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jeudi 3 janvier 2019

Sedlec : Abbatiale de l'Assomption, Ossuaire


Le seul spectacle qui aurait pu me faire l'affaire, aujourd'hui, c'était Madama Butterfly, que je n'apprécie pas du tout. Donc puisque je n'ai plus rien de prévu, c'est le jour idéal pour programmer une excursion. L'an dernier, j'avais réservé auprès d'une agence l' "excursion" à Terezin, mais cette année, j'ai opté pour un déplacement en autonomie.

Direction donc Sedlec et Kutna Hora, une ville historique à soixante et quelques kilomètres de Prague.


Le trajet est une suite d'étapes.

Départ : métro et train

J'ai acheté hier les tickets (32 couronnes chacun) et c'est donc l'occasion de descendre dans les couloirs proprets du métro.

Dans le métro de Prague

Comme dans les pays germaniques et russes, à la différence de ce que nous connaissons, les deux rames de chaque station sont distribuées autour du couloir central.

Dans le métro de Prague, panneaux avec les lignes

Il faut changer à Florenc, cette intersection des lignes qui correspond à la grande gare routière.

Arrivé à la gare, je dois m'occuper des billets de train. J'ai failli les acheter en ligne mais, n'étant pas certain des horaires, j'ai préféré m'abstenir. Me voici donc dans la gare moderne, au sous-sol de la partie historique découverte il y a vingt-cinq ans.

Salle de vente des billets, gare de Prague

J'ai bien fait de ne pas réserver. Ici, la souriante et efficace préposée me confirme (en anglais !) que la réservation n'est pas obligatoire, et me vend des billets bien moins chers. Quasiment donnés, en fait : trois allers-retours pour une douzaine d'euros !

Salle de vente des billets, gare de Prague

Gare de Prague, devant les tableaux des départs

Le casse-tête consiste ensuite à trouver le bon quai, puis de grimper dans le train, fréquenté par une foule de touristes qui se rendent à Brno ou s'arrêtent avant, comme moi. Mais ouf, place assise pour tout le monde, dans un compartiment de huit places avec couloir, comme on en trouvait partout en France il y a vingt ans.

Dans les couloirs souterrains de la gare

Sedlec


Gare de Kutna Hora, à Sedlec

C'est un peu compliqué mais j'ai vérifié à l'avance : la gare de Kutna Hora est situé sur le village voisin de Sedlec, à l'écart. Je ne sais pas encore comment faire pour le retour mais, pour le moment, cela s'acère assez pratique pour les visites sur place. Le GPS fonctionne bien, il tombe quelques gouttes mais qui ne trempent pas le manteau ni ne dissipent l'enthousiasme. Bref, tout va bien.

L'Abbatiale de l'Assomption


L'originale façade de l'Abbatiale de l'Assomption

A la toute fin du XIe siècle, l'abbé Robert emmena un groupe de moines de Solesmes pour fonder un nouveau monastère, à Cîteaux, qui réformerait la vie monastique en prônant vie modeste et recueillement dans la foi. Au début du XIIe siècle, Bernard de Clairvaux réécrivit les règles de cet ordre cistercien et lui donna une dimension nouvelle, assurant sa diffusion en Europe.


Le monastère de Sedlec fut le tout premier en Bohême, et ce sont des moines de Waldsassen (une magnifique abbaye en Bavière, quasiment à l'actuelle frontière tchèque) qui en furent les premiers occupants. Pas de monastère sans église, évidemment.


L'actuelle église abbatiale fut donc construite autour de l'an 1300, alors que le style gothique continuait son développement retentissant. Mais au XVe siècle, les guerres hussites (des réformateurs, lointains prédécesseurs des luthériens) provoquèrent pillage et massacre : cinq cents moines périrent ici. Ca laisse une idée de l'importance du monastère !


Deux architectes tchèques s'occupèrent de la restauration dans les premières années du XVIIIe siècle, pour aboutir à l'actuelle église. Cinq nefs, dont la principale, étroite, apporte un sentiment de hauteur, et l'alliance de ce jaune et blanc si répandue en Europe Centrale.

Je ne crois pas connaître de voûte semblable, même si elle me fait penser aux brillantes constructions anglaises. En tout cas, les lignes partant des ogives forment des dessins qu'on voit rarement dans les églises.


