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mardi 25 août 2020

Rome : La Basilique San Vitale


Méconnue et rarement visitée, une basilique du centre de Rome entièrement décorée en trompe-l'oeil, qui vaut une visite !


En effet, je ne sais pourquoi, cette église située en plein centre de la ville, Via Nazionale, à côté du Palazzo delle Esposizioni, échappe aux radars de la plupart des guides, alors qu'elle est souvent ouverte et que sa décoration très originale séduit souvent ceux qui la visitent.
 
L'histoire remonte, une fois de plus, à la fin de l'Antiquité : au IVe siècle, on édifie ici un oratoire aux saints Gervais et Protais ; c'est Grégoire le Grand qui établit le nom de Vitalis dans la litanie, le père des deux précédents. Sa popularité sera à l'origine de patronymes répandus comme sa version espagnole Vidal, mais c'est un saint de Ravenne où il est honoré dans une merveilleuse basilique. La basilique suit le plan... basilical, c'est à dire avec une nef centrale, séparée des latérales par une rangée de colonnes de chaque côté, comme on peut le voir dans de nombreux exemples romains (San Giorgio in Velabro donne le mieux l'idée de l'état de l'époque).

Au XVe siècle, une communauté de moines y officie mais, constatant qu'elle menace de s'écrouler, elle est restaurée sous l'impulsion du pape Sixte IV ; on sacrifie alors les nefs latérales. Comme elle jouxte le terrain des Jésuites, elle leur est affectée. Ceux-ci ne la transforment pas en une de leurs grandes églises spectaculaires de la Contre-Réforme ; sans doute le chantier de Sant'Andrea al Quirinale, à quelques dizaines de mètres, suffit-il à les occuper, et vraisemblablement à utiliser leurs fonds.


Le portique



 C'est une basilique vers laquelle il faut descendre : elle est construite au niveau antique, alors que l'actuel a remonté de plusieurs mètres après des siècles de déchets. Le portique à quatre colonnes reste un élément classique de ce type de bâtiment.


Le porche laisse deviner les anciennes arcatures, et révèle l'ajout tardif de la porte qui porte l'inscription de Sixte IV.

L'intérieur



L'intérieur crée toujours la surprise ; la nef unique est très spacieuse et le décor tout à fait inhabituel.


Le plafond à caissons n'est pas rare mais ici, il est très peu doré et évoque davantage celui d'un palais. Cette sobriété met en valeur, par contraste, la décoration des parois. Le chantier employa plusieurs peintres : Priori, Fiammeri, Ligustri, Cesari, et Andrea del Pozzo, le Jésuite chargé des peintures de Sant'Ignazio à Rome ou de la Jesuitenkirche à Vienne.


Je ne sais si c'est par économie ou par choix esthétique, mais, pour paraphraser Magritte, "ceci n'est pas une colonne". Le décor est entièrement peint.

Le programme iconographique se définit horizontalement : en haut des portraits de Prophètes, en bas des scènes de Saints.

Ici, dans la partie supérieure, Daniel est flanqué d'un lion, un rappel de l'épisode de la fosse aux lions ; dans celle en bas, le tribun Saint André guide ses troupes en Cilicie.


A gauche en haut, Isaïe brandit sans doute une citation de son livre.

Au-dessous, les quarante soldats cappadociens se massent sur l'étang, près de Sebaste ; c'est une histoire de soldats chrétiens qui refusèrent l'ordre de l'empereur Licinius, un sacrifice aux dieux païens, et furent laissés nus sur un étang gelé. Les Martyrs de Sebaste, les malheureux congelés, furent l'objet d'un culte populaire très fervent. Mes fidèles lecteurs se rappelleront peut-être l'église qui leur est dédiée à Moscou


A gauche, Les Saints Marcellin et Pierre l'Exorciste, deux Romains victimes des persécutions de Dioclétien.

A droite, Saint Paphnuce anachorète ; ce moine égyptien était ermite et il subit de nombreux malheurs (on lui creva l’œil, lui coupa le tendon d'Achille, le déporta dans les mines) mais il siégea au Concile de Nicée avec le prestige d'un martyr. Au-dessus, Jérémie se tamponne l’œil, lui qui "s'est lamenté toute sa vie" comme l'écrivait Voltaire.


Le retable de l'Assomption est surmonté de Salomon dans sa niche ; à gauche, Ignace le Théophore, un disciple de Pierre et de Jean, devenu évêque d'Antioche avant d'être martyrisé à Rome.


David surmonte l'autel avec un crucifix. A la version adolescente avec la tête de Goliath, on a préféré celle du roi auteur de psaumes, avec sa harpe.

A gauche, est dépeint le martyre de San Gennaro.


Un bourreau s'apprête à occire San Gennaro, le populaire saint de Naples, invoqué lors des éruptions du Vésuve. L'arrière-plan montre justement une colonne de fumée s'échappant du volcan.


L'ensemble du chœur est dédié à San Vitale et à ses deux fils. Les colonnes trompent plutôt bien l’œil.


Le peintre florentin Agostino Ciampelli a peint deux scènes consacrées à San Vitale : dans l'image précédente, il est lapidé, et dans la suivante, il est écartelé sur une chèvre, une table à roue décrite avec précision. J'en avais vu un exemplaire au Musée de torture de Bratislava.

Aucune de ces deux n'évoque la mort de Vitale, enterré vivant.



Sur l'autel, un retable du XVIIe siècle présente la famille au complet, et cette fois Valeria n'est pas oubliée. Les deux fresques d'Andrea Commodi (qui forma le jeune Pietro da Cortona) illustrent les sorts des deux fils : à gauche, Gervais (Gervasio) est flagellé, à droite Protais (Protasio) est décapité.


 Le même Commodi a peint dans la voûte de l'abside une Montée au Calvaire qui semble mêler les époques ; la jupette antique, telle qu'on peut la voir sur la Colonne Trajane, voisine avec pourpoints et chapeaux du XVIIe.

Le choix d'une échelle différente et la composition efficace rendent cependant la fresque spectaculaire, qui attire l’œil dès qu'on pénètre dans la basilique.



5 commentaires:

  1. Absolutely amazing ! I love this church ! Thanks for your still clever texts.
    Great post.
    Annie

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  2. Magnifique église, complètement inconnue. Une découverte avec des textes passionnants qui permettent de comprendre les fresques !

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    1. C'est très gentil à vous, cher Anonyme. Remerciements très très tardifs !

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  3. Passionnante visite grâce à votre article et à toutes vos informations.
    Merci beaucoup !
    Clarence

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    1. Merci infiniment Clarence pour ce chaleureux commentaire !

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