Pages

vendredi 28 août 2020

La ville antique d'Ostie (4)


C'est dans la dernière partie, vers la Porta Marina, que demeurent les impressionnants vestiges des immeubles à étage et d'une luxueuse villa décorée de fresques raffinées.

Après les première, deuxième et troisième parties, je continue ma visite...

La basilique chrétienne



C'est la découverte d'un chrisme, ☧ , la combinaison des lettres X et P au début du mot Christ en grec, qui permit d'identifier ce lieu. Elle fut aménagée dans une domus, une demeure privée donc, à la fin du IVe siècle.


La nef bordée de colonnes débouchait sur l'abside arrondie. C'est le plan basilical classique, longtemps perpétué dans les églises romaines. C'est à San Giorgio in Velabro qu'on peut le mieux retrouver ces édifices paléochrétiens.





Ce quartier se développa à l'époque de Trajan et plus encore d'Hadrien.  La densité de population augmentant, on édifia des immeubles à étages proches des entrepôts. De nombreuses boutiques sur les façades complétaient les revenus fonciers des propriétaires.


Le plus souvent, on pénétrait dans les Horrea, les entrepôts, par une seule porte à l'architecture de briques.



Le réseau des insulae, ces immeubles à étages, reste incroyable aujourd'hui.



On n'a aucun mal à se représenter ces appartements certes nombreux, mais dont la décoration soignée montre qu'ils s'adressaient à une classe sociale au moins moyenne, sinon davantage. L'accession au logement !


Cela me semble bien une des spécificités des vestiges d'Ostie ; la luxueuse Herculanum, fabuleusement conservée, et les maisons ornées de Pompéi ne présentent pas cet habitat, et je pense qu'à Rome même, les insulae ont soit disparu, soit été absorbées dans des reconstructions. C'est un privilège rare que de voir ces immeubles antiques.




Le sacellum, un petit sanctuaire, comprenait trois nefs séparées par des colonnes. La divinité honorée est inconnue ; on a pensé au populaire Mithra, mais on ne trouve aucun des éléments caractéristiques. L'hypothèse la plus vraisemblable s'appuie sur la découverte d'une statuette représentant Dionysos.



On avait directement accès au sacellum par un passage couvert au milieu de boutiques et d'ateliers. On suppose donc qu'il était fréquenté par les habitants des immeubles et ceux qui y travaillaient.



Dans le réseau de couloirs qui desservait les échoppes et entrées d'immeuble, la fresque des chars a miraculeusement survécu.



Deux biges, des chars à deux tirés par deux chevaux, sont conduits par d'émérites jeunes gens qui brandissent couronne et branche de laurier.





Les maisons au jardin, plus anciennes, remontent à 130 -J.C., mais elles furent réaménagées ensuite pour les doter des boutiques qui se multipliaient dans le quartier. Pas question de renoncer au profit ! Ou de se priver du commerce de proximité.


 Ce spacieux ensemble résidentiel à trois étages s'articulait autour d'un jardin que décoraient six statues. Un logement agréable, entre la mer et le centre-ville. Cela devait faire des envieux !


 Ce que je trouve particulièrement fascinant ici, c'est ce visage qui nous est offert de l'urbanisme romain ; des constructions confortables dans un réseau qui me semble très dense, et où il est facile de se représenter la vie quotidienne.




L'insula aux Hiérodules



Protégée sous une structure vitrée, cette insula nous présente encore un état de conservation vraiment exceptionnel.


Cette demeure, de  l'époque d'Hadrien, était bâtie sur deux niveaux. Le rez-de-chaussée comprenait un vestibule, un grand couloir éclairé par plusieurs baies, une cuisine et plusieurs pièces de réception.






 Le nom attribué à cette insula provient des hiérodules, des esclaves rattachés à un temple, qu'on a reconnues dans ses peintures.


Je me demandais s'il s'agissait de prêtresses ou d'employées de service, mais pas du tout ! Le terme désigne des "prostituées sacrées". Je ne peux en dire davantage...



