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jeudi 26 juillet 2018

Festival d'Aix : Ognenny Angel (L'Ange de Feu)




Jadis invisible, cet opéra qui mêle deux opposés, le profane et le sacré, le mystique et l'érotique, est devenu plus courant sur les scènes.

Je l'ai découvert en 1986 à l'Opéra Garnier, qui l'avait courageusement programmé avec Livia Budai et Franz Grundheber,  (et l'extraordinaire sorcière de Viorica Cortez), puis dans les premières années de l'Opéra Bastille où Marylin  Zschau côtoyait Philippe Rouillon dans une production d'Andrei Serban dirigée par Lawrence Foster. Ensuite ce fut une tournée du Mariinsky avec l'intense Larisa Gogolevskaya, puis Londres avec Tatiana Smirnova, Berlin…



Depuis, j'ai vu davantage d'opéras de Prokofiev qui ne laissent jamais indifférent. Il me manque toujours le dernier, L'Histoire d'un homme véritable, mais je ne l'ai jamais vu programmé. Et, pour Semyon Kotko, je n'ai assisté qu'à une version de concert.

En tout cas, c'est une bonne idée de programmation du Festival d'Aix, qui s'inscrit dans une ligne directive tracée depuis quelques années. On pourrait y programmer le court Maddalena, en dyptique avec une autre pièce brève... Il faut qu'un metteur en scène s'y intéresse !

La production de Mariusz Treliński



Cette coproduction avec l'Opéra de Varsovie a permis au metteur en scène polonais Mariusz Treliński de créer un spectaculaire dispositif scénique (dû à Boris Kudlička). Le choix d'ancrer le récit dans notre époque contextualise différemment le propos. Jakob Glock devient un dealer de substances hautement stupéfiante, le couvent se mue en pensionnat de jeunes filles.

Rien à redire à une direction d'acteurs très attentive, mais le soin pris à évacuer, ou du moins à métamorphoser le religieux, me semble nous priver d'une dimension essentielle de l’œuvre. Des nonnes possédées et des demoiselles qui chahutent dans leur dortoir, ce sont tout de même des éléments bien différents. Et était-il bien nécessaire que Renata se suicide pour réapparaître au dernier acte ? Fantôme ? Rétrospection ?

A y être, s'il fallait chercher une référence cinématographique, ce que le spectacle semble évoquer, j'aurais préféré que ce soit L'Exorciste que le film noir et bien glauque.

Malgré ces réserves, je dois avouer que cela "fonctionne", et que la production se déroule sans temps mort. On est sans cesse happé, et surtout parce que les images qu'on nous donne à voir restent d'une grande force.


La distribution



Kasushi Ono a souvent été accueilli à Aix pour ce répertoire du XXe siècle. Après avoir dirigé cet Ognenny Angel à l'Opéra de Lyon, avec la même Renata, il en exalte toutes les beautés, fait ressortir les audacieuses chatoyances des couleurs. L'Orchestre de Paris le suit brillamment, en montrant l'exceptionnelle qualité de ses solistes.


Sans doute venus avec la production, quelques chanteurs polonais à découvrir ; Pavlo Tolstoy grinçant en Jakob Glock et médecin, Łukasz Goliński qui différencie chacune de ses trois incarnations, les timbres séduisants de Bożena Bujnicka et de Maria Stasiak en religieuses.
Deux riches voix graves comme les pays de l'Est semblent en être remplis, Agnieszka Rehlis en Voyante et Mère supérieure, Bernadetta Grabias en Patronne de l'auberge.

Krzysztof Bączyk, lui, est un habitué. Je l'ai entendu six ou sept fois, ici même dans Alcina, et plus récemment en Charles Quint du Don Carlos parisien. Toujours très marquant, avec une voix sonore dont la plénitude surprend pour un artiste aussi jeune.

Comme à chaque fois que je l'ai entendu (et pas loin de vingt fois !), Andreï Popov se distingue par une voix percutante et une caractérisation très affirmée. Il renouvelle la puissance de ses incarnations du scribe de Khovantchina et de Grichka Kutierma de Kitege.



Très engagé scéniquement, Scott Hendricks façonne un personnage banal, simple voyageur dans un hôtel aux prises avec une aventure qui dépasse l'entendement. La composition s'avère extrêmement soignée et le chanteur méticuleux. Je regretterai seulement une voix un peu en retrait, ce soir.


Il faut dire que l'incroyable performance d'Aušrinė Stundytė, increvable Renata, attire toute l'attention. Elle se dépense sans compter dans un rôle éreintant, quasiment toujours en scène. Exceptionnelle actrice, qui rend crédible la notion même de possession, voix étendue qui lui permet de chanter sans tricher une partition impossible... Que demander de plus ? J'attends avec impatience sa Lady Macbeth de Mzensk de l'Opéra Bastille, sans doute un grand rendez-vous de plus.

Pavlo Tolstoy

En dépit de quelques réserves, une vraie grande soirée qui laisse un souvenir ébloui. Culturebox permet de voir ce spectacle actuellement, il faut en profiter !

Andreï Popov

Krzysztof Bączyk

avec Kazushi Ono

Bernadetta Grabias et Agnieszka Rehlis

Maria Stasiak
Bożena Bujnicka

Ausrine Stundyte

4 commentaires:

  1. Unknown opera, but it was a powerful show for sure.
    Thanks for your great review!
    Annie

    RépondreSupprimer
  2. Passionnant article! Bravo.
    Michèle

    RépondreSupprimer

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