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mercredi 19 août 2020

Rome : Le Palais et la Galerie Corsini (2)


Après la première partie, voici la suite de ma visite dans le palais Corsini, avec une petite exposition Rembrandt.




La chambre de l'alcôve est décorée de chatoyantes fresques aux couleurs vives, peintes par l'entourage de Federico Zuccari ; elles présentent des scènes de l'Ancien Testament, autour de Salomon puis de Moïse.





C'est dans cette pièce qu'est morte la reine Christine, qui régna sur la Suède au XVIIe siècle. Le film avec Greta Garbo est ma principale source !


Au-dessus d'une statue de Fabrizio Ariguzzi, trois portraits religieux par Guido Reni.

Guido Reni, Le Christ couronné d'épines

L'expression intense du Christ est assez extraordinaire !

Gian Paolo Panini, Ruines avec des bergers

Panini est largement connu pour sa peinture d'une salle de théâtre, exposée au Louvre. Il s'insère ici dans le genre des "ruines animées" qui se développe tout au long du XVIIIe siècle. En France, Hubert Robert rencontre le même succès avec ses descriptions de ruines romaines.

Cesare Gennari, La Justice

Classique représentation allégorique avec la balance.

Charles-Louis Clérisseau, Le Panthéon

Le peintre français produit une toile à valeur documentaire ; ainsi il n'était pas rare de croiser des bœufs devant le Panthéon !

Copie de Palma Giovane, Saint Sébastien

Version tourmentée alors que le jeune homme se laisse généralement transpercer de flèches. Ici on est en train de l'attacher, me semble-t-il, pendant qu'un ange vient le couronner. Beaucoup d'animation en arrière-plan.

Le Bernin, Le Pape Alessandro VII

Dans la terre cuite, le génie du Bernin est tout aussi éclatant. Qualité de l'expression, textures (l'effet de tissu...).

Carlo Maratta, Rebecca et Eliezer

Eliezer, le serviteur d'Abraham, doit trouver une épouse pour le fils de son maître Isaac, et c'est près d'un puits qu'il rencontre Rebecca. Si Maratta tente une cape vaguement antique (mais habille Eliezer de pantalons, nettement moins connoté, même s'ils existaient déjà), il déplace sans hésitation le récit du Moyen-Orient à la campagne romaine.




Anonyme XVIIe siècle, Portrait d'homme

Deux portraits officiels qui ont réussi à saisir la vie du modèle.

Baciccia, Le Cardinal Neri Corsini

Andrea Orcagna, Le Couronnement de la Vierge

Petit panneau sur bois d'un des grands maîtres de la peinture médiévale. Le fond doré est à l'époque le moyen obligé d'exprimer le sacré.

Giovanni da Milano, Panneau avec scènes

J'avance souvent que le panneau à scènes multiples est l'ancêtre (non officiel) de la bande dessinée, mais c'est rarement aussi évident que sur celui-ci. Cela dit, l'organisation est assez surprenante, avec une Vierge à l'Enfant entourée de quatre scènes narratives, réduites à l'essentiel, et trois cases pour les portraits de saints. Petite coquetterie, le découpage de la case centrale est peint en trompe-l'œil et non sculpté.

Fra Angelico, Triptyque

Petite merveille inattendue, repérée dès mon entrée dans la salle par sa palette si intense, particulièrement ces bleus inimitables. L'effet de lumière obtenu par le dégradé, au centre, est fabuleux. La structure en X du triptyque (la partie dorée, en haut à gauche, répond à celle en bas à droite) est vraiment originale.

Maestro di Santa Verdiana, Triptyque

Également une composition inattendue, le panneau central se poursuit sur celui de gauche alors qu'il s'interrompt à droite pour la Crucifixion. Et pourtant l'Annonciation, au niveau supérieur, est bien répartie sur les deux.

Pietro Bracci, Le pape Clément XII


Ecole de Carlo  Maratta, Portrait de vieille dame


Francesco Trevisani, Marie-Madeleine

Étrange version d'une Madeleine que j'ai prise (de loin, je précise, je n'avais pas vu la poitrine) pour un homme !

Esteban Murillo, La Vierge au lait

On nomme Vierge du lait une représentation avec un sein visible, parfois deux. Murillo a peint avec une savante simplicité une brunette bien méditerranéenne.

Pompeo Batoni, Nativité

Très charmante petite Nativité, avec un effet d'éclairage à la chandelle maîtrisé. Baroni est un des grands peintres de retables dans le XVIIIe italien. 

Jusepe de Ribera, La Mort d'Adonis

Ribera, le grand maître espagnol, s'installa à Naples, où il sut retravailler intelligemment l'héritage du Caravage, s'imposer et influer sur les jeunes artistes de Campanie.

La toile insisté sur le mouvement et sur l'émotion, deux éléments-clef du baroque.

Simon Vouet, Hérodiade avec la tête de Jean-Baptiste

Comme Poussin ou Le Lorrain, Vouet vint à Rome, expérience artistique fondatrice de son art. Il y travailla intensément.

