Sous la neige
La température se rafraîchit et la pluie se change en neige légère. Je me précipite dans la première stolovaya venue.
Au menu, un bortsch délicieux, le "roulié", un genre de pain de viande, et la vatrouchka, un excellent gâteau au fromage blanc. Pour 300 roubles.
Quand je ressors, nous sommes passés aux choses sérieuses. La neige qui voletait s'est muée en énormes flocons. Le sol n'étant pas froid, ils fondent vite, mais demeurent très impressionnants.
Ma destination se trouvant dans un quartier que j'ai bien arpenté ces jours-ci (autour du Champ de Mars), je teste un nouvel itinéraire.
Mais je me retrouve néanmoins à traverser la Fontanka au pont Sankt Panteleimon, encore une fois. Ma destination est proche.
David et Evelyn, les deux Allemands que je croise dans ma pension, m'ont recommandé ce musée. J'ai donc modifié mon programme en ce sens.
Le Musée du Siège de Leningrad
Les habitants de Leningrad, le nom donné à Saint Petersbourg durant une grande partie du XXe siècle, ont connu un des sièges les plus effroyables de l'histoire. Pendant la seconde guerre mondiale, Hitler décida de mener le siège sur cette porte vers la grande Russie.
Mais il n'avait pas pris en compte la ténacité russe (à qui l'histoire avait appris à tenir bon).
Le siège dura 872 jours, avec en prime le premier hiver (1941) particulièrement rigoureux. La famine fit rage et les morts se multiplièrent mais les habitants ne se rendirent pas.
Le musée explore donc la grande histoire et la partie humaine, à grand renfort de photos, d'affiches. Les légendes sont en russe mais chaque partie contient un résumé en anglais.Les ballons de protection contre les attaques aériennes.
L'affiche de propagande, grande spécialité soviétique.
Un appartement pendant le siège.
Les soldats étaient parfois très très jeunes…
Fameuse bannière avec le double portrait, Lenine- Staline.
Tickets de rationnement.
La ration de pain pour un jour. Quand les céréales manquèrent, on ajouta de l'herbe séchée et même du cuir pulvérisé.
Journal du petit Valery. "Aujourd'hui on a mangé le chat."
Les photos de jeunes dénutris semblent provenir des camps de concentration.
Plantez des légumes !
Pour garder le moral, on conseille la pratique sportive.
Une vitrine est consacrée à la création in loco de la septième symphonie de Chostakovitch. Elle fut interprétée par les musiciens survivants de l'Orchestre de la radio de Leningrad, ainsi que par des interprètes militaires venus en renfort. Les répétitions furent difficiles, car les instrumentistes souffraient de dénutrition, les effectifs furent réduits en cours de route et trois d'entre eux moururent avant le concert. La symphonie fut exécutée en entier une seule fois avant celui-ci. Ce fut néanmoins un événement couronné de succès.
J'ai eu la chance d'assister à quelques exécutions de cette œuvre en concert, c'est réellement une symphonie extraordinaire et bouleversante. A ne pas manquer, chers lecteurs, si vous la voyez programmée.
La littérature était tout aussi vivace.
Sur la photo du haut, des acteurs enregistrent à la radio une pièce de théâtre.
Un acteur pendant la guerre.
Quelques dessins ajoutent un pan d'humanité.
Le célèbre uniforme SS avec les lettres argentées cousues sur le col.
Un grand thème dans les affiches de guerre, l'union fait la force.
La caricature est également souvent employée. L'affiche est efficace, peu de couleurs, une structure rigoureuse avec ces lignes qui se répètent en parallèle. La ville est schématisée à l'arrière, on repère la flèche de la cathédrale Pierre et Paul.
Les jeunes, au boulot !
Ici aussi, la bataille du rail fut un élément capital.
Affiche pédagogique.
"Aller à la mort de l'ennemi est dangereux."
Comme dans la premières affiches soviétiques, la femme au travail est un argument de poids.
La fenêtre Tass propose des images très explicites.
Reconstitution d'un "coin rouge", étonnant lieu apaisé où pouvaient se retaper un moment les traumatisés du siège.
Les partisans et résistants dans les villages alentours.
