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samedi 28 août 2021

Patmos : le musée du monastère de Saint Jean


 Haut lieu lié à Saint Jean, le monastère abrite des trésors depuis des siècles, dont certains sont conservés dans ce beau petit musée.

Le monastère fut fondé par un moine qui avait vécu à Jérusalem, sanctifié sous le nom de saint Christodoulos de Patmos, épaulé par l'empereur Alexis Comnène.

L'acte de fondation signé par l'empereur en 1088 est fièrement exposé.

Si, dans l'Antiquité, les grandes bibliothèques étaient civiles, ce sont surtout les monastères qui, au Moyen-Age, devinrent gardiens du livre. C'était également, à travers les scriptoria où les moines copiaient inlassablement les textes, le principal lieu de production.


Le monastère de Saint Jean fut très largement doté d'un ensemble prestigieux, une des plus considérables collections de livres de l'époque. Le musée ne présente que quelques exemplaires de la collection de treize mille (oui, tout de même !), comme cet Évangéliaire du XIIe siècle, cependant la bibliothèque a été soigneusement entretenue au fil des siècles. Durant ma visite, j'ai entrevu une salle moderne où une jeune fille consultait un volume à une table avec ses mains gantées.

Les portraits de saints me posent toujours de gros problèmes d'identification. Ceux qui portent l'étole à motif de croix sont bien trop nombreux. Je me limite à constater de beaux portraits, pour la seconde icône particulièrement.

Comme dans l'art catholique, l'icône est de toutes dimensions, et atteint parfois une vraie miniaturisation. Ce n'est pas le cas de celle-ci, qui me paraît avoir subi une forte influence italienne dans sa représentation en bandes de scènes de la vie du Christ.

Baptisés "mitres", ces couvre-chefs religieux sont décorés d'une superbe broderie en relief.

La forme du corps de la Vierge sur la représentation de la Nativité semble canonique, et je repère toujours plus vite ce corps en L que l'enfant, proprement saucissonné.

Je trouve ici la composition inhabituelle. L'artiste a isolé la Vierge sur un plateau rocheux, fortement plastique, pour disposer autour une série de scènes : Joseph dans les champs (peut-être apprenant la nouvelle), le bain, des anges émerveillés dont un se détache pour prévenir les bergers.

Une autre icône transportable qui forme un diptyque, la partie gauche se refermant dans l'arche. Parmi les bandes descriptives, je retrouve en bas en droite la Croix entrônée que j'avais vue à la Métropole, à Mystra.

Je m'étais attendu à ce que ce monastère de Saint Jean soit inondé d'icônes du saint titulaire. C'est loin d'être le cas. En outre on précise le Théologien (pour une fois, ce n'est pas difficile à lire, en haut à droite), nom qu'il porte dans la dédicace du monastère. Le livre étroitement serré pourrait être le manuscrit de l'Apocalypse, que la tradition associe à lui.

Une icône bien complexe, de belle facture, qui multiplie les scènes originalement présentées dans des groupes de nuages. Au centre, autour d'une délicieuse représentation d'un monastère enserrant un jardin dans ses murs, se font face le Christ et Jean-Baptiste avec une fontaine (le Baptême) et Constantin et Hélène pour la Découverte ou l'invention de la Croix.

Le style symbolique de l'icône a laissé place à davantage de réalisme : palette élargie, forte perspective, traitement des groupes, et même un peu de mouvement.

L'Annonciation est privilégiée dans l'art byzantin ; c'est la représentation obligée sur les portes de l'iconostase, et je n'ai vu dans l'art orthodoxe que de rarissimes exceptions. La construction rose derrière la Vierge semble une vraie fantaisie.

La rencontre de Pierre et Paul et l'accolade fraternelle, bien lointaine à l'heure du Covid.

On voit que l'artiste a utilisé les échelles pour structurer fortement sa Descente de Croix. Je suis toujours intéressé par le travail sur le cadre lorsque les personnages débordent sur la frise.

L'inévitable "trésor" composé d'objets d'orfèvrerie est souvent un indice de la richesse du monastère. Celui-ci est de toute façon opulent et possède plus de la moitié des propriétés de l'île de Patmos.

La Mise au tombeau est toujours une oeuvre intéressante car les artistes travaillent les émotions des personnages qu'ils individualisent fortement. Mais ici, je vois beaucoup d'éléments inhabituels : la foule nombreuse à l'arrière-plan, surmontée d'anges qui volettent dans le ciel doré ; le corps entouré de bandelettes quand notre tradition occidentale renvoie à un Christ simplement vêtu du pallium ; et le personnage de droite, Nicodème ou Joseph d'Arimathie, qui est descendu dans la tombe pour faciliter l'opération.

Ce problème de bandelettes m'interroge et je me demande si cela n'obéit pas à une logique de pays chaud, où les températures obligent de rapides opérations de thanatopractie pour éviter la décomposition du corps.

Dans la Bible, Elie est nourri par un corbeau qui lui apporte du pain, image divine comme la colombe. Le style me fait penser à l'école siennoise ; de toute façon, on voit que les frontières entre domaines artistiques catholique et orthodoxe étaient très perméables.

L'étage expose les pièces plus volumineuses et rappelle le passé antique de l'île.

Impeccable, cette fresque détachée avec une série de saints guerriers.

Abondance de dorures pour cet objet porté en procession, peut-être d'influence vénitienne.

Ici c'est clairement l'orient qui apparaît dans la marquèterie. A Patmos, le Turquie n'est qu'à quelques encablures et ce mobilier ne déparerait pas dans une mosquée.

On a transporté ici une iconostase en bois, assez frappante par la taille des icônes. Cette opposition de Vierge à l'Enfant et du Christ Pantocrator, tout deux en trône, me semble également inusitée.

Beau fragment de fresque avec un rideau en trompe-l’œil  qui soulige l'architecture de la niche.


Mais, chose incroyable, le musée ne semble pas compter de Saint Jean à Patmos, scène pourtant fréquente en peinture où on représente le saint dans l'acte d'écriture. En voici deux pour compenser.

Un Jerome Bosch qu'expose la Gemäldegalerie à Berlin, où le peintre a glissé un de ses petits monstres préférés.

Plus classique, un Ghirlandaio de Budapest, une des très belles œuvres de ce musée un peu déroutant.


Et je ne peux manquer la coupole de la cathédrale de Parme où Le Corrège nous présente la vision, en nous mettant à la place de Saint Jean.

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