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mercredi 26 février 2020

Moscou : Le Conte du Tsar Saltan (Bolchoï)


Magnifique représentation d'un des plus beaux opéras de Rimsky-Korsakov.

En Russie, au moment du groupe des Cinq, on fait beaucoup pour exploiter le patrimoine national. Moussorgsky s'occupe de l'histoire (Boris Godounov, Khovanchina), Borodine travaille sur le plue célèbre texte médiéval (Le Prince Igor), et Rimsky-Korsakov se passionne pour les contes : La Fille des neiges (Snegourochka), Sadko, Kitege...

Ce Conte du Tsar Saltan est mon préféré chez Rimsky-Korsakov, avec sa musique inventive (une orchestration remarquable sur laquelle le compositeur déclarait avoir énormément travaillé) et son livret très réussi. Le nom ne parle pas forcément aux amateurs de musique et pourtant, il est largement connu pour son passage du Vol du Bourdon, où le jeune homme transformé en bourdon pique les trois mégères à la paupière.

Le Tsar Saltan tombe amoureux d'une jeune fille et l'épouse, au grand dam des deux soeurs de celle-ci et d'une sorcière. Le trio maléfique réussit à faire expulser la tsarine et le tsarévitch, enfermés dans un tonneau jeté sur les mers. Mère et fils débarquent sur une île "déserte" sur laquelle ils vivront. Le tsarévitch rencontre la princesse cygne, en tombe amoureux à son tour, et finira par rentrer au pays rencontrer son père.

Production Alexei Frandetti



La magnifique production d'Alexei Frandetti repose sur deux idées de base : tout d'abord, traiter à fond le conte, avec ses éléments exagérés (le trio maléfique se dépense beaucoup en grimaces), son aspect comique, et son merveilleux.



La seconde idée est d'opposer l'ancien monde, celui du tsar, avec des costumes médiévaux (à la Boris Godounov pour faire simple), à celui du tsarévitch sur son île. Ce dernier est clairement identifié ici à Pierre le Grand, et les décors permettent de retrouver Saint Petersbourg avec Saint Isaac, Saint Sauveur sur le Sang Versé, la cathédrale des saints Pierre et Paul...


La production se détache du clacissisme par la sobriété du décor, notamment une grande boîte au centre de la scène qui s'ouvre en déployant les côtés et permet des changements rapides. Mais quelle beauté dans ce décor bleu transparent, magnifié par les éclairages ! Une vraie féerie.


C'est un spectacle absolument enchanteur, où on réagit comme des enfants en s'émerveillant de tout. On a droit à des acrobates et des jongleurs (excellents les uns et les autres, n'oublions pas que Moscou est une ville de cirque), plusieurs ballets, dont un, dansé par les acrobates, évolue en plein air.


Les costumes sont d'une grande inventivité et absolument somptueux.

C'est une production vraiment exceptionnelle. N'importe quelle grande scène devrait la faire passer pour le bonheur de son public !


Les acrobates bourdons






La distribution du jour




Malgré plusieurs changements, dont un hier, la distribution offre la qualité attendue de la grande maison. Les marins Maxim Paster, Nikolay Kanzansky et Alexander Borodin brillent par leurs qualités vocales, même si  le ténor est un peu en retrait devant les voix puissantes de ses deux collègues clef de fa.


Je ne connaissais ni Rauf Timergazin ni Andrey Potaturin, deux jeunes artistes aux voix déjà très faites, puissantes, expressives.


Le trio des mégères bénéficie de Svetlana Lachina et d'Alina Chertash, les deux soeurs, complétées par la plus connue Elena Manistina. C'est un régal de jeu (on se croirait parfois à Guignol) et de musicalité, avec des couleurs très marquées pour les trois.




Andryi Goniukov est une vraie basse russe : voix large, profonde, plutôt sombre, avec un phrasé ample. Son Tsar Saltan est un régal.



Bekhzod Davronov est un inconnu pour moi ; c'est lui qui interprète le Tsarévich Gvidon, rôle long et exigeant. La voix n'est pas très puissante mais lumineuse et dotée d'un registre aigu solide, et l'interprète maîtrise toute la gamme dynamique, en se montrant capable de belles attaques en aigu piano.


La princesse cygne, c'est Anastasia Sorokina, aussi gracieuse par son interprétation scénique que par son chant ravissant et la beauté de sa voix. Elle nous offre quelques moments de beauté absolue dans la soirée.



Ekaterina Morozova incarne la malheureuse Militrisa, la tsarine, avec une voix magnifique, beaucoup d'émotion, et un festival de couleurs variées tout au long de la soirée. C'est somptueux.



Tugan Sokhiev dirige tout son monde d'une main de fer, sans lâcher la bride à quiconque, en foudroyant du regard le cor qui vient de lâcher une fausse note ou en reprenant les choeurs dont la précision rythmique ne lui suffit pas. Direction très rigoureuse donc, extrêmement équilibrée, toujours à l'écoute de la scène, et très narrative. Le chef mène un discours de bout en bout, et il ne perd jamais le fil. Un vrai plaisir.


C'est donc un spectacle enchanteur auquel j'ai assisté et je comprends son succès ! J'espère une sortie en DVD, des passages à l'étranger, des séances au cinéma, pour que tout le monde puisse en profiter sans venir forcément à Moscou !


4 commentaires:

  1. Vivement une retransmission !
    Bises
    Mjo

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    Réponses
    1. Oh que oui ! C'est un bonheur total que ce spectacle !
      Un cadeau du ciel pour le 23/02.

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  2. This show was wonderful for sure!
    I feel as if I attended it!
    Annie

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