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jeudi 26 octobre 2017

Paris : un itinéraire rive gauche, de Saint Germain des Près au Panthéon



Une fois n'est pas coutume, grâce aux vacances, je reste une journée supplémentaire dans la capitale. Mes recherches dans les herboristeries se poursuivent, je vais attaquer la rive gauche de la Seine. Je descends donc le Marais (arrêt chez Herbeus), traverse le fleuve...




Arrêt, rue Saint-André des Arts, à l'Herboristerie d'Hippocrate, remarquablement bien fournie. Dans cette fort odorante boutique, une dame serviable fait son maximum. Hélas, chou blanc à nouveau.


Je profite de mon passage dans le quartier pour une pause au Malongo Café, où je goûte à chaque fois un café différent. Birmanie aujourd'hui, annoncé puissant et sauvage. Bien parfumé en tout cas. L'endroit est bondé en fin de matinée.

Saint-Germain-des-Près


Puisque je me trouve dans le quartier, autant rentabiliser ma promenade. Arrêt donc à Saint-Germain-des-Près, l'abbaye, pour voir l'avancée de la restauration.


Le monumental portail de Sèvres est un vestige de l’Exposition Universelle de 1900. Ce fut une entrée du Pavillon des Manufactures Françaises, Place des Invalides : une publicité monumentale pour la manufacture de Sèvres, dont les céramiques étaient une fierté française. Cet établissement fournit d'ailleurs nombre de cadeaux présidentiels, je crois que c'est encore le cas. La situation dans le jardin de l'église est tout de même inusitée.



Le bâtiment me semble finalement moins connu que le quartier et sa réputation au bout du compte. Pourtant ce fut un des plus vastes ensembles abbatiaux de la capitale, dont les possessions étaient très étendues. Le bâtiment fondé au VIe siècle, tout de même, servit de nécropole royale avant que Saint-Denis ne lui volât cette place. Il connut beaucoup de vicissitudes et servit même de fabrique de salpêtre à la Révolution. Le XIXe siècle vit une réfaction générale et un large ajout de peinture, y compris dans le chœur original du XIIe siècle.



L'avancement de la restauration crée une originale installation qui me fait soudain penser à Christo, l'enveloppeur de monuments (et jadis du Pont-Neuf).




Si les sépultures royales ont été déplacées à Saint-Denis (y compris celle de Childebert I, le fondateur de la basilique), il reste de beaux monuments funéraires de la Renaissance. Descartes et Boileau reposent également ici.








J'ai souvent la tête en l'air à Paris. Alors que je me dirige vers un des mes restaurants favoris, je remarque cette avancée sombre qui couronne la façade. Vraisemblablement le crochet devait supporter une poulie pour faciliter le transport des meubles dans les étages. Sert-il encore aujourd'hui ?

Déjeuner au Pied du Fouet



1983, mon premier repas au Pied du Fouet ! Une des meilleures adresses du quartier, hélas victime de son succès. Restaurant minuscule où, comme chez Chartier, on partage les tables. A prix de compagnon, on bénéficie d'une vraie cuisine maison.




Pas de menu ici, mais on s'en tire bien mieux que dans nombre de formules entrée/plat. Aujourd'hui, je choisis le flan de carottes aux moules et crevettes, la bavette grillée avec la purée maison, le crumble chaud de pommes. J'avais d'abord opté pour le fondant au chocolat, mais mon goût pour les desserts chauds m'a fait modifier mon choix. Avec un verre de Touraine bien gouleyant, 23 €.

Une adresse toujours hautement recommandable.

Le Musée Delacroix



Mes pas m'ayant conduit jusque là, une visite au Musée Delacroix s'impose. D'abord, j'adore la place Furstemberg avec ses quatre paulownias. Mon téléphone a imposé de lui-même cette vue artistique sans que je m'en rende compte, les arbres en ont pris un coup.



Les ateliers d'artistes sont souvent bien agréables à fréquenter. Celui-ci est rarement bondé et j'y ai toujours pris un réel plaisir, même s'il est certain que la visite n'occupe pas la journée. On se promène dans des pièces à taille humaine où sont exposées peintures et gravures ; l'atelier proprement dit donne sur un fort agréable petit jardin.


