Grande journée, avec beaucoup de temps passé dans la formidable Morgan Library et ses extraordinaires expositions !
Déjeuner : Kam-Wei Kitchen
Couché fort tard, levé de même. Le temps de remplir le blog de la représentation de la veille, je mets le nez dehors vers 11:30.Du coup, je ne tarde pas à déjeuner.
J'avise un troquet chinois sur la 10th Avenue, où la queue qui déborde sur le trottoir me paraît de bon augure. La nourriture y est préparée à la demande par une brigade diligente.
C'est un bon plan à tout point de vue. Archi-économique (7 $ pour tout le plateau). La soupe aux wontons est correcte, mais le poulet aux noix de cajou est un délice, avec des légumes croquants, pas gras, bien goûteux.
Kam-Wei Kitchen c'est au numéro 630 de la 10th, pour qui est intéressé.
Je bifurque pour remonter la 42th street.
Un immeuble en saillie dénote l'audace des architectes.
Le passage du métro à la Port Autority.
Voilà donc le prochain lieu de cohue. A Londres, c'est le spectacle le plus couru depuis ses débuts, avec des séances complètes six mois à l'avance, tous les jours !
Porte, façon médiévale, au niveau de Bryant Park.
Boutique historique d'un marchand de tabac, devenue minuscule entre deux mastodontes.
Grand Central Station
Voilà un moment que je n'étais pas revenu à cette grande gare historique, immense point de convergence pour des milliers de voyageurs quotidiens.
Comme on m'a demandé de la montrer sur le blog, voici donc un mini-reportage.
Les couloirs gainés de marbre reflètent les luminaires et élargissent l'espace.
Le grand hall est bien éclairé par des verrières de la taille d'une piscine. Ces guichets me rappellent toujours la scène de North by Northwest (La Mort aux Trousses) où Cary Grant achète son billet mais est reconnu par le préposé.
Le triptyque d'immenses verrières est emblématique du lieu.
Le plafond est entièrement décoré d'un zodiaque (les constellations).
Le sous-sol, c'est le Dining Concourse, une suite de restaurants.
Les portes qui mènent aux quais semblent provenir de châteaux. Cette esthétique medieval revival a marqué beaucoup de constructions à Manhattan. Bon, le faux gothique en France, on a connu aussi.
On y trouve même des cireurs de chaussures.
Au fond, l'adresse la plus célèbre, l'Oyster Restaurant.
Juste en face, le bas du gratte-ciel imite une cathédrale italienne. C'est le célèbre et coûteux Cipriani, le même qu'à Venise.
De l'humour ? Un parking juste sous le panonceau No parking any time.
Au milieu se dresse la flèche du Chrysler Building, qui fut en compétition (et la perdit) pour le plus haut gratte-ciel. L'Empire State la gagna en cachant sa flèche et en l'érigeant au dernier moment.
Gratte-ciel en construction.
Morgan Library
J'aime beaucoup ce musée qui expose une des plus belles collections privées de la ville. Le fameux J.P.Morgan, ou Pierpont Morgan, fit construire en 1906 une demeure de style Renaissance. Banquier et financier ayant réussi, il accumula une fabuleuse collection de peintures (trois Memling notamment, mais aussi des Italiens, des Vermeer aujourd'hui dispersés...), des antiquités, des livres rares, des manuscrits, dont une riche collection de partitions. Et surtout une fabuleuse série de livres médiévaux enluminés. La collection, énorme, n'est jamais montrée en entier, mais à travers des expositions temporaires qui en présentent quelques-uns. Ça vaut toujours le coup, malgré le prix du billet (20 $). On n'y voit jamais la même chose, et les pièces sont superbes. Aujourd'hui, quatre expositions bien intéressantes.
Peter Hujar
C'est l'expo photo du moment, consacrée à un artiste qui se consacra largement au noir et blanc. Souvent sulfureux (une icône du mouvement gay, et certaines œuvres sont ouvertement pornographiques), il montre souvent un réel talent et sait utiliser les possibilités de contraste de son medium préféré.
Portrait de l'écrivaine Carson McCullers.
Le noir et blanc est son medium favori, mais les sujets varient énormément.
Original auto-portrait en mouvement.
