Aussi incroyable que cela paraisse, il faut remonter à 1962 pour voir au Staatsoper une production de cet opéra ! On doit donc remercier Dominique Meyer, le directeur français du Staatsoper, d'avoir programmé cette œuvre merveilleuse.
C'est un des opéras du XXe siècle qui marche le mieux auprès du public, tout le monde ressort invariablement le sourire aux lèvres. Outre l'excellence du livret (un Shakespeare de la meilleure veine, magnifiquement adapté), la musique de Britten est enchanteresse. Il faut dire que, si Mendelssohn et Weber avait superbement réussi leur adaptation (je n'ai jamais vu celle d'Ambroise Thomas), Britten s'y est entendu pour une partition aux effets surnaturels, en utilisant au mieux les voix d'enfant ; je trouve que c'est l'œuvre où ces dernières sont le mieux exploitées, devant Carmen ou Pikovaya Dama.
Personnellement, j'adore tout Britten, mais les œuvres que j'ai le plus vues sont le quatuor Peter Grimes, Midsummer, Turn of the Screw, Billy Budd, trois chefs-d'œuvre. Et j'ai de la chance, après celui de Montpellier au printemps dernier, j'en ai encore un qui m'attend avant la fin de la saison.
La production d'Irina Brook
Comme beaucoup, j'ai été très marqué par la production magique de Carsen à Aix, vue à la création et lors des reprises, et je constate avec plaisir lors de nouvelles productions combien d'autres voies sont possibles. L'idée de mise en scène définitive me semble une aberration pure.
Ici le décor unique représente un manoir, sans doute anglais, décrépit. Il est hanté par de mystérieuses créatures : un serpent géant qui semble sorti de Zauberfloete puis le peuple des fées.
Les couples princiers sont des étudiants avec sac à dos et uniformes High School, venus explorer l'endroit et s'offrir quelques émotions. Ils ne seront pas déçus !
Quant aux artisans qui donneront Pyrame et Thisbé, ils viennent là pour restaurer les lieux. Tout semble évident.
La production tourne largement autour de Puck, la créature aux ordres d' Obéron, un véritable feu follet bondissant qui paraît effectivement surnaturel.
Alors que la production de Carsen insistait sur la magie, que d'autres choisissaient le conte, ou même la relecture sociale, celle d'Urina Brook me semble d'un naturel incroyable, comme si tout ici allait de soi. Logique que Bottom ait fabriqué un bouclier avec un abattant de WC ou que la robe de Flute tienne avec de la rubalise !
Il faut aussi souligner l'excellence de la direction d'acteurs, où chaque personnage est caractérisé, même les épisodiques Theseus et Hippolyta. Les "acteurs" tirent de la pièce Pyrame et Thisbé tout le potentiel comique, et la salle pleure de rire.
La scène finale, avec la scène éclairée de centaines d'étoiles, trouve la beauté apaisée que cette musique irradie. Émotion au rendez-vous.
Grande distribution
Peter Kellner, Szilvia Vörös |
La distribution est au diapason de la qualité de la mise en scène, entremêlant membres de la troupe et solistes invités, tous extrêmement engagés.
Les enfants proviennent du Kinderchor et sont excellents.
Theseus est interprété par Peter Kellner, que j'avais découvert dans Les Troyens et
Szilvia Vörös, peu après Die Frau ohne Schatten, chante Hippolyta avec une voix superbe, riche et colorée.
William Thomas, Clemens Unterreiner, Wolfgang Bankl, Thomas Ebenstein |
Les ouvriers sont parfaits, avec, comme je l'ai dit, un vrai talent comique : Thomas Ebenstein (que je connais depuis des années, quand il faisait partie du Komische Oper de Berlin) interprète un Snout hilarant, Clemens Unterreiner (lui aussi peu après Die Frau) est un Starveling très engagé. J'entends pour la première fois
William Thomas, Snug, une jeune basse à la voix déjà impressionnante.
Peter Kellner, Szilvia Vörös, Benjamin Hulett, William Thomas, Clemens Unterreiner |
Benjamin Hulett a une vraie voix de ténor anglais, placée haut et très projetée, et son Flute est un régal.