Presse pour la fabrication de tracts.
La guerre fabrique des mutilés. Modèle de prothèse.
Vengeance pour la population de la montagne !
Sur le fond rouge, "Leningrad", et en bas "nous avons restauré". Haute mise à contribution de la gent féminine.
Réparer, reconstruire, voilà comment procéder.
Très efficace affiche, parlant de mort en Finlande. Le dessin me rappelle Mitsuhirato dans Le Lotus bleu !
Marche le long des canaux. Je traverse une série de galeries d'art proche du Gostiny Dvor.
L'église de Sainte Catherine
J'en profite pour visiter l'église de Sainte Catherine, très sobre. Curieux de voir ici un édifice religieux sans iconostase !
Le Mariinsky est proche. Nouvelle stolovaya, où je goûte une spécialité qui m'intrigue depuis quelques jours. C'est en fait un mélange de poisson et de légumes dans une béchamel, moulé et gratiné.
Pikovaya Dama (La Dame de Pique) au Mariinsky II
Dernier titre de mon séjour, que j'ai fait tirer au maximum pour pouvoir assister à cette représentation. Je rentre demain soir pour pouvoir voter dimanche, tout est calculé au petit poil.
J'aurais bien aimé voir la Forza del Destino (si rare de nos jours, hélas !) ou de vraies raretés pour nous, comme Russlan et Lyudmila ou Sadko qui sont donnés les jours prochains, mais tant pis. Ce n'est pas moi qui fixe la date des vacances scolaires !
En tout cas, ça tombe bien, c'est encore un opéra que j'aime beaucoup. Encore une fois, j'ai plein de beaux souvenirs dans la tête, avec des Hermann magnifiques (Gegam Grigoriam, Yuri Marusine, Sergej Larine, Misha Didyk, Neil Shicoff en tête), de beaux Eletsky (Ludovic Tezier, Andrey Markov, un tout jeune Dmitri Hvorostovsky pour sa première sortie hors de l'URSS) et, bien sûr, de fabuleuses interprètes de la Grafinya, la Comtesse : Astrid Varnay, Martha Mödl, Raisa Kotowa, Régine Crespin, Anja Silja, Ewa Podles entre autres. Je dois en oublier plein. Curieusement j'ai moins de souvenirs avec les Lisa, mais Karita Mattila reste ma référence.
J'ai vu plusieurs fois le Mariinsky en tournée dans cette oeuvre, mais sur place, c'est toujours un bonheur supplémentaire. Et, coup de chance, c'est au Mariinsky II, le lieu des nouvelles productions, ce qui me permet d'éviter le spectacle poussiéreux du Mariinsky I.
Une production récente
La production d'Alexei Stepanyuk date de 2015.
La scène avec les enfants à l'acte I |
Elle est sobre, épurée, très esthétique. Le décor repose sur des colonnes suspendues qui occupent des places différentes selon les lieux évoqués et s'agitent dans la scène de la chambre pour mieux suggérer la folie d'Hermann. L'opposition entre ce dernier, qui se dégrade de tableau en tableau, et l'entourage policé est mise en avant.
Pendant l'ouverture un Hermann enfant construit un château de cartes. C'est lui qui mène le défilé militaire des garçons, et il fermera les yeux d'Hermann adulte, quand celui-ci meurt après avoir éparpillé les cartes.
Belle distribution
C'est un certain Boris Rudzin qui dirige des forces maison éblouissantes, tant des chœurs puissants et unis qu'un orchestre coloré, avec un pupitre des bois de rêve !
Ce genre d'opéra à nombreuse distribution permet d'apprécier une maison lyrique avec une troupe, dans laquelle il est facile de puiser. Les seconds rôles sont vraiment excellents, et s'en détachent notamment la Gouvernante d'Yekaterina Krapivina (l'Olga de l'an dernier), le Tchekalinsky d'Alexander Trofimov (entendu dans Kitege) et le Sourine de Yuri Vlasov, aussi impressionnant que pour le concert d'hier.