Grande variété de sujets toujours, mais un intérêt net pour le contraste, comme souvent chez les inconditionnels du noir et blanc.
Cette juxtaposition met en évidence le choix d'une ligne dynamique, leitmotiv de nombre de ses photos.
Now and Forever
Exposition originale, qui montre à travers des pièces d'une exceptionnelle qualité la perception du temps au Moyen-Age. Calendriers, Livres d'heures, ouvrages religieux...Il en ressort que le religieux rythme à cette période le temps dans toutes les dimensions : la journée, avec ses prières à heures fixes (mâtines, vêpres, mais aussi la sixta hora qui a donné notre mot sieste), de l'année avec ses fêtes à date fixe (Noël) ou flottantes (Pâques), mais toujours chrétiennes, de la vie (du baptême à la mort avec le Paradis, l'Enfer ou le Purgatoire) et même du temps à grande échelle puisqu'on en fixe alors le début avec la Création de la Genèse.
C'est l'occasion de profiter de rarissimes et somptueuses pièces, dans un état de conservation remarquable.
Énormes rouleaux français racontant l'histoire du monde, XVe siècle.
Détail du précédent. Outre les couleurs fraîches, je suis stupéfait par la modernité de la mise en page. Graphiques, images, texte. Le concept avant Publisher.
Texte en français. Boccace, Cas des nobles hommes et femmes malheureuses.
Deux livres présentant d'atroces visions des enfers ! On n'est pas loin de Jérôme Bosch.
La vision de Sainte Brigitte de Suède, directement venue du ciel.
L'astrolabe de San Zeno à Vérone, unique de son genre à avoir survécu. Toute une série de renseignements données par les trois roues mobiles.
Les fameux calendriers où chaque mois est associé à une action.
La moisson est représentée avec grande précision. On voit même les lignes au cordeau dans le champ.
Tennessee Williams
La Morgan présente toujours des expositions sur des écrivains, très instructives. Celle-ci, consacrée à l'auteur de The Glass Menagerie (La Ménagerie de Verre), de Cat on a hot tin roof (Une Chatte sur un toit brûlant), de A Streetcar Named Desire (Un tramway nommé Désir), pour ne citer que les pièces les plus célèbres, attire mon attention car tout ce que j'ai vu ou lu était toujours passionnant. Ce sont des textes qui s'y entendent pour dévoiler les fêlures et creuser la nature humaine. Mais je ne connais même pas la tête du bonhomme !Ah bon, c'est sur une Olivetti qu'il écrivait des textes ?
Le voilà, sur une plage du Mexique.
Autoportrait. J'ignorais qu'il s'adonnait à la peinture !
Différents portraits en jeune homme.
Il fit même des tentatives de bande dessinée.
L'affiche de la création d'Une Chatte sur un toit brûlant. C'est Barbara Bel Geddes (la fidèle amie de James Stewart dans Vertigo) qui tenait le rôle-titre.
Quelques premières éditions.
Photo de la création de La Ménagerie de verre.
Marlon Brando était un inconnu quand l'agente (ça se dit, ça ?) de Tennessee Williams le découvrit par hasard. Il joua la pièce à Broadway avant le film qui lança sa carrière à l'écran.
Programme de la création dédicacé par Jessica Tandy.
Marlon Brando à l'époque de la création.
Le drame n'est pas le seul domaine où s'est illustré l'auteur, l'atmosphère plus légère de la Rose Tatouée l'apparente à la comédie. La pièce fut adaptée en film, un bijou qui remporta trois oscars dont celui de meilleure actrice pour Anna Magnani.
Power and Grace
Ce titre passe-partout intitule une petite exposition de dessins hollandais et flamands :
Van Dyck, avec des scènes religieuses et un délicieux petit paysage, daté du jour.
Rubens, avec sa force expressive coutumière.
Daniel dans la fosse aux lions. Parfait.
Jordaens et ses scènes de genre, mais aussi de beaux portraits.
Je sors de la partie remodelée par Renzo Piano pour me rendre dans les salles originales. C'est toujours intéressant de voir un hôtel particulier de l'époque.
La rotonde était l'entrée d'origine. Les visiteurs devaient se croire dans un palais italien.
