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mercredi 20 avril 2022

New York, Met : Le Nozze di Figaro (Les Noces de Figaro)


Au Met pour deux représentations d'un de mes opéras préférés ! 

J'avais un avoir conséquent, suite à deux reports de mes places. Je prends généralement mes billets pour le Family Cicle, où on voit parfaitement et où on entend idéalement, mais j'ai profité de l'occasion pour acheter une place à l'orchestre. Donc, pour une fois, je vois le fameux plafond avec les Spoutniks de Swarovski par en-dessous. 


La vue sur les lumières des étages est féérique. On voit la scène à niveau, c'est impeccable. 

Je trouve cependant la balance avec l'orchestre bien moins bonne que depuis le Family Circle, et je discerner ai bien mieux les petits détails musicaux le samedi, depuis le haut de l'opéra. 

Expérience que je ne regrette pas d'avoir tentée, mais que je ne chercherai pas à renouveler. 

Production de Richard Eyre


La production de Richard Eyre se donne ici depuis 2014, je crois, et elle fonctionne bien. Placée dans les années 1930, elle offre des costumes qui indiquent clairement les classes sociales. Le décor est basé sur une tournette qui permet des changements de décor sans rupture. Quatre hauts cylindres métalliques, ouverts sur l'extérieur, créent les quatre lieux de l'action. Le jardin est particulièrement enchanteur. 

Rien de bien révolutionnaire dans tout ça, mais on se régalé d'une direction d'acteurs très fine et précise qui ne laisse aucun personnage dans l'ombre, même pas Antonio et Don Curzio. 

Les gags sont bien réglés et contrebalancés par un comte vraiment inquiétant et menaçant, avec une violence pas toujours aussi mise en évidence. Il faut dire qu'on bénéficie du jeu de Gérald Finley, excellent acteur qui compose un personnage complexe et aux multiples facettes ! 

Une distribution formidable

C'est un magnifique plateau que le Met à réuni pour cette énième reprise. On retrouve les familiers de la maison, le solide Paul Corona en Antonio et l'inusable Tony Stevenson, à la voix toujours percutante, excellent interprète familier de la maison. Le Charles Anthony (un ténor très souvent à l'affiche jadis) de notre époque. 

Tony Stevenson, Giuseppe Filianoti, Maurizio Muraro, Elizabeth Bishop 

Giuseppe Filianoti, magnifique interprète de tant de premiers rôles, est aujourd'hui distribué en Don Basilio. La voix me semble moins ample qu'il y a quelques années, et la tessiture pas commode du rôle lui demande d'audibles efforts techniques, mais on a plaisir à retrouver ce timbre si caractéristique, très présent dans les ensembles, et son personnage cauteleux est un régal. Dommage qu'on l'ait privé de l'air In quell'anni

Bartolo, c'est Maurizio Muraro, un familier du rôle, que j'ai encore applaudi là-dedans l'été dernier à Aix. C'est un délice de le retrouver dans un emploi dont il connaît toutes les finesses, et sa Vendetta est impeccable. 

Elizabeth Bishop, Gerald Finley

A ses côtés, Elizabeth Bishop incarne une très drôle Marcellina, avec tous les éléments de l'emploi. Elle aussi est privée de son air, Il Capro e la capretta, et in ne peut que le regretter. 

Gerald Finley s'avère un Conte d'anthologie. Comme je l'ai écrit plus haut, son interprétation très complexe est un régal. La voix, riche, nuancée, convient au rôle et il nous offre un Hai già vinto la causa superbe d'autorité, dans leque' les sentiments défilent tour à tour. 

Sasha Cooke, Meigui Zhang, Paul Corona

Deux Chinoises dans la distribution. La première, Meigui Zhang, enchante les oreilles dans L'ho perduta avec ses aigus cristallins et son souffle long. Sans doute une future Susanna ! Je n'oublie jamais que j'ai entendu en Barbarina Natalie Sessay (dans ses presque débuts sur scène) et Jeannine de Bique ! 

Le mardi, Sasha Cooke met du temps à se chauffer et dans son Non so più, elle a bien du mal à envelopper son registre aigu de chaudes harmoniques de mezzo, même si le problème est réglé dans un Voi che sapete élégant. 

A la représentation suivante, le samedi, la chanteuse s'est méfiée et cette fois elle réussit à merveille son aria agitata. L'égalité de timbre est bien là, et surtout avec les harmoniques nécessaires. J'apprécie davantage les mezzos travestis mozartiens (Sesto, Idamante) quand les timbres sont chauds et bien graves, nettement moins quand ce sont des voix tirant vers le soprano. 

Le personnage dessiné par Sasha Cooke est réussi, et même si on lui en fait faire un peu trop quand elle se déguise en jeune fille, c'est une belle performance. 

Tony Stevenson, Giuseppe Filianoti, Maurizio Muraro

Ying Fang, Sasha Cooke, Meigui Zhang 

La deuxième Chinoise distribuée est Yong Fang, qui remplace en Susanna Aida Garifullina initialement prévue. Ce n'est sans doute pas très évident pour les chanteurs restés en Russie d'honorer leurs engagements dans le monde ! La distribution de la prochaine Pikovaya Dama à Toulon a largement évolué selon les dernières péripéties. 

Dans le cas présent, nous n'avons rien perdu. J'avais jusqu'à présent entendu cette chanteuse dans de petits rôles, dans Elvira de  L'Italiana in Algeri et dans Jenufa. Depuis elle a fait beaucoup de chemin et est passée à des rôles d'une tout autre importance. Sa Susanna, qu'elle a aussi donné à Paris cette année, est une merveille. Style impeccable d'élégance et de musicalité, avec des lignes extrêmement soignées, aigus infiniment purs, on ne regrette rien. Le personnage est tout aussi intéressant, montrant beaucoup de fraîcheur mais aussi une sagesse avisée. Parfait. 

Federica Lombardi, Christian van Horn

Autre réjouissance, la merveilleuse Contessa de Federica Lombardi, qui dépasse encore sa belle Elvira que j'avais applaudie ici. La voix est de toute beauté, avec des aigus de diamant exceptionnels, et un style d'un raffinement et d'une noblesse rares, manifesté notamment dans un legato sophistiqué. 

La douleur et la distinction sont bien là, et elle rejoint le Panthéon des grandes interprètes que j'ai entendues dans le rôle, Margaret Price, Renée Fleming, Lucia Popp, Lella Cuberli, Soile Isokiski ou Dorothea Röschmann ! 

J'entends Christian van Horn deux mois seulement après avoir applaudi son beau Don Giovanni à Paris. Le mardi, je le trouve un peu court de voix, avec des notes tenues raccourcies et des récitatifs qui semblent parfois manquer de projection. Il retrouve ses moyens le samedi (et un timbre plus sombre, ce qu'on entend dès Non più andrai) pour camper un Figaro percutant, qui culmine dans Aprite un po' racé, construit avec intelligence. 

James Gaffigan, que j'entends trois fois dans la semaine, est particulièrement à son affaire. Il dirige avec beaucoup de vie et de souplesse, faisant dialoguer sans cesse son orchestre avec les chanteurs, retenant souvent des tempi vifs mais laissant respirer la musique. 




James Gaffigan


Elizabeth Bishop

Meigui Zhang 

Sasha Cooke

Ying Fang


Avec Federica Lombardi 

Avec Maurizio Muraro 

Tony Stevenson 

Avec Gerald Finley


Christian van Horn


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