Ce matin, je fais de la résistance : j'ai décidé de ne pas profiter du petit-déjeuner offert par l'hôtel. Je me contente de préparer mon chocolat chaud que je dégusterai dans le train.
Itinéraire
Le périple débute à la gare de Kurashiki, où j'emprunte le même train que j'avais utilisé à l'aller.
J'arrive à la gare d'Okayama ; je change de train et me voici dans le Shiokaze.
Cette gare a été baptisé jeans station ; je pense que les pantalons indigo sont produits particulièrement ici.
Pour la première fois depuis que je voyage au Japon, je vais quitter l'île de Honshu (l'escapade sur celle de Miyajima ne pouvant réellement compter). Le train empreinte un double pont entre les deux îles, un véritable prodige d'ingénierie.
Ça y est ! le train est parvenu sur l'île de Shikoku et ce sont des raffineries qui accueillent le voyageur.
Je traverse des villes dont je n'ai pas retenu le nom, mais la cathédrale qui se découpe à l'horizon n'est pas une vision familière sur l'archipel.
Le goût des publicitaires japonais pour une imagerie naïve ne laisse pas de me surprendre ; à la réflexion, cela ressemble assez à ce rouleau exposé au Kodai-ji de Kyoto, où les objets s'animaient.
Je rappelle que mon itinéraire est bouleversé à cause des inondations récentes dans la région, qui ont rendu la voie ferrée inutilisable sur plusieurs sections. Je quitte donc, comme tous les passagers, le train à Tadotsu.
Je craignais une situation difficile au moment du changement. C'était sans compter sur l'efficacité japonaise : à l'arrivée du train, des jeunes filles nous dirigent vers l'extérieur, où les voyageurs se rangent sagement pour attendre le bus.
J'ignorais que Toyota s'était reconverti.
Parvenus à Kanonji, nous reprenons la ligne de chemin de fer ordinaire pour la dernière section du parcours.
La voie ferrée suit majoritairement le littoral.
C'est bien toujours le Japon, mais il me semble que le paysage est différent.
Pourtant on retrouve la prééminence du riz dans les cultures.
Et les pavillons agrémentés de jardins coquets, aux arbres soigneusement taillés, font toujours partie du paysage.
Me voici à la gare de Matsuyama ; plus de lecteurs électroniques, ce sont des employés qui vérifient les billets à la sortie.
Ma première impression de cette grande ville (de plus de 500 000 habitants) est surtout qu'il y fait incroyablement chaud : on sent un air saharien qui stagne dans les rues.
Déjeuner
Dans ce restaurant climatisé où je m'engouffre sur le chemin de mon hôtel, on ne parle pas un mot d'anglais et le seul terme en romaji sur la carte est menu. Avec mes trois rudiments de japonais (gyuniku, bœuf) et leur considérable bonne volonté, nous arrivons à nous comprendre.
Pour 1380 ¥, on me sert ce plateau copieux, avec du bifteck grillé et des légumes, du riz une salade, des tsukemono, une sauce miso. Mais, ô surprise, la soupe ne contient ni miso ni konbu ni wakame, mais est parfumée à l'huile de sésame et aux noris. Les tsukemono, aujourd'hui : concombres et algues. Je préfère toute version au daikon !
On m'apporte même un dessert, glace (non identifiée) et fruits frais, un luxe ici.
Je poursuis mon chemin vers l'hôtel.
Voilà les véhicules qui envahissent les rues cette année. Je comprends leur popularité en vérifiant le prix, à partir de 10 000 € environ.
APA Hotel
J'ai réservé deux nuits dans cet hôtel pour environ 92 € (les deux) ; je ne m'attendais pas à un tel luxe. C'était surtout la localisation, toute proche du château, qui m'avait intéressé.
Les chambres d'hôtel sur l'archipel sont généralement de taille réduite mais celle-ci s'avère particulièrement confortable.
La salle de bain cependant date un peu. Je m'autorise une douche, histoire de me rafraîchir un peu, avant de commencer la visite du château. Celui-ci n'a pas été bombardé, c'est une construction ancienne et non une reconstitution.
Le boulevard devant l'hôtel longe les douves qui ceinturent le parc du château.