Dans le style lourd, sombre et opulent, à la mode alors. Tous les hôtels particuliers de la 5th Avenue que j'ai visités sont dans ce style.
Trois Memling dans la salle, tout de même. Les musées de Bruges n'en possèdent pas davantage.
Un petit retable espagnol.
Des vitraux Renaissance ont été ajoutés à la fenêtre. Une bonne idée pour exposer des vitraux, mais c'est certain que cela ne contribue pas à illuminer la pièce.
Une salle à la porte blindée renfermait les pièces les plus estimées. Double portrait par Cranach.
Memling encore.
La bibliothèque, à l'image de celles des universités européennes que Morgan avait fréquentée, vaut à elle seule la visite.
Premier livre pour enfants, l'histoire de Tom Thumb (Tom Pouce). Londres, 1621
Le fameux Bonus Socius. Un traité français des échecs, de 1300, avec analyse de parties... Incroyable comme le principe n'a pas évolué. Par ailleurs, on imagine rarement des livres pratiques à cette époque.
Je crois que c'est le premier exemplaire que je vois.
Une splendeur venue d'Istanbul. XVIe siècle.
Livre de Psaumes de San Benedetto, vers l'an mil.
Le manuscrit de La Nouvelle Héloïse, de Rousseau.
Rondo pour piano de Mozart.
Évidemment, je n'ai pas mis de photos de tout.
Il y a foule de trésors, dont trois (trois !) Bibles de Gutenberg dans la collection...
Autre petite salle avec la collection d'antiquités...
Large collection de sceaux de Ninive.
Clou de fondation assyrien en cuivre.
Superbe porteur d'offrandes assyrien.
De magnifiques bijoux filigranés.
Je ne m'attarde guère dans la dernière exposition, consacrée aux peintres voyageurs en Italie autour de 1800. Petits formats, toiles charmantes à la belle lumière.
En effet, j'ai repéré une autre exposition dans l'autre Library du quartier.
New York Public Library
C'est le vaste bâtiment à l'arrière de Bryant Park. Façade de temple grec, abondance de marbre. Tout est fait pour en mettre plein la vue.J'ai visité il y a quelques années ce lieu historique avec un volunteer, et je m'étais régalé. Ce soir, il commence à se faire tard, je me contente de l'exposition.
Exposition Revolution
Cette exposition évoque les années 1960-1970, période de mouvements contestataires, de contre-culture, de mouvements de défense.
Et on commence avec Woodstock, festival emblématique du moment.
Woodstock, la très célèbre affiche avec le moineau sur la guitare. |
Un numéro d'Open City |
Le journaliste John Bryan publia à ses frais pendant deux ans Open City, le périodique phare de la presse underground, de 1967 à 1969. Quatre-vingt dix neuf numéros exactement.
Charles Bukowki y tenait une chronique devenue fameuse, Notes of a dirty old man, en français le Journal d'un vieux dégueulasse.
Les influences artistiques semblent très éclectiques. Les mystères de l'Egypte et la créativité de van Gogh se croisent sans raison apparente.
Dessin pour la couverture de Oracle |
Le célèbre Oracle de San Francisco, la revue phare de la contre-culture, mêlait spiritualité, poésie, et les thématique psychédéliques. Douze numéros seulement, aux couvertures devenues légendaires.
Autre référence de la contre-culture et un détournement de thèmes établis, comme Superman.
Une transformation de la fameuse phrase d'Eldridge Cleaver : Vous devez être une partie de la solution, sinon vous allez être une partie du problème". |
YWLL, Young Workers Liberation League. La fédération de libération des jeunes travailleurs. |
Affiche corrosive à propos du napalm utilisé par les USA au Viet-Nam. |
Affiche I want out |
L'oncle Sam représenté a une curieuse histoire. Pendant la guerre de 1812,les militaires basés à Troy recevaient des caisses de viande de Samuel Wilkson, leur débonnaire fournisseur. Les initiales U. S. sur les boîtes furent interprétées, non comme United States, mais comme Uncle Samuel, rapidement abrégé en Uncle Sam. Il s'agit d'une des plus célèbres allégories des États-Unis. J'ai cependant remarqué, en discutant avec des Américains, une différence d'appréciation. Alors que pour nous, cela représenterait plutôt la Nation, eux y verraient plutôt le gouvernement ou l'administration. "Je dois encore payer mes taxes à l'Oncle Sam" serait davantage le contexte pour eux.
