En route vers l'île des chevaliers !
Je suis un peu en avance et j'en profite pour déjeuner sur le café du port.
Les navires de croisière déversent leur cargaison de voyageurs à la journée. Ils ont droit à une excursion minutée, Grotte, Monastère, un peu de temps libre et hop, retour au bateau pour le déjeuner. Très peu pour moi.
L'aire d'attente du port va se remplir progressivement. Je discute avec Larry et Barbara, un couple de Highgate (au nord de Londres, le quartier des gastropubs) qui a passé une semaine à Leros chez des amis puis la seconde à Patmos, dans une micro-maison qu'ils ont louée. Petite mais charmante. Je vois leurs photos et effectivement, c'est ingénieusement équipé pour un bâtiment aux dimensions d'un studio.
Nous échangeons sur les cuisines britannique et française (un sujet sur lequel j'aime bien converser, pensant qu'il y a plus de proximité dans les traditions culinaires qu'on veut bien prétendre). Le Covid et le Brexit deviennent des sujets obligés. Tous les sujets voyageurs du Royaume-Uni connaissent des gens vivant en Europe dans une situation épouvantable, et c'est évidemment leur cas. Leur amie Bridget s'est installée dans le Périgord et elle se demande si elle ne va pas devoir revenir en terre d'Albion...
J'ai réservé presque tous mes billets auprès de Blue Star Ferries, mais le trajet de ce jour n'était assuré que par Dodekanisos Seaways, une compagnie qui, comme son nom l'indique, se concentre dans le Dodécanèse.
Ce terme désigne l'archipel oriental de la Méditerranée et signifie "les douze îles", même s'il en comprend en fait plus de cent cinquante.
Je commence à connaître les étapes successives : vérification du document de santé grec, du passeport puis du certificat de vaccination. Je dois récupérer mon billet mais effectivement, il m'attend sagement à bord. Tout va bien.
Rhodes, ma prochaine étape, est la destination la plus lointaine de ce voyage, mais j'y tenais absolument. D'ailleurs, les deux îles que je souhaitais vraiment voir sont les premières que j'aurai visitées, Patmos et Rhodes.
On frôle la côte turque et d'ailleurs, Bouygtel m'envoie un SMS m'indiquant que je suis en Turquie et me signale les onéreux tarifs qu'il impose sur cette destination. Je m'empresse de couper ma connexion, vu le prix de l'octet !
Le ferry de Dodekanisos s'avère plus modeste que le précédent mais la boutique y est ouverte. J'y achète un sandwich à 2,50 €, vraiment un prix raisonnable pour un bateau.
Nous sommes tranquilles : les canots de sauvetage sont présents, enfermés dans des conteneurs cylindriques.
La traversée dure six heures et mon programme s'écoule ordinairement. Sieste, préparation des articles à venir, tri des photos et réalisation des titres. L'embarcation remue plus sensiblement, faute au meltemi qui s'est remis à souffler.
L'itinéraire prévoit une série d'escales : Leros, Kalimnos et Kos. Chacune apporte un peu d'animation dans la traversée. Leros a la réputation d'une île épargnée par le tourisme de masse qui assure un séjour agréable.
Je suis tout de même étonné de retrouver ces paysages arides, comme à Patmos. Les photos des îles grecques montrent presque toujours la côte DEPUIS l'île, donnant l'impression d'un paysage paradisiaque et évitant soigneusement les pentes désertiques. Partout cependant on voit des restes de cultures en espalier qui m'interrogent. Ces îles étaient-elles verdoyantes, jadis ? Les changements climatiques récents sont-ils responsables du phénomène ?
Plusieurs des ports aperçus sont garnis de fortifications. Moins impressionnantes qu'à Rhodes mais suffisantes pour rappeler que ces îles aiguisaient la convoitise des envahisseurs et pirates.
Quant aux styles des édifices que je pense historique, c'est la surprise. L'influence qui me vient spontanément en tête, c'est le style arabo-andalou !