Delacroix fut ami avec les Fielding, une famille de peintres, et particulièrement avec Thales, un des fils. Chacun réalisa le portrait de l'autre.


A gauche le forgeron, puissante réalisation d'un artiste d'une vingtaine d'années.


Delacroix hésita entre la carrière de peintre et celle d'auteur, se rêvant poète ou dramaturge. On voit ici le manuscrit de sa pièce Victoria, écrite à dix-sept ans.


Le peintre nourrissait une grande admiration pour Hamlet, et il en lithographia plusieurs scènes.


Son autre recueil célèbre avait Faust pour sujet. Ici Méphistophélès volant dans les airs.


Le musée a proposé à Christine Angot une installation dans les salles.


 La partie donnant directement sur le jardin, où sont exposées les peintures, est largement vitrée ; c'est en effet l'ancien atelier. Le coffre fut rapporté du Maroc, où le peintre réalisa d'extraordinaires aquarelles de voyage. On les trouve souvent reproduites, et je me rappelle une superbe expo à l'Institut du Monde Arabe qui leur était consacrée.



 La frise de métopes scellée dans la façade n'a pas bougé depuis.


Le jardin, comme souvent dans ces demeures parisiennes, est un adorable coin de verdure dissimulé.



En me dirigeant vers le sud, je vois ces originales bottines dans une boutique rue du Four. Ne sont-elles pas les jumelles de celles remarquées à l'exposition Redouté, il y a trois jours ?


Passage devant la curieuse façade de Saint-Sulpice. Je pourrais aller y voir la Méridienne et la fresque de Delacroix. Je m'y suis tout de même rendu très souvent, je résiste à la tentation.


A deux pas, une ferronnerie virtuose embellit un immeuble assez banal. Bon, les volets à persiennes et les effusions de géraniums participent à l'effet, c'est sûr.

Nouvelle tentative d'herboristerie, nouvelle déception.
Nouvelle échappée touristique.

Les jardins du Luxembourg



C'est un jardin agréable en toutes saisons. A l'automne, or des feuilles et floraison généreuse des chrysanthèmes agrémentent, je l'espère, le quotidien des sénateurs qui viennent tenir leurs commissions.


Pas de sénateur dans le parc mais un Prix Nobel de littérature, des habitués qui profitent du soleil, des familles flânant dans les allées, des jardiniers au travail. Des corbeaux peu farouches prennent la pose.


C'est Catherine de Médicis qui souhaita ce jardin, dans l'esprit des Giardini Boboli du Palazzo Pitti à Florence. Il devait ornementer le palais commandé à Salomon de Brosse. Mais la rivalité de pouvoir bouleversa tous les projets, Richelieu refusa qu'on déplaçât les Chartreux bien à l'abri dans leur couvent. Du coup, le jardin ne put adopter la perspective de la façade, ce qui créa un plan assez curieux. En outre, Boyceau, un maître jardinier de l'époque, dut composer avec Francine, arrivé à grands frais de Florence, qui imposa la grande terrasse qui surplombe le jardin.
Le Nôtre, la star horticole du moment,  modifia le jardin une trentaine d'années après.



A la Révolution, le palais devint prison, où entre autres Danton et Desmoulins furent détenus. Mais on arriva enfin à expulser les Chartreux. Le jardin fut redessiné, l'Avenue de l'Observatoire tracée.

Le palais, siège du Directoire entre-temps, fut affecté au Sénat et Napoléon Ier souhaita que son jardin fût accessible aux enfants.

C'était l'époque où l'enfant était considéré en tant que tel, presque comme une personne, plus comme un semi-animal encombrant dont on se débarrassait volontiers chez une nourrice. Explosion de la littérature pour enfants, récurrence du sujet en peinture (premiers essais au XVIIIe siècle cependant, et je ne parle pas ici des portraits d'enfants nobles, une exception notable), et donc aménagement du parc en ce sens. Création des jeux d'enfants dans les allées (je crois que c'est une première mondiale, je n'ai jamais trouvé d'informations corroborant ou infirmant mon opinion), promenade à chèvre... Bientôt les peintres allaient immortaliser cette présence enfantine...


Tous les points d'observation sont appropriés aux corbeaux !


J'ai oublié dans mon accéléré historique que le palais du Sénat fut, pendant la guerre, le siège de la Flotte Aérienne allemande qui fit enterrer deux blockhaus dans le parc.


