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lundi 5 octobre 2020

Tivoli : La Villa d'Este, jardins et jeux d'eau

Après les premier et second niveau du palais orné de superbes fresques, voici la partie la plus connue de la Villa d'Este, les jardins avec les fameuses fontaines.


Jardins de la Villa d'Este : vue d'ensemble depuis la terrasse (le Vialone)

Pirro Ligorio, le maître d'œuvre des travaux de la villa, est également un responsable de ce jardin en terrasses qui créera une absolue sensation au XVIe siècle, éblouira l'Europe entière et exercera une influence durable sur l'art du jardin.

Jardins de la Villa d'Este : la fontaine du tripode, placée en 1930

La création ne fut possible qu'en résolvant de multiples problèmes ; pour alimenter les fontaines, il fallait une forte pente, et on dut raser tout un quartier de la ville. On dut aussi construire des fondations pour soutenir les terrasses. Le flanc de colline était orienté nord-ouest alors qu'on recherchait une orientation plein nord. Enfin, il fallait aller chercher l'eau !

Jardins de la Villa d'Este : la fontaine du Bicchierone du Bernin

Ligorio requit l'assistance d'une large équipe : de Gian Alberto Galvani, l'architecte de cour, et de Tommaso Chiruchi, un ingénieur hydraulique qui avait déjà réalisé des merveilles à la Villa Lante de Bagnaia. Grâce à la forte déclivité, Chiruchi put faire fonctionner les fontaines par la simple gravité, sans utilisation d'une machinerie. L'eau était puisée dans la rivière Aniene et amenée par un canal de six cents mètres, passant sous la villa. Le Français Luc Leclerc et son neveu Claude Venard, spécialistes des orgues hydrauliques, apportèrent également leur concours pour les fontaines de l'orgue et de la chouette, ainsi que pour quelques touches finales.

Jardins de la Villa d'Este : système des terrasses

Le jardin de la Renaissance n'est pas le jardin fleuri, dont le modèle sera généreusement dispensé par le jardin anglais, et pas encore le jardin français avec sa géométrie stricte. Il s'agit plutôt d'une création ponctuant les arbres et arbustes de statues et d'édicules, voire d'édifices. 

La grotte de Pomone


Jardins de la Villa d'Este : la grotte de  Pomone

On lit souvent que la proximité avec la Villa Adriana inspira le choix des fontaines et le goût de l'antique. Cela supposerait un bon état des jardins du palais d'Hadrien, ce que de multiples sources infirment.

La fontaine de l'ovale


Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de l'ovale

L'attrait pour l'Antiquité est de toute façon une des caractéristiques de cette époque, et la proximité de la villa d'Hadrien n'y est pour rien. Les sources légendaires de la famille d'Este étaient de toute façon placées dans cette période, et le palais illustre largement l'intérêt pour la mythologie gréco-romaine. Les jardins me semblent en constituer une suite naturelle.

Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de l'ovale avec la Sibylle Albunensa

La fontaine de l'ovale met ainsi en avant la Sibylle Albunensa, qui vient comme un pendant rappeler la Sibylle de Tibur présente dans les salles tiburtines de la villa.

Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de l'ovale

La fontaine de l'ovale fut un travail d'équipe :  Tommaso da Como et Curzio Maccarono pour l'ingénierie, Raffaello Sangallo pour les sculptures. La colline artificielle est supposée évoquer le paysage de Tivoli.

Jardins de la Villa d'Este : une fontaine


Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de Pégase

Juste au-dessus, la fontaine de Pégase rappelle le souvenir de celle d'Hippocrène : le mythe raconte que c'est en frappant le rocher avec son sabot que Pégase fit jaillir la source. Une variante grecque du frappement du rocher de Moïse

Les cent fontaines


Jardins de la Villa d'Este : les cent fontaines

Les cent fontaines associent harmonieusement statuettes de pierre, végétation et écoulement d'eau.

Jardins de la Villa d'Este : les cent fontaines

Sur cent cinquante mètres, l'eau se distribue d'étage en étage, rejetée par des têtes cocasses. Encore un rappel des salles !

Jardins de la Villa d'Este : les cent fontaines

 Elles furent réalisées de 1566 à 1577, remplaçant une décoration conçue autour des Métamorphoses d'Ovide. Les statues nombreuses sont aujourd'hui dissimulées dans la végétation abondante, et l'effet est assez réussi.

Jardins de la Villa d'Este : les cent fontaines

Les ingénieurs de la Renaissance savaient varier les jets d'eau.

Jardins de la Villa d'Este : une fontaine de centauresse

Même si elle n'est pas mentionnée sur le plan du jardin, il me semble évident que cette statue représente une femme centaure. Elles étaient particulièrement renommées pour leur fertilité, ce que le sculpteur n'a pas omis de nous rappeler.