 On a retrouvé récemment une inscription votive de la part de Lucceia, habitante de la maison ; on l'a donc rebaptisée "insula de la Lucceia primitive" mais il semble que son appellation précédente soit la plus courante, c'est donc celle que j'ai retenue.



La domus du nymphée




Au IIe siècle se dressaient ici deux immeubles, réaménagés deux siècles plus tard en une riche demeure . Sa cour était dotée d'un nymphée, un bassin avec une fontaine.



De sa décoration précieuse nous est parvenu un remarquable pavement en marqueterie de marbres selon la technique de l'opus sectile.


J'y retrouve une version plus élaborée du motif de nœud précédemment rencontré ; toujours la même question, s'agit-il du nœud gordien ?


Voici le nymphée, un beau bassin en marbre.


La caupona d'Alexander et Helix



Cet édifice occupait la tour qui flanquait la Porta Marina, la porte qui donnait à l'accès à la ville depuis la mer.


Au IIe siècle, il s'agissait d'une simple boutique, qui fut transformée un siècle plus tard en une caupona, une auberge. On y ajouta des comptoirs et des vasques en marbre ainsi que le pavement en mosaïque. Les deux lutteurs, peut-être des célébrités de l'époque, y sont nommés, Alexander et Helix.


Sans lien direct apparent, voici également une Vénus nue avec un petit Cupidon.


La Porte Marine ouvrait sur la ville, creusée dans l'enceinte.


Comme à l'autre extrémité de la ville, on retrouve les constructions mortuaires, comme ce tombeau de Catilius Poplicola, en travertin recouvert de plaques de marbre.

J'ai traversé toute une ville antique. Je n'ai plus qu'à remonter en repérant les édifices que je n'ai pas vus.







Le temple de Rome et d'Auguste fut construit sous Tibère ; il en reste peu de vestiges mais la statue exposée sous le fronton était une allégorie de la ville de Rome.

Je le répète, Ostie est une visite fabuleuse, très facile à organiser depuis Rome. Il faut prévoir une bonne demi-journée pour explorer le site en entier et bien vérifier la météo. En été, ne pas oublier de se munir d'eau. Mais c'est vraiment l'occasion de vérifier in situ l'urbanisation d'une ville antique.


Je regagne Rome sans difficulté et peux enfin avoir droit à un dessert ; après ma pizza aux légumes grillés, vive la pannacotta aux fruits rouges !


2 commentaires:

  1. Et on termine cette fabuleuse visite en beauté avec cette villa et ses extraordinaires fresques. J'aimerais bien en savoir davantage sur ces prostituées sacrées dont je n'ai jamais entendu parler. Si vous en apprenez davantage, n'hésitez pas à développer !
    En tout cas, félicitations pour cette exceptionnelle série d'articles, de loin la plus complète qu'on puisse trouver sur Internet.
    Michèle

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup, Michèle.
      Concernant ces hiérodules, il semble que la prostitution trouve ses origines dans ces pratiques religieuses souvent liées au culte de la fertilité, au départ dans les rites mésopotamiens. Hérodote en parle, je crois. Je n'ai pas vraiment fait de recherche là-dessus et je me demande si le point a vraiment été approfondi. Quoiqu'il doit bien exister de brillants professeurs d'universités qui aient fait des recherches ou des doctorants qui aient publié des thèses sur la question ! Je ne souhaite pas faire de ce blog un creuset pour spécialistes (ce que je ne suis absolument pas) et la vulgarisation reste un but pour moi.

      Supprimer

Un grand merci de prendre le temps de laisser un commentaire. Je promets de le lire aussi vite que possible.
N'hésitez pas à signer votre message, ce sera encore mieux : je n'ai AUCUN moyen de connaître votre nom, votre e-mail, ou votre blog.
Si vous préférez que vos coordonnées n'apparaissent pas, mais que je vous réponde en privé, utilisez le formulaire de contact, accessible sur la version web du blog.