Prague : Synagogue de Jérusalem

Située dans Jeruzalémská, la rue qui a pris le nom de la Synagogue, celle-ci porte alternativement les noms de Jubilejní Synagoga, la Synagogue du Jubilée, ou Jeruzalémská Synagoga, la  Synagogue de Jérusalem. Quel que soit son nom, c'est la plus grande de la ville.

La façade

En s'approchant, quel contraste avec la Synagogue Vieille Nouvelle, ma précédente visite ! La sobriété gothique a laissé place à un arc-en-ciel multicolore, éclairé comme un théâtre. Et l'intérieur sera encore plus impressionnant !

Un pignon avec les Tables de la Loi au sommet surmonte la façade avec l'étoile de David.

On voit qu'on a changé d'époque. Début du XXe siècle, cette fois. On avait abattu trois synagogues vétustes de Josefov ; la communauté juive fonda une association pour la reconstruction et acquit un immeuble tout près de la gare, afin de le détruire pour récupérer le terrain.

L'étage inférieur

Plusieurs architectes proposèrent leur projet, Alois Richter, Josef Linhart et Wilhelm Stiassny. Ce dernier faisait partie de la communauté juive de Vienne, où il construisait inlassablement immeubles, usines, hôpitaux, palais… Plus de cent soixante-dix bâtiments, dont douze synagogues.

Stiassny avait conçu un édifice original, de type mauresque mais mâtiné d'Art Nouveau dans les motifs décoratifs et les vitraux.

Plan classique à trois nefs donc, une centrale et deux latérales. Sept travées avec des arcs islamiques, comme dans une mosquée. Des versets bibliques extraits des Psaumes sont calligraphiés dans les cartouches de la galerie.

Comme dans une église, un large buffet d'orgues se déploie contre le mur d'entrée. C'est vraiment étonnant de voir comment cette synagogue rassemble des influences multiples.

Sur les panneaux et dans les vitraux, ce sont les motifs Art Nouveau, et parfois même déjà Art Déco, qui sont exploités. L'univers végétal, si influent dans l'Art Nouveau, s'impose ici.

L'autre aspect frappant est l'abondance des couleurs, toujours vives, exploitées par leur juxtaposition.

L'arche occupe la place traditionnelle, orientée à l'est, baignée de lumières apportée par lustres et chandeliers en métal repoussé.

Dans la ferronnerie dorée, c'est toujours le végétal qui s'exprime : tournesols, pommes de pins, peut-être des pampres stylisés.

Pas de rideau, cette fois, mais une armoire fermée par deux portes dorées qui reflètent la lumière. Effet spectaculaire.

Dans le fronton richement cerné d'une série de frises, pas de doute, cette fois, ce sont bien des pampres qui se déploient.

La voûte divisée en huit arcs met en valeur une étoile davidique, très graphique avec ses larges lignes en noir et blanc qui se soulignent mutuellement.

Quel chatoiement ! C'est certain qu'on a davantage recherché le spectacle que la sobriété.

La galerie des femmes

Je grimpe à la galerie des femmes.

C'est peut-être encore plus spectaculaire, car on voit les lustres inférieurs par le dessus, et l'impression d'éclairages de salle de concert s'accentue.

Meilleure vision aussi sur le buffet d'orgues et sa riche frise. On n'a rien laissé libre, même le dessous de la tribune est garni de ramages sur fond rouge.

Cette fois, on juge mieux de la profondeur de l'armoire sacrée, et des Tables de la Loi, tout au sommet.

Un jeu de motifs en opposition, dans les formes comme dans les couleurs. Franchement Art Nouveau pour la frise centrale.

Les joints dorés dans le vitrail ! Finalement ils sont autant, sinon davantage, exploités que les morceaux de verre colorés, dont certains paraissent marbrés.

La proximité permet de mieux jauger de la qualité de ces délicats rinceaux dorés. Le végétal toujours.

L'exposition

Je passe assez vite, car la synagogue ferme dans un quart d'heure ! La première partie de l'exposition explique comment s'est reconstruite la communauté juive après la seconde guerre mondiale à Prague.

Des Kindergarten, jardins d'enfants, accueillent les petits, revenus des camps.

Les camps d'accueil ressemblent fâcheusement aux camps de concentration ; je me rappelle les sinistres salles de Terezin.

Dikobraz, en tchèque, c'est le porc-épic, mais aussi le nom d'un journal hebdomadaire. Ce numéro de 1952 fait de la propagande pour le socialisme soviétique.

La seconde partie expose les lieux où vivaient des communautés juives. Březnice est un bourg de Bohème centrale.

Bechyně, à une centaine de kilomètres au sud de Prague, est une ville de 5000 habitants, connue pour son centre historique particulièrement préservé.

Quelques exemples de pierres tombales comme on peut en voir au cimetière juif de Prague.

Kolin est une ville proche de Kutna Hora, j'y suis passé en train.

Une dernière promenade

Il reste un peu de temps avant le concert du Nouvel An, prévu à 20:00. Malgré la pluie tenace, doublée d'un vent glacial, je tente une promenade dans le quartier. Encore une façade originale à découvrir.

Svatý Jindřich a svatá Kunhuta, autrement dit Saint Henri et Sainte… Kunhuta ?  Une église curieuse avec cet ajout qui surmonte le porche. A gauche, un crucifix peint qui me rappelle instantanément la Roumanie.

Les drapeaux tchèque et peut-être français flottent au balcon de ce cossu immeuble proche de la gare, mais je n'ai pas pu découvrir sa destination.

Des personnages s'agitent au centre de la place. Je reconnais le sonneur de trompe à gauche, instrument dont mon père jouait quand il était jeune.

Les lumières de Noël n'ont pas été limitées ici…

Le design crée souvent un effet de surprise. Que dire de ce fauteuil couvert de cordes ?

Il est temps de se réchauffer ! Voilà Tiskarna Restaurace, un restaurant-brasserie branché, avec ses cuves de bière surplombant le comptoir.

La décoration imite les casses d'imprimerie.

D'anciens billets sont encadrés sur les murs. Le rose, en bas, fut dessiné par Mucha.

Pour moi, ce sera chocolat chaud. Avec de la chantilly, à la viennoise. Bon, c'est le premier de l'an, tout de même !

Une fois revigoré, il est temps de partir pour le concert. Je repasse devant la tour poudrière et Obecni dum, la Maison Municipale où j'ai entendu le concert de la Saint Sylvestre. Les pavés mouillés se sont métamorphosés en miroir flatteur…