Paris : exposition Redouté, 12 hommes en colère

Voyage tranquille jusqu'à Paris qui me permet de m'avancer dans la correction des copies. Je m'installe dans l'hôtel Au Royal Mad, rue Sedaine, où j'ai séjourné il y a quelques mois. 

Je pars déjeuner en descendant par le boulevard Richard Lenoir.

Je lève souvent les yeux dans Paris ; quelle surprise, tout de même, de voir,  sur ce boulevard assidûment arpenté depuis plus de trente ans, un clocher tout en abat-sons que je n'ai jamais repéré !

Déjeuner au Tabarin

Je connais depuis longtemps cette sympathique adresse de la rue Amelot aux allures de troquet de quartier. Aujourd'hui, le menu à 17 € me permet de goûter leur saumon fumé maison, une casserole de poisson et fruits de mer avec une caponata (pas assez cuite à mon goût, les légumes restent croquants) et le délectable pain perdu au caramel. Un verre de petit Chablis accompagne agréablement mon déjeuner.

Vagabondage

Itinéraire buissonnier, d'abord dans la partie supérieure du Marais qui me permet de voir cette étonnante vitrine en superposition à laquelle le reflet ajoute une couche surréaliste.

Le passage Vendôme, pourtant typique, est toujours délaissé par les touristes, malgré sa position centrale sur la place de la République.

Passage à la mairie du Xe arrondissement, aussi ornée que l'Hôtel de Ville.

Je suis toujours étonné de ces courbes sur les imposants immeubles qui rompent l'uniformité rectiligne de la rue.

Je traverse le marché Saint Quentin, assoupi en cet après-midi.

Je continue par le IXe. Un bar anime ses fenêtres à renfort de pichets vintage.

Une porte massive, qui en a vu d'autres, s'ouvre par des poignées bien singulières.

Au détour d'une rue grimpant vers Montmartre, une frise minutieuse attire mon regard.

Près de la Place Saint Georges, une fontaine Wallace survit ; et même mieux, semble fraîchement repeinte. La semaine prochaine à Londres, je compte bien retourner à la Wallace Collection.

Surprenantes larges baies surmontant ce bâtiment. C'est souvent un ancien atelier d'artiste, mais je n'en sais pas davantage.

Le Musée de la Vie Romantique 

J'adore ce délicieux petit musée, souvent négligé, qui offre une plongée dans le temps. La maison du peintre Ary Scheffer a été bien préservée et son jardin miniature est un plaisir.

Des rosiers anciens prodiguent leurs derniers cadeaux. Variétés différentes de celles du Palais Royal, bien sûr.

Les jardins et la villa exposent actuellement, parmi les collections représentatives, des œuvres contemporaines d'artistes variés sur le thème de la nature. Rencontre heureuse en l'occurrence.

Plusieurs œuvres de Delacroix, dont ce charmant fusain.

Ce tableau-sculpture est réalisé avec du papier sulfurisé.

Exposition Redouté 

Ma visite de l'exposition Jardins au Grand Palais avait changé mon regard sur Redouté, pour moi essentiellement un peintre un peu mièvre de bouquet de roses.
Repérant cette exposition, voici l'occasion de revoir mes connaissances.

J'en apprends beaucoup effectivement. Ce peintre belge a vite été connu pour sa maîtrise du dessin, ce qui lui a valu d'être embauché par de fameux botanistes, au moment où cette science est en pleine explosion.

L'Encyclopédie a généré un courant de publications et ces ancêtres des manuels au rayon jardin se développent.

Les sujets sont bien encyclopédiques. Redouté représente beaucoup de succulentes comme ce Melocactus, avec une scrupuleuse précision.

Originalité d'un jeu sur le cadre.

L'influence de la découverte botanique joue partout, comme dans ce fameux portrait d'enfant endormi sous des fritillaires.

Voici donc le portrait par le baron Gros du peintre, devenu fameux depuis qu'il travaille intensément pour l'impératrice Joséphine.

Détail du précédent. Les commanditaires botanistes préféraient le lavis en noir et blanc, qu'ils jugeaient plus exact que la couleur.