Je vérifie sur le GPS, c'est bien la côte turque. Nous en sommes vraiment tout proches.
C'est l'heure du couchant. Le soleil s'incline rapidement tandis que nous atteignons Rhodes.
Très vite les fortifications se découpent à l'horizon.
L'arrivée au port est particulièrement spectaculaire ; on a l'impression qu'on pénètre dans la fortification.
Les ports sont souvent des lieux séculaires ; la géographie a dessiné une baie abritée, retenue depuis longtemps comme lieu favorable pour protéger les embarcations, et on n'a fait que modifier les aménagements au fil des siècles.
Ici on a l'impression qu'on entre directement dans la ville médiévale.
Je sais que Rhodes est la plus grande forteresse européenne habitée sans discontinuité depuis le Moyen-Age, et ces murailles semblent immenses. Les deux tours massives qui protègent l'étroite porte donnent le ton.
Voilà une nouveauté : le bateau-boutique de souvenirs. Je n'ai plus vu cela depuis le Vietnam !
Je suis aveuglément l'itinéraire de Google Maps, qui me fait passer par une porte exigüe à l'extrémité de la muraille.
En fait le port se prolonge de l'autre côté. Il est rempli à craquer de bateaux de plaisance. Certains prennent l'apéritif en contemplant les promeneurs, à moins que ce soit pour exhiber leurs signes extérieurs de richesse.
Rhodes fut une célèbre île multiculturelle, et les influences architecturales en témoignent. De loin, j'avais pris ce bâtiment portuaire pour une mosquée. Il s'agit du Nea Agora, l'ancienne criée aux poissons devenue un ensemble de restaurants.
L'Eklesia Evangelista semble une vénérable église médiévale, mais cette cathédrale orthodoxe fut reconstruite durant la période du fascisme italien. L'histoire de l'île est très complexe et troublée.
C'est ici que se dressait le fameux Colosse de Rhodes. Charès de Lindos érigea en - 292 cette statue de bronze de trente mètres de haut qui gardait l'entrée du port. Elle représentait Hélios, le dieu du soleil, dont le visage, presque toujours identique, n'avait sans doute rien de commun avec cette gravure très libre.
Elle suscita tant d'admiration qu'on la classa parmi les Sept Merveilles du Monde. Malheureusement un séisme la brisa, seulement soixante-cinq ans après qu'elle fût dressée. Les vestiges métalliques demeurèrent en place plusieurs siècles et furent finalement vendus au VIe siècle.
Le projet de reconstruction né il y a quelques années et basé sur des dons internationaux (la Grèce n'a plus les moyens d'une statue semblable !) n'a toujours pas vu le jour.
La Banque de Grèce affiche l'air sévère et respectable qui caractérise ce type d'établissement.
Je poursuis en quittant l'avenue littorale et me retrouve dans une zone emplie de restaurants et d'hôtels. Je passe devant le mien sans m'en rendre compte, d'ailleurs.
L'Amaryllis Hotel me prodigue sa literie confortable, un réfrigérateur fonctionnel et une climatisation efficace.
La Wifi assoupie, la salle de bains désuète et des angles de lit aigus (et comme l'espace entre le lit et la porte de la salle de bains n'est pas large, je m'y écorche à plusieurs reprises) devraient toutefois être améliorés.
J'ai repéré un restaurant qui servait de la soupe en venant à l'hôtel. En m'y rendant, je vois une partie de foot sur le parvis de l'église.
Sans avoir la moindre conscience des désagréments qui m'attendent, je me régale avec une soupe à la tomate et au fromage que j'accompagne d'une Fix à la pression.
Une moussaka. Je n'en ai plus mangé depuis celle d'Athènes ! Version pommes de terre + aubergines + viande et tomates + béchamel, l'empilage le plus courant dans le pays.
Le seul dessert proposé est anodin ; une glace couleur café, une sauce teinte chocolat et un gâteau au noir de charbon. J'ai le sentiment de produits industriels où rien n'a de goût, même pas la glace.
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