Grande virée sur la Fontanka
Aujourd'hui le ciel est plus couvert mais il ne fait pas très froid. Je baguenaude entre avenues et canaux jusqu'au pont Panteleimon, à côté de l'église du même nom, une des plus anciennes de la ville.Puis j'arpente la Fontanka, la rivière qui alimentait les fontaines, pour une bonne partie de la journée.
Le Palais Mikhailovsky tire son nom de Saint Michel. Un gardien des travaux aurait vu soudain l'archange qui participait à la surveillance, à ses côtés. La légende ne précise pas le rôle de la vodka dans cette histoire.
Eglise Saint Panteleimon |
Les trois édifices presque identiques ont été conçus par Rossi, avec un plan de base à partir duquel les clients choisissaient quelques détails pour la personnalisation. Pas si loin des lotissements d'aujourd'hui !
L'église Saint Siméon et Sainte Anne témoigne bien du baroque à la mode à l'époque de Pierre le Grand.
Pas loin, le Cirque, un bâtiment caractéristique, un peu plus trapu que ceux de Paris ou de Reims.
Le palais Cheremetev abrite un musée d'instruments de musique, paraît-il riche et intéressant, mais fermé aujourd'hui.
Musée Anna Akhmatova
En revanche, le musée Anna Akhmatova est ouvert. Cette femme, une des plus grandes poétesses, fine lectrice et traductrice du français, amie de Modigliani, connut le stalinisme qui lui interdit d'écrire de la poésie. Un de ses plus fameux poèmes, Requiem, est consacré justement aux victimes du stalinisme.
En voici un extrait.
En voici un extrait.
A la mort
Tôt ou tard tu viendras - pourquoi pas maintenant ?
Je suis en grand malheur et je t'appelle.
ma lumière est éteinte, mon portrait est béant -
Pour toi si simple et si belle.
Tu peux prendre la forme qui te convient :
flèche empoisonnée, trouant le vide,
bandit, assomme-moi sur le chemin.
Emporte-moi fièvre typhoïde.
Ou bien encore - ta belle invention,
pour tous, à en vomir, banale ;
Qu'un képi bleu entre dans ma maison,
guidé par le concierge pâle.
Tout m'est égal. Ienisseï bouillonnant,
L'étoile polaire brille sur moi.
Et l'éclat bleu des yeux que j'aime tant
se voile d'un ultime effroi
Le musée est installé dans son appartement, qui fut de plus en plus peuplé à cause du collectivisme. Plusieurs explications figurent en anglais mais, alors que de nombreux manuscrits sont exposés, aucun n'est traduit. Même si je ne comprends rien, les enregistrements de la poétesse lisant ses textes restent très émouvants.
Modeste cuisine |
Entièrement faite à la main, une carte de voeux-poème |
La salle à manger qui accueillit tous les habitants (assez nombreux, au bout du compte) de l'appartement |
Une pièce plus personnelle |
Le portrait d'A.Akhmatova par Modigliani |
Déjeuner chez Pi RO GI
Pi RO GI est un restaurant recommandé, installé dans des caves pas très loin. C'est un endroit assez branché et intime. Bortsch, bœuf Stroganov, tarte tatin aux poires, bière Peter, rien de cher et c'est super-bon.Fontanka, suite
Reprise de la balade.Plusieurs édifices colorent les bords de la Fontanka, dont les ponts sont plutôt croquignolets, comme le Lemonossov, de style prétendument égyptien.
Le théâtre Tovstogonov affiche crânement un vert émeraude.
Le marché Apraksin
Juste à côté, surprise ! En plein centre ville, on se croirait dans une bourgade au fin fond de la Russie : sur le marché Apraksin, des ruelles cabossées, des produits tiers-mondistes (bijoux en plastique, couvre-lits synthétiques rose fluo, beaux pyjamas panthère et d'autres incomparables merveilles) et toutes les populations de la CEI réunies. J'ai l'impression d'être revenu dans un souk d'Asie Centrale.
Le marché Apraksin : un voyage en Asie Centrale.
La Cathédrale de la Trinité
Un autre marché entoure la Cathédrale de la Trinité, bien repérable de loin, qui en impose avec ses coupoles azur.Dans la Russie impériale, chaque régiment disposait de sa propre église. L'architecte Stassov construisit celle-ci pour le régiment Izmailovsky, une des gloires de l'armée russe, vers 1830.
Elle est vraiment immense. Trois mille personnes y tiendraient aisément. Après des années d'abandon en période soviétique, elle a évidemment été restaurée sous l'impulsion du renouveau religieux. Et même, re-restaurée depuis, car la coupole avait été victime d'un incendie en 2006.