De chaque côté, les nefs jumelles apportent, au contraire, une impression d'espace horizontal. Les deux s'équilibrent très justement, c'est une belle réussite.


Le monastère a cependant connu bien des vicissitudes. Au XVIIIe siècle, il fut transformé en dépôt de farine. Aujourd'hui, c'est l'industriel Philip Morris qui a pris la suite du producteur de tabac local, qui s'y était installé en 1812.


Les bancs richement sculptés sont un classique dans ces régions d'Europe.



La croisée du transept présente une solution aussi originale qu'élégante. Le gothique cistercien, splendide mais sévère, est adouci par des parfums baroques et la fresque de la Trinité s'épanouit dans une forme géométrique inhabituelle.

L'architecte Santini a fait du bon boulot !



Mélange donc de styles : retables gothique au maître-autel, baroques dans les absidioles.


C'est dommage que les œuvres ne soient pas toujours exceptionnelles. Ce retable marronnasse, terne, aux figures lourdes, ne fait pas mon bonheur.


En revanche, j'aime bien les couleurs pimpantes de la chapelle de la Vierge de Sedlec, baroquisée aussi au XVIIIe siècle par un moine, un certain Supper.


Les trompe-l'œil me rappellent vraiment les réalisations dans les églises viennoises, particulièrement la Jesuitenkirche.



C'est Peter Brandl, un artiste rococo qui œuvra au début du XVIIIe siècle, qui s'est chargé de cette Juliana z Lutychu, autrement dit Julienne de Liège ou Julienne de Cornillon, une religieuse augustinienne du XIIe siècle. Clair-obscur dramatique au rendez-vous obligé.


Un certain Gennaro Basile, Napolitain exilé en Moravie, a peint cette Mort de Joseph. Sujet rare, mais peinture baroque sans grand génie.


Peter Brandl à nouveau, pour cette Vision de Sainte Luitgarde. Je n'en ai jamais entendu parler, la seule que je connaisse avec ce prénom rare est la dernière femme de Charlemagne. A-t-elle été sanctifiée ? Aurait-elle eu la vision d'un crucifix ? Mystère, mystère. Le tableau me semble cependant meilleur que la représentation de Juliana.

En haut de l'escalier



Un escalier conduit à l'étage, d'où on profite d'une vue assez impressionnante sur le transept.


Et sur la nef, évidemment.


Mais il y a mieux :  un passage dans la charpente permet une vue rarissime de la partie supérieure des nefs latérales. On constate d'abord la maîtrise des charpentiers (pas un clou dans les poutres!) mais je suis encore plus intéressé par la réalisation des coupoles.


On constate la présence de deux matériaux : les moellons solides en pierre pour les murs, et la brique plus légère pour les coupoles. L'arc qui surmonte chacune n'est pas si courant. Une technique intéressante, et un point de vue habituellement réservé à de rares spécialistes privilégiés.

Retour dans les nefs latérales 



Peintures inégales mais reliquaires rares. Ici les restes d'un Saint Felix, mais j'ignore lequel, tant ils sont nombreux à porter le nom. D'après ce qu'on devine sous les vêtements, un squelette à peu près intact.


Dans une chapelle, cette curieuse Vierge, représentée avec beaucoup de soin mais une volonté de non-réalisme. Je pense que les disproportions sont un choix et non une maladresse !


Spectaculaire monstrance, fine et équilibrée.


Supper a également décoré cette chapelle des quatorze saints auxiliateurs, un culte très développé dans les pays germaniques : des saints protecteurs appelés en secours, en cas d'urgence, etc. Parmi eux, on connaissait bien chez nous Saint Christophe pour protéger les voyageurs, Saint Eustache pour arrêter les incendies, etc.


Etonnant tableau pédagogique, représentant comme une bande dessinée, avec les textes, l'histoire du mouvement cistercien.

Déjeuner : Knizeci Schwarzenbergsky



L'antique auberge pour voyageurs (et sans doute pèlerins), frappée du lion d'or , porte encore le nom des Schwarzenberg, princes de l'empire romain germanique et de la Bohême.


Rien de princier dans cette auberge réchauffée d'un feu de cheminée (ne cherchez pas, il est dans mon dos), qui accueille aujourd'hui la population locale. Carte exclusivement en tchèque donc. C'est toujours une étape un peu hasardeuse, mais j'aime bien ce coup du hasard. Parfois je me retrouve avec des plats immangeables !