Raphael Fingerlos, Valentina Nafornita |
Rafael Fingerlos (encore un déjà employé dans Die Frau) s'avère un Démétrius très présent, avec de belles couleurs et Valentina Nafornita une exceptionnelle Helena. La puissance et la palette en font sans doute la meilleure interprète que j'ai entendue. Quel que soit le rôle où je l'entende (Adina en dernier à l'Opéra Bastille), je suis toujours conquis.
Josh Lovell, Rachel Frenkel |
Josh Lovell, dont je n'avais jamais entendu parler, porte également bien haut la bannière des ténors anglais. Son Lysander est remarquable de variété, de simplicité et de classe tout à la fois.
A ses côtés, Hermia est chantée par Rachel Frenkel, elle aussi souvent entendue ici. On croit totalement à son personnage d'étudiante !
Raphael Fingerlos, Valentina Nafornita, Théo Touvet |
Le Puck de Théo Touvet, un jeune Français, est sans doute le meilleur que j'ai vu. Outre sa performance technique de chanteur / acteur / danseur / acrobate, il a un don incroyable pour occuper l'espace, se servir de son corps comme d'un instrument. Il reçoit une vraie ovation, amplement méritée. Un garçon d'une extrême gentillesse en plus. Mais c'est le cas de tous les membres de la distribution, devrais-je ajouter !
Josh Lovell, Rachel Frenkel, Benjamin Hulett, WilliamThomas, Clemens Unterreiner |
Josh Lovell, Peter Rose, Benjamin Hulett, William Thomas |
Peter Rose est un Bottom de la meilleure veine, auquel on croit tout de suite. La voix de ce grand interprète (souvent entendu, notamment en Ochs et découvert dans une Serva Padrona à Arles dans les années 1980 !) sait trouver les couleurs justes pour incarner ce personnage.
Lawrence Zazzo, Erin Morley |
Je réentends avec plaisir l'Oberon de Lawrence Zazzo, aux couleurs irréelles. Le contreténor à la voix puissante enchante toujours avec une classe naturelle et un festival de teintes argentées.
Quant à la Titania d'Erin Morley, c'est un vrai bonheur. La voix est maîtrisée sur toute la tessiture (et pas seulement les aigus) ; la grâce et le charme sont présents tout au long.
Rachel Frenkel, Benjamin Hulett, Simone Young, William Thomas, Clemens Unterreiner |
Le lendemain du Gala, Simone Young joue de ce magnifique orchestre comme elle veut, en tirant des sonorités irréelles, en laissant la musique circuler partout. Tout respire. Elle me rappelle un peu l'approche de Jeffrey Tate dans cet opéra, d'ailleurs.
C'est une soirée au sommet, de nouveau !
Peter Kellner, Szilvia Vörös, Raphael Fingerlos, Valentina Nafornita, Théo Touvet |
Benjamiin Hulett, William Thomas, Clemens Unterreiner, Wolfgang Bankl, Thomas Ebenstein |
Erin Morley, simone Young, Peter Rose, Josh Lovell |
William Thomas |
Benjamin Hulett |
Josh Lovell |
Rafael Fingerlos |
Szilvia Vörös, Peter Kellner |
Valentina Nafornita |
Clemens Unterreiner |
avec Peter Rose |
Wolfgang Bankl |
avec Lawrence Zazzo |
Théo Touvet |
avec Erin Morley |
It's a pleasure to read such an enthusiastic review of a performance. Your pics show happy singers with bright faces and prove your analysis.
RépondreSupprimerA huge success, for sure.
I feel as if I was in the theater beyond you!
Annie
I love your message! Thank you Annie.
SupprimerJ'avais lu votre critique détaillée, sensible et enthousiaste, qui m'avait donné très envie de voir ce spectacle.
RépondreSupprimerJe comptais assister à la reprise en novembre mais malheureusement impossible de trouver un avion disponible sans faire le tour de l'Europe. Votre article remarquable m'aura créé un désir difficile à satisfaire mais, grâce ) à lui, j'ai un peu le sentiment de l'avoir vu.
Léonie
Merci beaucoup Leonie. Savez-vous que j'ai rencontré (plus exactement, c'est lui qui m'a retrouvé) Théo Touvet, le merveilleux interprète de Puck ce soir ? Nous avons justement évoqué la prochaine reprise. Essayez par tous les moyens de venir à Vienne, vous ne le regretterez pas !
SupprimerBonne chance !