Au Toyoko-inn de Kagoshima, le petit déjeuner est fourni. Je descends voir leurs propositions. Il ne reste pas grand chose et tout est salé. Autant les versions britannique et germanique du petit déjeuner ne me posent aucun problème, autant j'ai encore du mal avec la japonaise.
Je me contente de petites portions, pour tout goûter. La salade de chou râpé et les harusame, les nouilles à base de soja, c'est encore la meilleure part du plateau. Mais le poisson fumé du matin, ce n'est toujours pas mon truc.
…
C'est décidé.
Demain matin, je déjeunerai dans ma chambre !
Dans le Tamatebako
Réservation obligatoire pour ce train touristique, très célèbre ici. Trois voitures seulement. J'ai pu la faire en début de voyage ; cependant je n'ai pas pu obtenir un siège côté fenêtre. Tant pis, je me lèverai pour faire quelques photos.
Le Tamatebako est une reproduction de train des années 1950, avec son intérieur en bois. Les sièges sont orientés pour profiter du paysage.
La vue est souvent bouchée par des maisons un peu trop élevées, des arbres qui semblent placés tout exprès pour obstruer la visibilité ; mais lorsqu'on peut en profiter, le panorama sur la baie de Satsuma en bouche un coin.
La mer se pare d'un bleu de carte postale.
Ibusuki
A la gare, le comité d'accueil agite des drapeaux.
Oh, un ashiyu, un bain de pieds public ! Comme à Kannawa.
Comment résister ?
Ibusuki a un air de bourg assoupi. C'est vrai qu'il fait encore une chaleur de four à pain, mais tout de même, je ne vois pas un chat dans les rues.
Dans les stations-service, on s'active pour débarrasser les automobiles de leur couche de cendres.
Je descends jusqu'à la promenade littorale. Avec la chaîne volcanique au fond, une mer étale, la vue correspond bien à la brochure touristique.
Bain de sable
Mon intérêt pour le Japon a été éveillé dans mon adolescence par une séance de Connaissance du Monde, cette série de films présentés par le voyageur en personne. Yves Mahuzier, membre d'une grande famille de voyageurs, y montrait notamment ces bains de sable où on enterre les gens sur la plage. Un vieux rêve, donc.
Si je suis venu à Ibusuki, c'est pour tester cette pratique peu courante, le suna mushi onsen. On assure que cela fait un bien fou. Mais je suis partagé, comme devant toute expérience vraiment nouvelle, entre la curiosité et la crainte. Du sable à 55°C ! Moi qui passe mes journées à transpirer !
Je me suis décidé pour un compromis. Je me fais ensevelir, et si je ne supporte pas, j'abandonne sans tentative d'héroïsme.
Je pénètre donc dans l'établissement, le Saraku Kaikan, paie les 1200 ¥, et ensuite ça se passe comme dans un sento ou un onsen. Salle pour se changer, yukata, etc.
Tout le monde arbore le même yukata. Une secte sur la plage.
Moi aussi. On me voit un peu tendu avant le grand saut.
Heureusement, l'opération se déroule sous un abri. On ne cuit que par dessous, mais tout de même à l'étouffée.
On me fait m'allonger sur le sable, et deux fossoyeurs ont tôt fait de m'ensevelir en quelques coups de pelle.
La première impression est terrible : je sens un énorme poids sur la poitrine, j'ai le sentiment de ne pas respirer ! Puis je perçois une chaleur de plus en plus importante envahir tout mon corps. Au secours, je vais cuire !
Ensuite des sensations étranges apparaissent ; je sens très nettement le sang circuler partout dans mes membres, notamment au niveau des articulations. La compression exercée par le sable lourd n'y est sans doute pas étrangère.
Peu à peu, un bien-être intense me gagne.
Je suis dans un cocon bienfaisant, c'est merveilleux. Je vois les gens se lever autour de moi au bout de dix minutes, comment peuvent-ils abandonner cette couche euphorisante ? Je m'extrais, à regret, au bout de trois quarts d'heure, avec une profonde impression de résurrection. Et encore, c'est pour respecter mon programme. Le yukata est trempé de haut en bas et je ne m'en suis même pas rendu compte. Mais quelle soif !
Étape suivante, la douche pour se débarrasser du sable (mains, pieds) et de la sueur, puis une séance toujours fort agréable dans l'onsen de l'établissement.