Au milieu d'un parterre coloré, une statue greek revival, comme on dit à New York, représentant un acteur lisant son texte. Aujourd'hui on croirait un geek prenant un selfie !



La Fontaine Medicis, réalisation du fameux Francine, est l'élément qui me paraît le plus proche des Giardini Boboli. Le décor grottesco (de grotte, c'est le mot qui a créé grotesque) est supposé un mélange de statues antiquisantes et de stalactites. Aujourd'hui des couronnes de feuilles mortes ragaillardissent les paliers de la fontaine.


Japon ? Eh non !




Nouvelle tentative foireuse d'herboristerie. Je reviens sur mes pas et longe la Sorbonne, ce haut lieu du savoir national. A y être, autant me rendre au Panthéon...

Le Panthéon



Une histoire pleine de rebondissements


Voici un édifice qui illustre à merveille les échanges entre religion et laïcité de l'histoire française. A l'origine, il s'agit d'une église commandée à Soufflot en action de grâces : Louis XV, "miraculeusement guéri", fait le vœu d'édifier une église. Celle-ci, consacrée à Sainte Geneviève, la patronne de Paris, est construite sur la montagne du même nom. Si le Panthéon romain inspire la façade, c'est dans la toute récente Saint Paul de Londres qu'il faut voir le modèle de cette coupole hardiment surélevée.

Il s'agit d'une réalisation d'une ingénierie audacieuse, puisqu'il s'agit en fait de trois coupoles emboîtées.


Pour financer l'édification, on majore le prix des loteries mensuelles.


En 1791, l'Assemblée Constituante transforme l'église en temple républicain, le "Panthéon des Grands Hommes", pour y accueillir les cendres de Mirabeau qui vient de décéder. Les clochers devenant inutiles, on les supprime. On y inhume Voltaire et Rousseau, images de la progression des idées et du savoir.

Il y a un mot célèbre à ce propos. Sous la Restauration, le Panthéon demeure lieu d'exhumation des grandes figures nationales, mais est rendu au culte catholique. On demande alors à Louis XVIII si c'est bien convenable de conserver la tombe de Voltaire, cet anticlérical farouche, et celui-ci de répondre : « Laissez-le donc, il est bien assez puni d'avoir à entendre la messe tous les jours. »

Sous la Monarchie de juillet, plus de culte dans le bâtiment. C'est le moment où apparaît l'inscription fameuse sur le fronton de David d'Angers : « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante. »
Deuxième République, transformation en Temple de l'Humanité. Plus personne n'est enterré cependant.

Second Empire, le Panthéon est rendu au culte.

C'est avec la mort de Victor Hugo, sans doute la figure nationale la plus considérée à l'époque, que le Panthéon reprend du service en tant que sépulture. Raspail, homme d'extrême-gauche à qui on doit notamment le choix du 14 juillet comme fête nationale (et la loi d'aliénation des diamants de la Couronne, pour créer une caisse des invalides du travail) propose un projet de loi en ce sens, prévoyant la disparition des chapelains de Sainte Geneviève. C'est le début d'une longue série d'inhumations...

La croix au sommet a aussi une longue histoire. Au début, on prévoit une statue de la sainte. En attendant, on place une croix provisoire. Puis l'Assemblée Constituante fait remplacer la croix par une statue monumentale (une dizaine de mètres de hauteur) de la Renommée. Elle est ensuite remplacée, en 1822, par une croix dorée. Que Louis-Philippe fait remplacer par un drapeau. Que Louis-Napoléon Bonaparte fait à nouveau remplacer par une croix dorée. Que les Communards scient et remplacent par un drapeau rouge. Qui sera finalement remplacée par l'actuelle croix en pierre... Retour à la situation de départ.



Le vaste intérieur offre un alignement de colonnes. Les parois sont décorées de toiles marouflées (collées), par cycles dus à des peintres plus ou moins célèbres.

Les peintures


 Pierre Puvis de Chavannes se chargea de la vie de Sainte Geneviève, Jean-Paul Laurens de la mort.


Restaurateurs en plein travail.


Bizarre groupe dont les figures évoquent Maillol, dédié aux gens de lettres.


La Prière, un élément du cycle Pro Patria de Jacques-Ferdinand Humbert.