Sont également exposées de grandes et fragiles gouaches, étonnamment bien conservées. Le rapport avec les bouquets hollandais du XVIIe saute aux yeux.

Redouté livre aussi des compilations de dessins destinés aux arts décoratifs. Cela explique la précision de ces représentations sur des assiettes de Sèvres…

Sur des éventails en corne…

Ou sur des bottines brodées.

Je retrouve avec surprise Jean-François Bony, cet artiste  lyonnais qui peignait pour les entreprises de textile. L'exposition souligne le développement du goût du jardin et son influence dans les domaines variés. Lyon, cette capitale nationale de la soierie, en profite alors pleinement.

Redouté, célébrité au sommet, a de nombreux élèves. C'est l'une d'elles qui peint ce cactus avec la même exactitude que son professeur.

Finalement, cette exposition réussit bien le portrait d'un dessinateur talentueux, passionné par le végétal, qui n'hésite pas à parcourir des kilomètres pour dessiner une nouvelle plante ou emporter toute sa famille dans un voyage spécial roses. Une célébrité impériale qui travaille à la Malmaison et reçoit des commandes prestigieuses. Un homme aussi avisé que passionné, qui mesure bien le rôle qu'il peut tenir dans le goût et l'industrie de son temps.

Suite de la promenade

Je ne peux passer dans le quartier sans jeter un coup d'œil à cette façade. C'est là que Claude Terrasse avait son atelier, transformé en improbable théâtre de marionnettes où fut créé Ubu Roi. Alfred Jarry y dirigeait ses marionnettes dans ce qui reste une des plus ahurissantes et audacieuses pièces du théâtre français.

A quelques mètres, un hôtel tout à fait dans l'esprit de cette Nouvelle Athènes, aujourd'hui siège de la SACD.

Et encore un peu plus loin, cette remarquable devanture Art Nouveau, avec un galbe que n'aurait pas désavoué Majorelle.

La Villa Ballu, havre paradisiaque dans le quartier. Ces villas sont des sortes de rues privées, parfois inaccessibles, jalousement préservées, toujours paisibles et verdoyantes. Je ne sais toujours pas s'il faut y voir un lien avec l'architecte de l'Hôtel de Ville et de la Trinité.

Douze Hommes en colère à Hébertot

Le Théâtre Hébertot m'a toujours proposé des représentations de qualité et j'y suis souvent venu. La dernière fois, c'était pour la pièce excellente Des gens bien, avec une remarquable Miou-Miou.
Je ne pouvais manquer cette reprise d'une de mes pièces favorites, ce chef-d'œuvre de Reginald Rose. Je l'ai découverte, comme beaucoup, avec l'adaptation télévisée transportée par un charismatique Henry Fonda. Ma première vision de la pièce remonte à vingt ans, avec Michel Leeb surprenant dans ce rôle sérieux. Je le rencontre d'ailleurs ce soir à la sortie des artistes.

Depuis, j'ai souvent assisté à cette pièce, en France, à New York, à Londres…

La mise en scène de ce soir enferme les acteurs dans un cadre épuré au maximum, où ils se retrouvent littéralement les uns sur les autres. Vision plus abstraite de l'espace, et pour une fois, je me demande si elle est préférable, compte tenu de l'importance du contexte.

Le juré n°8,qui fait peu à peu basculer l'avis de tout le jury, est un merveilleux rôle de juste. Bruno Wolkovitch y excelle, tout en mesure et en ténacité, mais aucun des membres de cette brillante distribution ne démérite. Francis Lombrail, ancien commissaire-priseur devenu acteur puis directeur de ce même théâtre, tient le rôle du troisième  juré, ce récalcitrant qui souhaiterait régler ses  comptes avec son fils en livrant un verdict de culpabilité.

Voici vraiment un remarquable spectacle, bien adapté. La salle est tenue en haleine jusqu'au bout. Courez-y !

Bruno Wolkovitch à la sortie du théâtre.

Je réussis à rencontrer dix acteurs sur douze, tous adorables, qui n'hésitent pas à papoter aimablement. Mille fois merci !