en faisaient collection.


De l'autre côté, on importait des articles qui prenaient un parfum de rareté et d'exotisme. Les Nippons ne buvaient pas de gin mais en collectionnaient les bouteilles.


La laine et le velours, du jamais vu ! Pas de moutons ici.


Grâce aux jardins sur l'île, et malgré leur taille, entrèrent ici quantité de végétaux. La pomme de terre, par exemple.


L'île évoquait un zoo. Outre les animaux amenés pour la nourriture (vaches, poules), les Hollandais débarquèrent aussi avec le premier éléphant !


Importation de sciences et de techniques. Premier médecin, premier botaniste, tous à l'origine des écoles japonaises.





Techniques novatrices : première lanterne magique.


Première horloge !


Première arme à feu au pays du sabre et du katana !


Premier verre  dans l'archipel de la porcelaine !


Importation de divertissements qui allaient lancer des modes : le billard... C'est demeuré vivace dans un certain nombre de pays d'Asie. J'ai un souvenir très précis de ces billards en plein air au Tibet, où j'ai même vu des moines les utiliser.

Il y a une dizaine d'années, à New Tingri, au Tibet.


Autre sport d'importation, le badminton. Le matériel a évolué depuis.


Le sigle de la Compagnie des Indes se retrouvait partout, même sur les canons.


Un dîner à Dejima ? L'expérience de sa vie.


Les Hollandais importaient même des produits asiatiques, à l'instar de ces cotonnades indiennes, réclamées pour envelopper les cadeaux.


Mais parallèlement, ils faisaient reproduire mécaniquement en Europe les précieuses réalisations japonaises.


Ou comment on passe de l'artisanat à l'industrie.


 J'ai appris énormément de cette visite passionnante. Toujours le même leitmotiv : on ne progresse qu'en s'ouvrant à l'étranger. Si on est persuadé qu'on est le meilleur et qu'on se coupe du monde, on rate le train.
 L'autarcie, le repli sur soi, ça ne mène qu'à l'affaiblissement du pays.

Dutch Slope



Tiens, un système différent ! Ici la durée de l'attente au feu est indiquée par des barres !



Cette pente des Hollandais désigne un quartier aménagé pendant l’Ère Meiji pour accueillir les étrangers de plus en plus nombreux, et regroupés à Nagasaki. Depuis l'histoire de la rébellion, Kagoshima était devenue bien trop dangereuse.


Donc voici un quartier bien en pente (à Nagasaki, on grimpe et on dévale toute la journée) où on peut admirer de grandes bâtisses de style européen.





Je redescends de l'autre côté. Ce quartier bien moins fameux, moins entretenu, m'a séduit avec ses venelles étroites et sa végétation par petites touches.






Chinatown (Shinchi) 



Les Chinois s'étaient installés bien avant l'arrivée des Hollandais et cet quartier sinisé demeurait un des plus dynamiques sur l'archipel. D'ailleurs, ils étaient si bien assimilés qu'ils ne furent pas considérés comme des étrangers à expulser.


Quelques temples demeurent.



C'est finalement assez facile de les différencier de leurs homologues japonais.



Façade différente avec plus de couleur.


Intérieur de même, sans les grandes statues que l'on voit d'ordinaire.



Ce petit édifice ressemble à un temple, mais il servait de maison de réunion publique.


A côté, une école arbore une représentation de la fête du dragon, sans doute pour le Nouvel An Chinois.






La profusion caractérise ce type de boutiques. Bon, c'est l'heure où tout le monde mange, je me trouve dans une rue bourrée de restaurants (alors que je n'en ai plus vu depuis le port), autant en profiter.

Dîner chinois


Et, à y être, autant tester une spécialité locale : le chanpon.

Le principe est celui des ramen, mais avec un bouillon opaque, des pâtes plus épaisses, façon spaghetti, et la garniture se compose de poulpes, tentacules de pieuvre, crevettes, germes de soja et oignons. Les languettes roses et blanches, plutôt insipides, eh bien...  Je sèche.
Mais c'est délicieux ! J'essaierai de le refaire.


Une succulente gourmandise, les boulettes au sésame, qui s'apparentent aux friandises japonaises avec leur cœur de haricots.



Un shotengai ! Je n'en ai pas vu à Kagoshima. Ça me manquait !



Cet ancien établissement chinois, à l'origine un restaurant de nouilles, serait l'inventeur du chanpon.


Bon, j'ai du travail à faire et du sommeil à rattraper, je rentre.


La chambre est décorée selon les standards de la chaîne. Leur literie est merveilleusement confortable, à la fois ferme et moelleuse !



Selfie du jour ! 

10 commentaires:

  1. Tous les soirs, je m'évade au Japon. Tout est expliqué, illustré, commenté. Merci. Bises. Mjo

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    1. Merci pour ton affectueuse fidélité ! Je suis trop honoré par de tels compliments !
      Gros bisous

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  2. This is incredible. I knew Nagasaki as the second town of the bomb, but this tiny island with dutch people should be more famous.
    Thanks. It is very clearly explained and your post is a great help to understand everything.
    Huge congrats.
    Annie

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    1. Thank you so much Annie!
      I visit the museum of the bomb today.

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  3. Passionnant! C'est fou ce qu'on apprend avec ton blog comme choses essentielles qu'on ignorait ! Je me régale à te suivre tous les jours.
    Françoise

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    1. Merci Françoise pour ce commentaire élogieux ! C'est le but recherché,partager les découvertes.

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  4. Nagasaki, pour moi, est une suite de surprises. Les japonais sont stupéfiants, ils s’imprègnent des façons de vivre des étrangers sans oublier les leurs. Quelle chance d’être guidée dans cette multitude de facettes du Japon.
    Une fois de plus, le blog est une découverte permanente qui épate ma curiosité.
    Grand merci. Bisous. Mam

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    1. Nagasaki fut effectivement pour moi une grande découverte ! Merci pour ce commentaire détaillé et affectueux. Bisous

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  5. Passionnant et très riche article qui nous permet de visiter un site aussi intéressant que méconnu. Grâce à votre plume alerte, j'ai voyagé en votre compagnie.

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    1. Merci beaucoup Jeanne, je suis très sensible à vos compliments.

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