Iyo-jo, le château
Parcours
On distingue la silhouette du château sur la crête de cette montagnette au centre de la ville. C'est incroyable de voir comment les autorités japonaises ont conservé, en plein centre des agglomérations, les espaces sauvages qui entouraient les châteaux anciens.
Le jardin du château, le Ninomaru-koen, est surélevé ; c'est la première fois que je vois un jardin suspendu dans un château japonais. En fait, vérification faite, il s'agit d'un jardin tardif aménagé dans les ruines du château Ninomaru.
Il ne me reste plus qu'à me lancer dans l'ascension sur une pente plutôt raide, que la canicule toujours accablante transforme en Himalaya.
Les fortifications apparaissent çà et là dans la forêt.
Juste au moment où je passe, un rayon de soleil, comme un projecteur, rend visible une large toile d'araignée.
Je mesure rapidement la spécificité de cette construction. La plupart des châteaux japonais que j'ai visités étaient construits en plaine et se dressaient avec de nombreux étages. Celui-ci utilise la montagne et s'y établit comme une citadelle.
La base en pierre de ces fortifications est toujours spectaculaire ; à chaque fois je remarque la pente ainsi que la parfaite régularité des surfaces.
Au fur et à mesure que je poursuis mon ascension, je longe des murailles, je traverse des portes. La protection de ce château est largement supérieure à tout ce que j'ai vu jusque-là.
Un plateau sur lequel s'épanouit un verger fait croire que nous sommes arrivés. Erreur ! ce n'est qu'un avant-poste.
Cette peu banale réalisation architecturale est l'œuvre de Yoshiaki Katoh, le fils d'un samouraï. Né en 1563, il entra dans l'armée de Toyotomi Hideyoshi et, à l'âge de trente ans, il se rendit célèbre à la bataille de Shizugatake où il gagna le titre d'une des Sept Épées, décerné aux guerriers exceptionnels.
En remerciement il fut anobli et devint seigneur de Masaki, à côté de Matsuyama.
Après s'être brillamment illustré dans un grand nombre de batailles, sur terre et sur mer, il rejoignit les forces de Tokugawa Ieyasu. Toujours les mêmes !
La forteresse fut achevée en 1627, très vite réputée imprenable avec son efficace système défensif. Les meurtrières permettent de tirer vers quatre directions sans grand risque pour l'archer.
À l'origine le château comprenait cinq étages. Lorsque le daimyo de Koguwa en hérita, il choisit de les limiter à trois.
Les explications présentées au cours de la visite sont nombreuses, systématiquement traduites (c'est rare) mais je n'ai pas trouvé d'explication concernant cette transformation. Peut-être la position élevée de la construction suffisait à garantir sa sécurité. Et effectivement, je vérifierai que, du sommet du troisième étage, la vue porte réellement loin.
Je franchis encore des portes, perçant des murs de quatre mètres.
Les portes elles-mêmes sont solidement ferrées.
C'était la dernière porte ! J'ai atteint la cour principale, au pied du donjon.
Ici encore les blocs sont minutieusement taillés pour assurer la stabilité.
A l'intérieur
Au Japon, dans les édifices anciens, on doit retirer ses chaussures ; souvent des sacs en plastique sont fournis pour les envelopper. Mais ici, on nous prête de séduisants chaussons en silicone d'un éclatant vert pré.
L'escalade se poursuit, cette fois sur un escalier bien raide.
Certains de ses confrères ne proposent que maquettes, mannequins et et reconstitutions ; d'autres ne montrent quasiment rien. Celui-ci, bien au contraire expose des objets originaux, bien commentés en deux langues.
L'armure de samouraï de Yoshiaki, le fondateur.
Un document de sa main : une interdiction de planter des arbres dans un rayon de quatre kilomètres autour du château, pour laisser l'espace découvert.
La bannière en soie du second daimyo.
Quelques plans d'époque.
Ah, l'époque où les dirigeants étaient poètes ! Un haïku écrit par l'un d'entre eux, Matsudaira Sakayuki.
Et voici précisément son équipement de samouraï. Même si elle demeure une tenue de cérémonie, on mesure l'évolution depuis la précédente.
Les katana, ces épées réputées pour leur tranchant, ont fait la réputation des maîtres de la lame japonaise. Celles-ci ont appartenu aux seigneurs successifs.