J'avais adoré l'enveloppement de boue chaude en Roumanie, mais ceci est encore mieux ! D'ailleurs, ce soir, en saisissant l'article, je ressens toujours les bienfaits.
Cette partie de la ville est un peu plus riante. Mais peu d'offres pour se mettre quelque chose sous la dent.
Maison pas très gracieuse, mais le jardin de pots fait le maximum.
Quelques boutiques semblent hors d'âge.
Pourtant on y trouve les agrumes originaux de la région. Beaucoup de natsumikan, en particulier.
Déjeuner
Finalement un troquet spécialiste des ramen va me sauver. Son truc, c'est les tonkatsu ramen : pâtes dans du bouillon comme d'hab, mais au miso blanc. Des oignons, germes de soja, pousses de bambou. Et, beaucoup plus original, du porc kurobuta grillé et un zeste d'orange (ou un agrume approchant). Délicieux et rafraîchissant.
Les tsukemono, cette fois : un gombo en morceaux. Encore une première pour moi !
Un premier bus
En attendant le bus, je suis gratifié d'une chorégraphie peu banale !
Le véhicule n'est pas de première jeunesse et, dans cet itinéraire qui escalade les hauteurs, il souffre beaucoup. Pourtant, il n'est pas bondé. Je suis le seul passager sur presque tout le parcours, hormis une mamie qui y grimpera à deux arrêts de ma destination.
Enfin d'autres champs que les rizières et les étangs de lotus ! Mais quant à savoir ce qu'on cultive ici, mystère. Quelqu'un aurait-il une idée ?
Bientôt ce sont les champs de thé qui apparaissent. C'est une des célèbres régions pour la production d'un cru exceptionnel. J'en reparlerai.
Un peu plus d'une heure de trajet, 980 ¥ pour cette première partie.
Chiran
Cette agglomération, de taille comparable à la précédente, me plaît tout de suite. Partout des podocarpus, un arbre que j'aime beaucoup, et très soigneusement taillés.
La ville me semble très coquette, méticuleusement entretenue.
Les résidences des samouraïs
A l' époque féodale, chaque fief était divisé en tojo (unité administrative d'espace), une centaine pour cette région de Satsuma. Chacun était organisé autour de la résidence principale, avec des quartiers pour les samouraïs ordinaires. Chiran était l'un de ces tojo.
A ma connaissance, c'est le seul entièrement maintenu de tout le Japon, et il date du XVIIIe siècle. Rien à voir avec la demeure de Matsuyama une reconstitution, ni avec la maison isolée de Kanazawa, puisqu'ici c'est le quartier tout entier qui a été préservé.
La porte de chaque résidence, semblable au modèle répandu, ouvre sur le jardin.
Les champs de thé s'étendent jusqu'au pied des maisons.
La villa de Saigo Kechiichiro présente une cascade évoquée par des rochers, et la vague du podocarpus représente une montagne en arrière-plan.
L'entrée est souvent un labyrinthe parmi les haies de podocarpus.
Un selfie de plus, le quatrième de la journée ! Mais oui, je compte celui des pieds !
Cette ligne ondulante dans le jardin de Hirayama Ryoichi mêle podocarpus, bien sûr, et azalées. Au moment de leur floraison, ce doit être une splendeur.
La famille Sata, apparentée aux dirigeants, le puissant clan Shimadzu de Kagoshima, grandit en puissance, au point d'être autorisée à en utiliser le prestigieux patronyme.
Le jardin de Sata Tamiko représente un paysage aquatique avec rochers et pont, le tout suggéré par les végétaux taillés.
Petit kiosque public pour se reposer dans le quartier.
Quel travail de topiaire, tout de même !
Le toit de chaume, comme à Matsuyama, employait les matériaux locaux présents en abondance.
L'intérieur n'a pas beaucoup évolué durant des siècles : une pièce cuisine, une pièce noble pour tout le reste.
Le foyer est toujours à même le sol, à ras des tatamis. Gare à l'escarbille !
Mais quels sont ces fruits oblongs ? Des coings ?
Seulement sept des résidences se visitent. Toutes les autres sont habitées. Je risque un œil pour photographier le jardin de pots !
Sata Naotada, un autre membre de cette famille conquérante, fit créer un jardin chinois. Je ne suis pas assez compétent pour vraiment identifier la différence.