Ici l'originalité du tableau provient du personnage principal. Généralement c'est Salomé qui est représentée avec la tête de Jean-Baptiste mais ici Vouet peint Hérodiade, sa mère, qui lui souffle de réclamer ce présent à Hérode en échange de sa danse.

Gerard Seghers, Judith avec la tête d'Holopherne

L'autre tête coupée, classique de l'histoire de l'art, c'est celle de Holopherne. Le tableau insurpassable est pour moi celui du Caravage, et la Galerie en expose encore une autre version. Mais Seghers, un Flamand venu, comme Vouet, se frotter aux tendances romaines, réussit ici un chef-d'œuvre.

Gerard Seghers, Judith avec la tête d'Holopherne (détail)

L'éclairage totalement artificiel crée un dramatisme puissant qui met en évidence l'assurance de Judith et la foi en sa mission ; au contraire de l'extraordinaire servante du Caravage, celle-ci est interrogative. Et inquiète. La présence des femmes âgées était courante dans la peinture des  intérieurs flamands et hollandais, mais cette version de Seghers me semble particulièrement réussie. 

Gerard Seghers, Judith avec la tête d'Holopherne (détail)

La tête, déjà tranchée, ne se remarque pas immédiatement. Pourtant elle exprime bien horreur et stupeur, deux éléments que l'art baroque soulignait ici.

Luca Giordano, L'Entrée du Christ à Jerusalem

Le sujet est rarement traité dans l'art baroque alors que c'était un classique médiéval. Alors que les représentations sont généralement construites sur un seul plan, Giordano se débrouille pour former un cercle. La monture disparaît un peu mais la toile ne manque pas d'effet.

Orazio Riminaldo, Martyre des Saints Nérée et Achille

Deux saints de l'Antiquité romaine aux reliques vénérées de longue date. La violence du bourreau est impressionnante.

Luca Carlevarijs, Vues de Venise

Moins connu que Canaletto, Carlevarijs fascine ses clients par ses descriptions vénitiennes. Un vrai vedutiste.

Mattia Preti, Le Paiement du tribut

L'évangile selon Matthieu raconte que le Christ et ses Apôtres doivent payer un ttibut au percepteur pour entrer dans la ville de Capharnaüm. Masaccio a enrichi le Carmine de Florence d'une fresque fabuleuse, mais Preti, que j'apprécie de plus en plus, réalise un bien beau tableau. La lumière savante, distribuée depuis la gauche, éclaire le compte de l'argent ainsi qu'une splendide figure de Christ, qui observe silencieusement la scène. On sent cela ici, une concentration silencieuse. Beaucoup de spectateurs sont présents, dans la pénombre parfois, et l'enjeu de l'entrée dans la ville est mis en scène avec gravité.

Un grand peintre qui mériterait une exposition ! 

Francia, Saint Georges et le dragon

Stupéfiante réalisation de Francia, qui reprend le Saint Georges, avec dragon et princesse, tellement en vogue autrefois et le traite justement comme une scène légendaire du passé. Décor et palette fraîche semblent issus d'un livre d'heures médiéval !


Rembrandt 


Rembrandt, Autoportrait en Saint Paul

Le Rijksmuseum d'Amsterdam, prodigieuse caverne d'Ali Baba aux infinies richesses, a prêté un des autoportraits de Rembrandt dans ses collections.

L'autoportrait, c'est le sujet de la vie de ce peintre, qui a tenu à fixer ainsi l'évolution de ses traits en même temps que celle de son art. Saisissante compilation (lorsque on a la chance de voir une exposition de ses autoportraits, il ne faut pas la manquer tellement la comparaison est enrichissante), sans doute unique dans l'histoire de l'art.

Rembrandt, Ecce Homo

Autour de ce tableau, la Galerie a sorti de collections romaines quelques admirables gravures, un pan important de la production de Rembrandt. Certaines, comme l'Ecce Homo ou Les Trois Arbres, sont extrêmement connues, mais l'Adam et Eve est bien plus rare.


Rembrandt, La Dormition de la Vierge


Rembrandt, Clement de Jonghe


Rembrandt, Le Bon Samaritain


Rembrandt, Adam et Eve


Rembrandt, Le Christ guérit les malades


Rembrandt, Les Trois Arbres

Si le Rijks a prêté l'autoportrait de Rembrandt, c'est que ce musée accueille en échange tableau le plus précieux de la collection, un extraordinaire Saint Jean-Baptiste du Caravage, le tableau que je préfère de sa série sur ce personnage.


Le visage est presque totalement dans l'ombre, le violent contraste insiste sur les chairs et la cape, laissant les contours des attributs se dessiner en bas à droite.

Caravage, à son habitude, nous montre une personne plus qu'un saint ; ici un berger qui passe son temps en plein air, et dont on voit les traces du bronzage sur les avant-bras, les mains et l'encolure. Et le visage évoque plus un adolescent, aux traits un peu rudes, que l'enfant charmant souvent présenté.

J'étais venu ici pour le revoir ; heureusement, je l'avais déjà admiré lors d'une exposition ! 

1 commentaire:

  1. Only amazing works. And still great texts from our specialist !
    Thank you, this post is just brilliant.
    Annie

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