Ce genre d'opéra à nombreuse distribution permet d'apprécier une maison lyrique avec une troupe, dans laquelle il est facile de puiser. Les seconds rôles sont vraiment excellents, et s'en détachent notamment la Gouvernante d'Yekaterina Krapivina (l'Olga de l'an dernier), le Tchekalinsky d'Alexander Trofimov (entendu dans Kitege) et le Sourine de Yuri Vlasov, aussi impressionnant que pour le concert d'hier.
La scène du ballet |
Au jeu des chaises musicales, Yekaterina Sergeyeva remplace Yulia Matochkina dans le rôle de Paulina. Une vraie merveille, une artiste avec un phrasé remarquable, qui confirme la bonne impression d'hier. Elle pourrait être une des grandes mezzos de demain, façon Elina Garanča.
Le Tomsky de Viktor Korotich, malgré un volume moindre que son collègue Vlasov, est tout à fait idoine en Tomsky, et interprète la chanson au dernier acte avec toute la gouaille requise.
Vladimir Moroz fait sa meilleure performance de la semaine avec un Eletsky racé, et cette fois sa raideur scénique relevée dans les Vespri Siciliani convient parfaitement au personnage.
Elena Vitman, la Grafinya, n'est pas du tout décatie et la voix n'est pas, comme parfois, altérée par un vibrato extrême. Sa comtesse a bien de la voix et la scène de la chambre est menée avec émotion.
Le Tomsky de Viktor Korotich, malgré un volume moindre que son collègue Vlasov, est tout à fait idoine en Tomsky, et interprète la chanson au dernier acte avec toute la gouaille requise.
Vladimir Moroz fait sa meilleure performance de la semaine avec un Eletsky racé, et cette fois sa raideur scénique relevée dans les Vespri Siciliani convient parfaitement au personnage.
Elena Vitman, la Grafinya, n'est pas du tout décatie et la voix n'est pas, comme parfois, altérée par un vibrato extrême. Sa comtesse a bien de la voix et la scène de la chambre est menée avec émotion.
Elena Vitman, la comtesse, ici avec l'Elena de lundi, Irina Churilova |
Tatiana Pavlovskaya remplaçait en Lisa je ne sais plus qui, et il semblerait que les fonds du Mariinsky soient épuisés. On est donc allé chercher dans la troupe de l'Opéra de chambre Evgenia Muravieva. Elle découvre visiblement la mise en scène au fur et à mesure (mais où se trouve donc la sortie de la chambre ?) , et au début a du mal à placer sa voix dans une salle immense où elle n'a pas répété. Elle fait une solide performance, avec beaucoup de fraîcheur et de sensibilité. La plus jeune de toutes les Lisa que j'aie entendues !
Vladimir Galouzine réussit encore davantage son Hermann monomane et halluciné que son Calaf éclatant. Éblouissante interprétation d'un grand chanteur-acteur dans, je crois, son rôle signature !
Evgenia Muravieva, Elena Vitman
Cette année, j'ai de la chance. Mon programme d'opéras russe, commencé avec Boris Godounov à Marseille en février, va se poursuivre avec Snegourochka la semaine prochaine à Bastille.
Dernières péripéties
En fait, pour communiquer, il faut utiliser Facebook. Je crée donc un compte vite fait, et c'est parti pour la communication en direct ! J'attends donc leur réponse... Je remplis le blog en attendant, cela me tient éveillé car je tombe de sommeil. A 4.00 toujours pas de solution. J'ai l'impression de revivre mes malheurs d'octobre dernier, en pire car cette fois je suis déjà à l'étranger.
Musée passionnant semble-t-il. Mets les légendes quand tu pourras !
RépondreSupprimerBravo pour tes reportages toujours très vivants.
Françoise
Merci d'avoir mis les légendes et encore bravo !
SupprimerFrançoise
Oui, c'est mieux avec !
SupprimerCaptivating post and very interesting pictures.
RépondreSupprimerAnnie
Thanks again!
SupprimerMerci pour ce tres vivant et complet article.
RépondreSupprimerErouan
Encore merci Erouan !
SupprimerPassionnant article! Merci
RépondreSupprimerAlexander
Merci à vous, Alexander!
SupprimerGreat post. Many discoveries inside,and beautiful pictures.
RépondreSupprimerEilinn
Thanks Eilinn for your kind words!
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