Jardins de la Villa d'Este : vue axiale

Jardins de la Villa d'Este : fontaine du calice



Jardins de la Villa d'Este : les cent fontaines

La fontaine de la Petite Rome (fontana della Rometta)


Jardins de la Villa d'Este : fontaine de la Petite Rome (fontana della Rometta)

Le symbole de cette fontaine est à comprendre sur le plan de la villa ; à l'opposé jaillit la fontaine de l'ovale et sa petite montagne qui représente Tivoli. Les eaux du Tibre émergent dans les collines tiburtines et les cent fontaines évoquent son trajet jusqu'à Rome, représentée ici en miniature. La vraie ville était visible depuis la terrasse, dans le lointain.

Jardins de la Villa d'Este : fontaine de la Petite Rome (fontana della Rometta) avec la barque

Cet ambitieux monument fut malheureusement détérioré au XIXe siècle, mais il en demeure plus qu'une partie significative. La statue de Rome Victorieuse, du Flamand Pierre de la Motte, fait face à celle de la Sibylle, de l'autre côté. Les fontaines avec des barques ne manquent pas à Rome, comme la navicella de Santa Maria Domnica, ou la Barcaccia de la Piazza di Spagna.

Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de la chouette, partie supérieure

Depuis la terrasse, on repère clairement la décoration avec les branches d'oranger. C'est une évocation du jardin des Hespérides, thème auquel renvoie explicitement tout le jardin, en écho à la salle d'Hercule dans la villa. Je rappelle que la maison d'Este prétendait descendre du héros gréco-romain ! Leur blason est présenté par deux putti.

Jardins de la Villa d'Este : une terrasse

La fontaine de Perséphone


Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de Perséphone / Proserpine

Perséphone, fille de Zeus et de Déméter, avait épousé Hadès, le dieu des Enfers. Elle passait six mois sous terre et le reste de l'année à l'air libre ; cette alternance explique, dans le mythe fondateur, celle des saisons.

Cependant la fontaine, une construction de Galvani, fut d'abord baptisée des Empereurs car elle avait été conçue pour présenter les statues des quatre dirigeants qui avaient eu des villas ici : Jules César, Auguste, Trajan et évidemment Hadrien. On y plaça finalement en 1640 une statue de Perséphone enlevée par Hadès. L'épouse a disparu mais on aperçoit toujours le mari dans la pénombre.

La fontaine de la chouette


Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de la chouette

La fontaine de la chouette fut élevée entre 1565 et 1568 par Giovanni del Duca ; elle gratifiait le visiteur d'un ingénieux mécanisme actionné par la force hydraulique, où on entendait des chants d'oiseaux pendant que  les oiseaux agitaient leurs ailes. C'était la première fontaine musicale avant la fameuse de l'orgue, et on la doit au Français Luc Leclerc.

On pensait que la sculpture au fond de la niche avait disparu ; elle fut redécouverte lors des restaurations de 2001, enfouie sous des tas de cailloux et de végétaux en décomposition.

La fontaine des dragons


Jardins de la Villa d'Este : la fontaine des dragons

La fontaine des dragons fut transformée en 1572 pour la visite du pape Grégoire XIII, dont le blason s'ornait de quatre de ces animaux fantastiques. Hippolyte II, le cardinal d'Este propriétaire de la villa, aurait sans doute voulu être pape et éblouir son hôte de ses fastes dut être une petite satisfaction !

La fontaine était sonore ; des effets musicaux étaient produits par l'eau, qui claquait comme des coups de canon et rugissait comme le Ladon, le dragon gardien du jardin des Hespérides.

Jardins de la Villa d'Este : la fontaine des dragons

La fontaine est située dans l'axe vertical qui traverse le jardin, quasiment en son centre, et crache donc son jet d'eau en hauteur. L'idée de cette colonne d'eau placée dans l'axe fit sensation et fut reprise abondamment dans les jardins des XVIIe et XVIIIe siècles. Impossible de ne pas penser à ceux de Versailles !

Jardins de la Villa d'Este : canaux d'écoulement


Jardins de la Villa d'Este : bassins, fontaines de Neptune et de l'orgue

Une des plus belles perspectives du jardin, prévue pour former une croix avec l'axe vertical, formée des bassins aux poissons et de la fontaine de l'orgue.

La fontaine de Neptune


Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de Neptune

A l'époque d'Hippolyte II, cette partie était restée inachevée. Le cardinal Rinaldo d'Este avait passé commande au Bernin d'une colline rocheuse que dévalait une cascade. Elle était extrêmement célèbre et fut maintes fois dessinée par les artistes de passage lors de leur "grand tour". Peu entretenue, elle finit par être envahie de végétations et à-demi écroulée.

Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de Neptune

En 1930, l'architecte Attilio Rossi créa cette fontaine en réutilisant ce qui restait de l'œuvre du Bernin, quelques plans superposés. A la place des grottes des Sibylles, il proposa ces bassins rectangulaires. 

Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de Neptune

Au centre, la cavité formait une grotte avec une statue de Neptune du XVIe siècle, sculptée pour une fontaine des Mers qui ne fut jamais réalisée.