Un édifice ouvert expose une version presque totalement vide. J'ai l'impression que c'est assez fidèle. Tout se range dans les armoires, il n'y a rien qui traîne.
La dernière demeure fut construite sur l'ordre de Mori Shihemitsu, un vassal des Shimadzu.
C'est le seul à comporter une pièce d'eau.
De loin, cela m'a fait penser à des orchidées ! En fait, l'aspect bicolore est dû aux fleurs fanées et épanouies.
Plutôt que revenir sur mes pas, je poursuis vers la rivière.
Un pont et quelques souvenirs de constructions s'intègrent bien au paysage naturel.
Quel effet avec le ciel de plus en plus menaçant !
Fermé, le petit musée anglo-japonais. De toute façon, je n'avais pas le temps de le visiter, pas plus que celui de la paix, consacré aux aviateurs kamikazes.
???
Je ne sais pas de quoi il s'agit. Une plante curieuse. Il ne s'agit apparemment pas de fleurs, mais de feuilles qui changent de couleur au sommet de la tige. On le voit plus nettement sur celle qui se trouve tout en bas de ma photo, au centre.
Un ruisseau a été aménagé le long de cette rue principale.
Les carpes y guettent le passant nourrisseur.
Thé à Chiran
On l'a vu, le thé est l'essentielle production de cette zone montagneuse. On cultive surtout pour obtenir le fukamushicha, un thé rarissime connu pour sa quantité d'oligo-éléments, son absence d'amertume et son astringence modérée. Le champagne des thés verts, dit-on. Un régal pour ceux qui ont la chance de le goûter. J'ai lu des pages très enthousiastes sur ce cru exceptionnel que je n'ai jamais goûté.
A défaut de pouvoir visiter une entreprise (c'est de ma faute), on m'a arrangé une dégustation dans un des nombreux commerces spécialisés de la ville.
Je découvre que leur particularité de ces fukamushicha, c'est déjà leur couleur. Le goût varie aussi, comme dans les jardins du Darjeeling, en fonction de l'exposition, de la parcelle. C'est très comparable au vin, finalement.
Le thé est absolument incroyable de douceur, de longueur en bouche. Des arômes d'une complexité peu courante. Je pense à ce qu'on appelle les fleurs blanches dans le vin, à la fraise, au citron peut-être, et à une suavité qui m'évoque le caramel. Extraordinaire.
On m'en fait goûter un qui a macéré une heure, sans aucune amertume. Ce qui se produit immanquablement avec les sencha, le thé le plus courant.
Je redoute de manquer mon bus, surtout que je dois changer d'arrêt. Je voudrais être assuré de la bonne direction. Il n'y a qu'à demander, et une dame accorte sort de son magasin pour m'accompagner à l'arrêt.
L'arrêt de bus, bien dans le style de la ville !
C'est à regret que je quitte Chiran qui m'a énormément plu et m'a fait l'effet d'une ville où il fait bon vivre. Les restaurants que j'ai vus ont l'air de servir une excellente cuisine. Il me faudra revenir à Chiran !
Retour à Kagoshima
La dernière partie du trajet me fait assister au coucher de soleil avec le volcan Sakurajima en fond. Grâce aux nuages, le contraste met en valeur le panache de fumée qui s'en échappe. Hélas, toujours dirigé vers Kagoshima !
En arrivant à la gare, j'ai la surprise de découvrir la pluie, la première depuis le début de mon voyage. Et tant mieux, l'histoire de la pluie de cendres est bien plus supportable.
Dîner chez Doria
Depuis peu, au Japon, on produit du fromage. Pas encore de spécialités, on se contente de reproduire les modèles européens, gorgonzola, camembert ou cheddar.
Mais je n'ai encore jamais goûté de fromage japonais ! Hier, j'ai repéré ce restaurant qui met à l'honneur ces aliments originaux dans sa cuisine. Je choisis le set, et commence par une soupe à l'oignon.
Pâtes à la mozzarella, tomates fraîches, parmesan. Ce dernier rappellerait plutôt la grana, bien jeune.
En dessert, cette spécialité japonaise qu'est le parfait, servi avec des corn flakes (si, si) et des morceaux de génoise imbibés d'alcool.
Ici, crème chantilly locale, crème de marrons, et une glace au parfum... Je connais ce goût ! Je m'informe. C'est ma première glace à la bière brune !