Affiche Tania |
Tania, c'est le nom de guerre de Patty Hearst, la petite-fille du magnat de la presse, enlevée, qui prit fait et cause pour ses ravisseurs et se rallia à leur combat. La fameuse illustration du syndrome de Stockholm.
Affiche Love needs care |
Tout à fait dans le style psychédélique ! Les lignes ondulées et les couleurs, cette association du fameux orange et du rose, ça a marqué une époque.
Tout pareil. Ces cercles concentriques, était-ce un détournement des Delaunay ?
The Organ , n°1 : The Cockettes |
5th Avenue
Je parcours l'avenue en direction de Central Park. Vaguement dans le but de me poser dans un café.
On est aux USA ? Vraiment ?
Plusieurs de ces luxueux magasins de mode, taille hangar mais décoration chic et cher, s'ornent de spectaculaires portes.
Saint Thomas Church
En fait, changement de programme. A la place d'un café, je suis happé par des voix d'enfants et je reconnais un motet de Tallis.J'entre pour mieux entendre. Un aimable monsieur me pousse gentiment dans la nef. En fait, c'est la messe, mais, une fois par semaine, le chœur de l'église accompagne le service.
Ils se débrouillent drôlement bien ! Je n'ai plus entendu de messe chantée depuis ma visite à Cambridge (ne cherchez pas, c'était avant le blog).
La messe à New York, c'est une première pour moi.
Ça n'attire pas grand-monde. La désertification des églises est ici bien visible, comme en France. On est loin de ces spectacles d'évangélistes au micro avec des milliers de personnes.
Les enfants ont des voix remarquables. Bien timbrées, puissantes. Et le cadre de l'église est parfait.
Je ne suis pas très au fait des usages du culte. A moment donné, les choristes se mettent en procession, encadrés par des porteurs d'oriflamme.
Je profite de l'occasion pour m'éclipser subrepticement. J'ai opéra, ce soir !
Magnifiques manuscrits et bibliothèque extraordinaire! Cela donne envie d'aller à la Morgan Library! Nous y irons si j'arrive à motiver ma petite troupe! ;)
RépondreSupprimerJe fais le maximum pour convaincre les lecteurs ! Dans chaque expo il y a une visite guidée, vraiment excellente. Je n'ai jamais été déçu. Et, comme la Frick, c'est de taille raisonnable. Ca peut aussi être un argument !
SupprimerLa visite de la New York public library a l'air très bien aussi. J'ai vu sur leur site qu'il y avait des visites guidées.
RépondreSupprimerOui, effectivement. Comme je l'ai écrit, ce sont des volunteers qui s'en chargent. Même sans visite guidée, on peut entrer dans le hall et regarder la galerie du premier étage.
SupprimerJ'ai vu qu'on peut visiter avec un guide audio les trois étages dont la salle de lecture principale. J'ai du mal à imaginer comment les gens peuvent travailler avec le va-et-vient des touristes!
SupprimerC'était effectivement le cas quand j'avais fait la visite. Le volunteer donnait cependant les informations avant d'entrer dans les salles. Il n'empêche il y avait pas mal de mouvement.
SupprimerJ'ai le souvenir d'une très chouette visite. J'avais appris beaucoup... Sur les systèmes de transfert pneumatique et sur les microfilms notamment. S'il fait beau, pique-niquer à une table de Bryant Park est super !
Excellent guided tour, wonderful pictures! Congrats!
RépondreSupprimerRafal
Many thanks Rafal, it is very kind from you !
SupprimerTres tres belle serie de livres du Moyen Age.
RépondreSupprimerJe repete, il faut voir votre blog pour preparer son voyage a New York.
Merci beaucoup, c'est vraiment très gentil !
SupprimerSi vous avez tout de même une photo de bible de la Morgan, ce serait bien de la mettre.
RépondreSupprimerMerci de votre commentaire, cher/ chère Anonyme, je vais y remédier.
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