C'est parti pour la Bernard pivo ! Je n'avais pas saisi le lien ; pivo, c'est la bière en tchèque, et Bernard Pivot était un animateur d'émissions culturelles très connu en France.


La soupe que j'ai commandée s'avère pleine de poissons de rivière, sans fadeur ni arêtes.


Médaillons de porc, sauce au poivre, et une écrasée de pommes de terre aux oignons. C'est délicieux !


Bière et café, sept cent vingt-six couronnes à trois. Vingt-huit euros environ !


Un magasin Lego, sur le chemin de l'ossuaire. Je trouve les sandales très réussies.

L'ossuaire



Le père-abbé revint d'un pèlerinage à Jérusalem avec de la terre du Golgotha qu'il répandit dans le cimetière, ce qui lui assura immédiatement une formidable renommée. On venait se faire enterrer ici de toute l'Europe ! Et, pendant la peste noire du XIVe siècle, près de 30 000 morts furent ensevelis ici.

On construisit une petite église de Tous-les-Saints (il y en a pour tous les goûts, pas de risque d'en oublier).


Mais ce n'est pas pour cette petite église que je me retrouve à faire la queue, transi de froid, parmi une foule de touristes soudain amassés.

La chapelle inférieure



A la fin du XVe siècle, beaucoup de tombes furent supprimées et on exhuma les restes d'environ quarante mille personnes pour les apporter dans la chapelle inférieure de l'église.


La famille Schwarzenberg commanda un projet à Santini Aichl : réaliser une décoration baroque en utilisant les squelettes déposés là.


Guirlandes d'os, pyramides de crânes… Voilà qui me rappelle l'ahurissante Crypte des Capucins à Rome (tout aussi bondée d'ailleurs).



Quelques amas d'os, soigneusement rangés, forment des sortes de tentes, avec une entrée ménagée.


Mais le plus invraisemblable me semble ce baldaquin central !







Même le blason des Schwarzenberg a été reconstitué avec des ossements.



Les inscriptions utilisent les mêmes matériaux…


Quelle foule ! Les gens ont un goût insoupçonné pour le morbide. Les maniaques du selfie s'en donnent à cœur joie.





IHS, le monogramme de Jesus en grec. Très macabre.

La chapelle supérieure



Par contraste, quel calme dans la glaciale chapelle supérieure, très sobrement ornementée.


Un petit orgue de chœur, sans doute du XVIIIe siècle, suffisait pour les offices.


C'est parti pour un bon bout de chemin jusqu'à Kutna Hora. En route, un arrêt à une fenêtre où s'épanouissent des plantes carnivores, Sarracenia et Drosera.


Même en jardin botanique, c'est exceptionnel de voir des Sarracenia en fleurs. Ici, dans ce coin perdu de la campagne tchèque, c'est surréaliste !


18 commentaires:

  1. The bone chapel is INCREDIBLE !!!!!!!!
    Wow.
    UNBELIEVABLE !!!!!

    Congrats for your post. Fine texts, fine pics.

    Annie

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    1. All my warmest thanks for your message, dear loyal reader !

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  3. This bone chapel, that’s a church I would love to visit !
    Mike

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  4. A church different from any other I’ve visited in Europe! Looks incredible !
    Jennifer

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  5. Great guided tour of fantastic places!

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  6. L'article est fort intéressant dans le contraste entre les deux lieux religieux : une église épurée, avec une superbe nef étroite, presque stylisée, et une crypte baroque invraisemblable de surcharge, sans parler de l'incroyable matériau de base pour la décoration. Je dois avouer n'avoir jamais entendu parler ni de l'une ni de l'autre, et même je découvre avec étonnement la présence des Cisterciens en Europe Centrale.
    Grâce à vous, j'ai l'impression d' avoir visité les deux.
    Un grand merci!
    Pierre

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    1. Rassurez-vous, je crois que ceux qui connaissent ces lieux sont surtout ceux qui y sont allés !
      Merci à vous, Pierre.

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  7. Incredible! Outstanding post!

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  8. Unbelievable bone chapel! #1 quality post.
    Great blog with the finest design.
    Mia

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  9. Outstanding post upon an unbelievable
    monument! Great pics, fine texts.
    Jaroslav

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