La Patrie, autre élément du même cycle. Représentation curieuse avec un enfant agrippant à un guerrier en costume exotique, complètement fantasmé.


Jeanne d'Arc sur le bûcher, peinture emblématique ! C'est un certain Jules-Eugène Lenepveu qui s'y colla.


Il paraît que Picasso adorait cette Sainte Geneviève ravitaillant Paris de Pierre Puvis de Chavannes.


La coupole à caissons, seule source de lumière depuis que les verrières furent condamnées pour accentuer l'atmosphère sépulcrale.



Paul-Joseph Blanc se chargea de l'énorme Clovis à la Bataille de Tolbiac.


Jean-Paul Laurens, La Mort de Sainte Geneviève. Ce peintre académique, spécialisé des scènes d'histoire, a curieusement structuré sa composition ; il a tout de même opportunément placé un homme agenouillé formant une croix et un enfant nu, sans doute pour illustrer la face populaire de la sainte.


Le fameux pendule imaginé par Foucault, qui se balance sous l'effet de la force de Coriolis. Celui qu'on voit n'est pas l'original, il a un balancier plus long qui accentue le mouvement. Je renvoie à l'article très complet de Wikipédia pour qui veut en savoir davantage.


C'est dans la crypte sobre, évoquant une nécropole romaine, que se trouvent les tombeaux.


Dans l'antichambre, les quatre tombeaux les plus anciens, dont Voltaire et Rousseau.



Les bras de lumière renvoient aussi à l'Antiquité.


Les chapelles sont prévues pour accueillir plusieurs sarcophages, souvent regroupés par thème ou par période.






Il demeure des places vacantes !!! Plusieurs chapelles sont même entièrement vides.


Petite exposition montrant en particulier les différents projets.


Cette tête paraît une sculpture grecque à peine exhumée.


Remontée au rez-de-chaussée. Le surprenant groupe du sculpteur Terroir, A Diderot et aux Encyclopédistes.

Dernière randonnée urbaine



Quand je sors sur la rue Soufflot, diantre ! La pluie tombe à seaux ! La Tour Eiffel s'efface dans la brume.


Moi qui escomptais aller admirer le merveilleux jubé de Saint-Etienne-du-Mont, c'est raté. Église fermée le lundi.
Je redescends la Montagne Sainte Geneviève en prenant garde à ne pas glisser sur les pavés trempés.


J'emprunte la rue de Bièvre, située à l'emplacement de la rivière du même nom et jadis adresse présidentielle. C'est là qu'habitait François Mitterrand, un des rares présidents à avoir refusé de dormir à l’Élysée. A l'époque, il fallait montrer patte blanche aux policiers qui gardaient la rue.


Nouvelle traversée de la Seine donc, d'abord pour passer vers l'Ile Saint Louis.


Et enfin pour regagner la rive droite. Le panorama m'évoque une toile de Marquet, sans doute fixée à la même saison.

J'ai toujours mes feuilles de giroflier à récupérer. Le créneau herboristerie est visiblement à abandonner. Illumination. Et Izrael, rue François Miron ? Je remonte pour rejoindre le Marais. C'est raté. La fameuse caverne d'Ali Baba est fermée le lundi.

Nouvelle idée. Et le passage Brady, ce bout d'Inde en plein Paris ?

C'est parti. Je grimpe jusqu'à la Porte Saint Martin.



Me voici devant un des plus dépaysants passages couverts de la capitale, tout proche de la Gare de l'Est.


Je suis très gentiment accueilli mais, hélas... personne ne connaît.

Je tente encore des épiceries mauricienne et réunionnaise de ce quartier très coloré.

En vain.

Bon, je repars vers la Place Léon Blum, toujours sous une pluie battante.
Je prévoyais de continuer à pied vers la Gare de Lyon mais je rends les armes et monte dans le bus. De toute façon, j'ai parcouru un bel itinéraire pédestre aujourd'hui. Vive Paris !

10 commentaires:

  1. I learn so much with you! AAA+
    Best, Annie

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  2. A perfect walk in Paris. Good ideas for our next trip. Thanks !
    Susan & Jim

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  3. Thanks a lot, Susan and Jim ! Have a nice trip in Paris !

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    Ashley

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    May

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    Lian

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