1280 ¥ pour tout cela, autour de 10 €.
Quand je sors, la pluie s'est mélangée à une belle quantité de cendres et on croirait qu'il pleut des mottes de terre (et je n'écris pas la première pensée qui m'est venue, beaucoup plus triviale). Très désagréable.
Incredible! I can't believe it! Both pictures of you as buried are... Just wowwwww!
RépondreSupprimerI loved the samurai gardens, so inspiring.
Annie
Unbelievable but true!! This travel is full of exciting new experiments.
SupprimerThanks for your review, dear Annie !
Ce bain de sable, ça ne peut faire que du bien ! Chaleur + enveloppement + minéraux = tout ce qu'il faut pour réparer le corps, notamment articulations, système digestif, circulation sanguine. Il faudrait y faire une cure. C'est sans doute ce qu'il existe de mieux dans le genre. C'est dommage, c'est un peu loin pour que je le recommande à mes patients.
RépondreSupprimerBises
Michèle
Je le déplore aussi ! Mais je confirme, on peut voir immédiatement une amélioration.je pense qu'il faudrait réitérer l'opération pour que ce soit durable !
SupprimerVraiment une journee au top ! Je suis pas sure qud l enterrement me plairait tant que ca
RépondreSupprimerVotre aricle est tres bien et on a l impression d etre a vos cotes
Maryline
C'est très gentil à vous ! C'est le genre d'expérience qu'il faut tester pour vraiment connaître sa réaction. Et persévérer après les premiers instants !
SupprimerQuelle riche et passionnante journée ! La ville de Chiran semble magnifique.
RépondreSupprimerBruno
Effectivement ce fut un coup de 💖 !
SupprimerGreat day with unbelievable experiences! Captivating podt with amazing pics.
RépondreSupprimerRuth
Thank you Ruth ! It is a pleasure to read your reviews again. Welcome to the new skin of my blog !
SupprimerExtraordinary burial into the sand and fantastic samurai gardens! One of the best posts about Japan!
RépondreSupprimerGeert, Capetown, South Africa
I am very proud to receive such a nice message from South Africa!
SupprimerThank you Geert.
Extraordinaire article, bravo de tenter toutes ces expériences. Merci pour ce magnifique blog.
RépondreSupprimerIdrissa de Yaoundé
Merci à vous, Idrissa, pour ce très gentil message. Bienvenue à vous et à tous les lecteurs du Cameroun !
SupprimerStunning ! Absolutely stunning ! Incredible !!!
RépondreSupprimerMalvina
Thank you Malvina for your enthusiastic message!
SupprimerPassionnant concentré d'expériences diverses, avec des photos sensationnelles ! Magnifique article.
RépondreSupprimerAnne
Merci Anne, vos compliments pleins de gentillesse me font très plaisir !
SupprimerA great travel post ! Wonderful report about true Japan ! Absolutely amazing !!!!!
RépondreSupprimerAAA+++
Soonja
Thank you, Soonja, for your enthusiastic comment!
SupprimerЭтот день путешествия захватывающий.
RépondreSupprimerСпасибо, владимир!
SupprimerMerveilleuses découvertes. Ah, ce fascinant Japon ! Merci, ces photos m'ont rappelé des souvenirs. Il faudra que j'y retourne, essayer ce bain de sable. À vous d'aller plonger dans d'autres bains de sable au Maroc, à Merzougha, grand sud ! Bon voyage !
RépondreSupprimerJe vous le souhaite ! Pour le moment, je reporte encore une fois mon séjour prévu.
SupprimerJ'ai voyagé au Maroc bien avant le début du blog. Quels souvenirs !
Merci pour votre chaleureux message.
Sage précaution en cette période de covid19. Obligés à ouvrir les yeux sur nos régions. Un bain d'eau bien fraîche dans la Semois réveillera nos articulations engourdies. (Mais, aucune ressemblance avec l'environnement, le style japonais, sauf,peut-être les truites?)
RépondreSupprimerLa Semois, je me suis baladé sur ses berges, mais je n'y ai jamais piqué de tête. Bien trop fraîche pour moi ! Je suis plutôt frileux question bain...
RépondreSupprimerPassionnant blog de voyage, et je ne suis qu'au début de la découverte !
RépondreSupprimerDomitille
Bonne lecture, Domitille, et un grand merci pour cet aimable commentaire !
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