Je suis sagement les conseils du Routard et bifurque vers le pont Staronikolski, d'où les vues sont effectivement séduisantes. C'est un des lieux qui rappelle le plus Venise.
Notre Dame des Marins
A deux pas de là, une splendeur : l'église Notre Dame des Marins, dans une harmonie de bleu et blanc (à cause des tenues ?), remarquablement équilibrée.Cette fois, je trouve l'intérieur très réussi, et j'admire les nombreuses icônes. Hélas foto niet comme dans la précédente !
Une pause bienvenue dans un petit café proche, avant l'opéra qui commence à 18:00 (et finira à 23:30, avec trois entractes).
Kitege au Mariinski II
La salle, le Mariinski II, est un enchantement : presque aussi spacieuse que le Liceù de Barcelone, toute de bois blond avec quelques "diamants" qui scintillent, et une excellente acoustique.Le Mariinski II, une superbe salle moderne |
Jeux d'éclairages dans le Mariinski II |
Valery Gergiev, le maître des lieux, obtient des prodiges des forces maison, et les chœurs sont extraordinaires.
Excellents seconds rôles et de grandes compositions de la part des premiers. Deux très jolies voix, pures et bien colorées, pour Sirin et Alkonost, Liudmila Dudinova et Liubov Sokolova. On a fait appel aussi à deux bonnes basses maison, Ilia Bannik et Vladimir Ferliauer, pour interpréter Bedjaj et Burundaj. Je retrouve même les vétérans Alexander Morosov et Yuri Alexeev dans les petits rôles du joueur de gusli et du montreur d'ours.
Alexey Markov, un des barytons maison qui fait une carrière internationale, campe un excellent Fedor Poyarok. Andrey Popov fait un sacré numéro de ténor bouffe en Grichka Kuterma, Stanislas Trofimov (le Prince Yuri Vsevolodovitch) impressionne par la richesse de sa voix de basse. Vsevolod, c'est un autre Trofimov (de la même tribu ?), Alexander, qui l'interprète. Voix juvénile de ténor, beaucoup d'énergie et d'engagement. J'aimerais le réentendre dans un rôle qui m'est plus familier.
Stanislav Trofimov, une basse méconnue du Mariinsky
Une inconnue fascine par la richesse de sa voix, pleine d'harmoniques, une certaine Iulia Matochkina, dans le petit rôle de l'omrok (un page). En voilà une qui devrait aller loin ! Déjà, le Mariinsky devrait lui confier des rôles de premier plan.
Mais je suis surtout conquis par Irina Churilova, une inconnue pour moi. Quelle somptuosité de voix et quelle maîtrise de la dynamique ! Elle donne de Fevronya une interprétation exceptionnelle.
L'autre bonne surprise, c'est la production de Tcherniakov, pleine de bonnes idées de mise en scène, et avec un décor de plus en plus dépouillé. Le troisième acte, avec un plateau nu et des éclairages intelligents, fait forte impression.
Iulia Matochkina à droite du violoncelle, Ilia Bannik et Vladimir Ferliauer en noir. |
On reconnaît Andrey Popov en costume de ville, le chef des choeurs Andrey Petrenko, Alexander Trofimov tout à droite. |
Hélas, les chanteurs sortent du théâtre par plusieurs sorties, et c'est bien difficile de tous les voir.
Ilya Bannik |
Merci pour votre blog très bien. Je suis très heureuse que vous avez mis un poème d'Anna Akhmatova. Vous avez écrit des renseignements utiles et vos photos sont très jolies.
RépondreSupprimerNadezhda de Vladimir
Merci à vous, Nadezhda, et bravo pour votre excellent français.
SupprimerJe pense qu'il était important de faire figurer une œuvre de votre grande poétesse.
Dans cette superbe ville, faire de belles photos n'est pas très difficile. En fait j'ai peu de mérite !
Cordialement
Passionnante promenade. C'est très émouvant de voir l'appartement d'A. Akhmatova.
RépondreSupprimerTrès bel article.
Merci beaucoup, cher Anonyme pour ce chaleureux commentaire!
SupprimerFaute de pouvoir voyager à cause de COVID (ben oui, j'ai déjà 73 ans et beaucoup de "comorbidités" je suis en train de ré-lire mon blog de voyages. Ainsi, j'ai lu de nouveau votre gentil message https://brebenei.blogspot.com/2018/12/2.html#comment-form et je suis revenu voir votre très très bon blog! A propos, je vois que vous continuez de voyager. Je dois dire que je suis un peu envieuse! Comment vous faites? Déjà que même avant l'épidémie, il me semblais que vous êtes tout le temps en voyage, mais maintenant? Avec toutes ces restrictions? Autrement, bonne année et faites des beaux voyages! Anca (https://pourtier.pagesperso-orange.fr/Index.htm#)
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