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vendredi 27 juillet 2018

Festival d'Aix : Dido and Æneas (Didon et Enée)



Un nouveau contexte



Dido and Æneas, cette splendeur de l'opéra du XVIIe siècle, est bien courte pour assurer toute une soirée d'opéra. On a demandé à Maylis de Kerangal d'écrire un prologue parlé, simplement accompagné par quelques notes de guitare, dans lequel Didon prend la parole. Elle y déroule sa biographie tumultueuse, explique comment elle a dû manoeuvrer, batailler pour parvenir à ses fins. Un personnage pas très sympathique, alors qu'on est généralement porté à la compassion envers la pauvre amoureuse délaissée (et le sublime lamento de Purcell nous y aide beaucoup).


 

La mise en scène, nourrie de références savantes, allie érudition sur l'Antiquité à un contexte moderne. Le sort de ces malheureux voyageurs en Méditerranée renvoie à une actualité récente, mais le bateau qui descend des cintres me paraît un hommage à l'antique.

Le décor évoque cette dualité, un mur sur rails qui se disloque, recrée l'espace, en mêlant rambardes rouillées et fragments de colonnes.

On a beaucoup raillé ce mur qui mange l'espace. Je trouve que c'est une bonne idée de mise en scène, tout d'abord qui crée une autre structure tridimensionnelle (et on sait qu'à l'Archevêché, c'est une gageure), mais surtout qui accule les personnages sans leur laisser de choix.


L'interprétation ?



Raphaël Pichon a laissé son Ensemble Pygmalion dans les mains de Vaclav Luks, le chef tchèque dont j'avais beaucoup aimé le concert de la Saint-Sylvestre à Prague. Sans doute Pichon aurait-il proposé une autre perspective, mais Luks est très attentif à la fluidité, à la liquidité de cette musique quand on souligne en général plutôt les ruptures. Le très riche continuo (clavecin, orgue, harpe, théorbes, viole de gambe, violoncelle et contrebasse) apporte bien des plaisirs à l'oreille.


Je dois avouer n'avoir guère été convaincu par Rokia Traoré. Sans doute sa diction inanimée voudrait donner l'image d'une femme fatiguée, désabusée, mais je n'ai pas été plus séduit par la voix chantée qui ne m'a pas paru particulièrement agréable.


Les deux Witches, les Sorcières, sont assurées par Fleur Barron et Majdouline Zerari, avec aplomb et belles couleurs. Lucile Richardot est une Sorceress  de haut vol. Cette merveilleuse chanteuse transforme tout ce qu'elle touche en or, et je lui dois les plus grands moments musicaux de la soirée. Peter Kirk compose un Sailor, le marin, gouailleur mais Rachel Redmond pourrait montrer davantage de présence vocale au-delà d'un joli timbre.


Ce soir, je suis un peu déçu par la Belinda de Sophia Burgos et plus encore par l'Æneas de Tobias Greenhalgh, qui peinent à projeter leur voix. C'est la dernière représentation de la série, peut-être la fatigue cumulée à la chaleur de ses derniers jours les a-t-elle particulièrement éprouvés.


Anaïk Morel a littéralement sauté dans les représentations. Elle a révisé en catastrophe une partition qu'elle n'avait plus travaillée depuis ses études et s'est retrouvée projetée sur scène à partir de la deuxième.


Je suis certain que davantage de temps, un suivi des répétitions et un travail approfondi avec l'équipe lui auraient permis une réussite plus totale dans ce rôle. Si elle le reprend, elle chantera sans doute le lamento avec moins de prudence.

Outre la performance de ce remplacement soudain, on ne peut que la féliciter pour la ligne de chant soignée dont elle fait preuve ici.




Václav Luks

Tobias Greenhalgh



Sophia Burgos, Peter Kirk

Anaïk Morel

Rachel Redmond et une des figurantes

Lucile Richardot

Majdouline Zerari

6 commentaires:

  1. Tu es gentil. . J'ai vu la retransmission et je n'ai pas du tout été convaincue. Mais j'ai trouvé Rokia Traoré superbe !
    Michèle

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  2. A very unusual show. I do not know this opera. Thanks for your great review.

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  3. Je l'ai vu à la télé. Pas formidable... Musicalement pas terrible (horrible Belinda, Enée encore pire) et scéniquement sans grand intérêt, avec des images téléphonées. Tu as été très clément dans ton article.
    Michel

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    1. J'ai été sincère ! Je n'ai pas trouvé cette production si faible que ce que les critiques officiels en ont écrit !

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