Lances d'apparat, ornementées d'une mosaïque de nacre.
L'armure de Sadanao, le quatrième des Matsudaira.
Et le goût pour les arts ne se limitait pas à la poésie. Cette flûte, utilisée dans le théâtre nô, appartenait à un des Matsudaira.
Matériel de calligraphie.
Démonstration des principes d'emboîtement pour réaliser des structures de bois sans élément métallique.
Du deuxième étage, la vue présente déjà de l'intérêt. La proximité avec la cour montre bien la qualité de l'appareil défensif.
Le parc Shiroyama, que j'ai traversé en venant.
Ces arcs géants ne servaient que lors des cérémonies.
Effectivement, du troisième étage, on bénéficie d'une vision étendue.
On aperçoit la mer !
Dans l'enceinte supérieure, cette tour de guet servait également de temple.
Ce tronc noueux est celui d'une glycine, âgée de plusieurs centaines d'années.
Cette visite m'a enchanté. Un château peu ordinaire, des objets rares, enfin des explications nombreuses. Malgré la terrifiante chaleur (les châteaux anciens sont ouverts et donc non climatisés), j'y ai pris beaucoup de plaisir.
Le Ninomaru-koen est fermé lorsque je redescends mais je peux l'entrevoir. Effectivement il ne ressemble en rien à tous ceux que j'ai visités ici.
Dans le parc Shiroyama, la chaleur ne dissuade pas les sportifs, mais ils se sont prudemment regroupés à l'ombre.
Dans Matsuyama
Le dôme de la préfecture me rappelle l'architecture du Moyen-Orient.
Je ne suis pas spécialement enthousiasmé par la mairie.
Le toit du grand magasin Takashimaya s'est métamorphosé en Biergarten, très fréquenté. On y sert un repas dégustation. Pas donné, 3200 ¥, mais c'est l'occasion de goûter à quantité de spécialités.
Poissons et fruits de mer, dont de merveilleux beignets de tentacules de poulpe.
Petites choses à base de viande et de légumes.
Desserts : sorbets à la mandarine, au kabosu, un agrume de Kyushu, à une baie sur laquelle je ne me prononce pas.
Deuxième salve, mochi, manju et tutti quanti.
Je partage ma table avec Jiro, un sympathique professeur d'anglais, enthousiaste quand il parle de sa ville. Il me donne quantité de conseils pour mes visites du lendemain.
Vue depuis ma chambre. Le toit illuminé du grand magasin se repère de loin.
This extraordinary castle is a real fort. Thanks for your great pics and your short history, still captivating!
RépondreSupprimerAnnie
Many thanks, still a pleasure
SupprimerQuelle visite formidable ! C'est comme si on voyageait avec vous. Je me régale de vous lire.
RépondreSupprimerAlicia
Merci beaucoup, Alicia, pour ce commentaire enthousiaste !
RépondreSupprimerJe continue à rattraper mon retard en dévorant ces articles pas encore lus.
RépondreSupprimerTrès chouette, celui-ci, où on te suit à la trace en partageant ta découverte de cette extraordinaire forteresse. Je te l'ai souvent dit, mais je trouve qu'un gros atout de tes articles, ce n'est pas tant le bonus culturel que l'impression de vivre le voyage en même temps que toi !
Et quel repas pantagruélique pour finir la journée. Tu en es vraiment venu à bout ?
Bises
Michèle, toujours fidèle lectrice, sans espoir de rattraper Annie
Merci Michèle (qui reste dans la course) pour tes chaleureux compliments, cela me touche sincèrement.
SupprimerPour le repas, oui, j'ai tout avalé, mais franchement, un tiers m'aurait suffi !
Bisous
Très intéressante visite de chateau, merci pour votre article
RépondreSupprimerJosé
Merci beaucoup José pour ce commentaire enthousiaste !
SupprimerA great live report ! Wonderful pictures and stories from Old Japan !
RépondreSupprimerGreat blog.
Onusha
Thanks for your kind message, Onusha
SupprimerWow Japan seems so amazing and unique I hope I will go there someday.
RépondreSupprimerI would love to see Mtsuyama Castle and, of course, eat local food !
Thanks, dear Anonymous !
SupprimerI hope that you wishes will be granted someday !