Jardins de la Villa d'Este : la fontaine des aigles

La fontaine des aigles rappelle l'animal qui figure sur le blason de la maison d'Este.

Jardins de la Villa d'Este : le vieux cyprès

La rotonde des cyprès présente un très vieil arbre. Les cyprès peuvent vivre plusieurs millénaires ! Impossible de ne pas penser à de vénérables ancêtres vus dans de précédents voyages :

Yazd, le cyprès d'Abarqu

Le cyprès d'Abarqu, Sarv-e-Abarqu, le plus vieux connu (4500 ans ! ) à Yazd, en Iran...

Les cyprès de Duprez dans le Tassili n'Ajjer

Les cyprès du Tassili n'Ajjer, dans le Sahara algérien, âgés de deux millénaires.

Jardins de la Villa d'Este : bassins, fontaines de Neptune et de l'orgue

Ligorio avait conçu ces bassins comme lien entre la fontaine de l'orgue et celle des mers, qui ne fut donc jamais réalisée. Ils furent remodelés par le Duc de Modène, alors maître des lieux, en 1632.

Ils avaient avant tout une fonction de viviers : ils alimentaient la table de la Villa en poissons, canards et cygnes.

Vue depuis les jardins de la Villa d'Este

Vue depuis les jardins de la Villa d'Este

Jardins de la Villa d'Este

Le jardin inférieur


Jardins de la Villa d'Este : fontaines de la Mette 

A la création des jardins, toute la partie inférieure était surtout utilitaire : potagers et vergers entouraient un pavillon de bois avec des fontaines en forme de fleurs. Tout cela fut remanié au XVIIe pour proposer le parc naturel au bas des terrasses. 

Les fontaines de la Mette

 
Jardins de la Villa d'Este : fontaine de la Mette 

Demeurent cependant les fontaines de la Mette, élaborées en 1568-1569 par Tommaso da Como qui avait prévu à leur sommet deux statues de géants, les gardiens du jardin.

L'Artémis / Diane d'Ephèse

Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de la Diane / Artémis d'Ephèse

Le sculpteur flamand Gillis van den Vliete avait ciselé la statue de Diane / Artémis ephésienne d'après une œuvre antique aujourd'hui exposée au Musée Archéologique de Naples : une déesse de fertilité dotée de seins surnuméraires. Elle agrémentait tout d'abord la fontaine de l'orgue. Alessandro d'Este la fit déplacer, et elle constitue aujourd'hui le point de mire du jardin inférieur.

Jardins de la Villa d'Este : une fontaine

Jardins de la Villa d'Este : tonnelle

L'allée des peintres


Jardins de la Villa d'Este : allée bordée de cyprès

Cette allée ornée de cyprès a toujours été célèbre et elle a séduit de nombreux peintres.


Un exemple parmi tant d'autres avec ce lavis de Fragonard.

Jardins de la Villa d'Este

La Villa d'Este depuis les jardins


Jeux d'eau


Jardins de la Villa d'Este : jeux d'eau

Quelques photographies assez gratuites, mais le visiteur du XXIe siècle est encore ébloui par le jardin d'eau ! En tout cas, je n'ai pas résisté.

Jardins de la Villa d'Este : jeux d'eau

Jardins de la Villa d'Este : jeux d'eau

Jardins de la Villa d'Este : jeux d'eau

Jardins de la Villa d'Este : jeux d'eau

Jardins de la Villa d'Este : jeux d'eau

Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de Neptune depuis la terrasse

Jardins de la Villa d'Este : roses

Jardins de la Villa d'Este : une rose

Jardins de la Villa d'Este : l'abside de l'église San Pietro della Carità (Saint Pierre de la Charité)

Jardins de la Villa d'Este : bassins depuis la fontaine de l'orgue

Le ciel s'est assombri. En fait, il s'est mis à pleuvoir !

La fontaine de l'orgue


Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de l'orgue avec le Castellum aquae

La fontaine de l'orgue fut une des grandes merveilles des jardins ; la construction de l'édifice commença en  1566 et Luc Leclerc, fameux fontainier français, installa le système hydraulique. A sa mort, son neveu  Claude Venard reprit le chantier et inventa le tout premier orgue à eau de l'histoire.

Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de l'orgue avec le Castellum aquae

Le système était particulièrement ingénieux, basé sur les orgues positifs dont la soufflerie était actionnée par des manœuvres ; ici la chute des eaux dans une cavité souterraine provoquait par compression un flux d'air dirigé dans les tuyaux d'orgue. Un second flux faisait tourner un cylindre dentelé fixé sur l'armature en fer, dont les saillies actionnaient les touches de l'orgue. Tout cela était dissimulé dans le Castellum aquae, le château d'eau massif à l'arrière, raison d'être de ce volumineux édifice.

Jardins de la Villa d'Este : la fontaine de l'orgue avec le kiosque du clavier

Ce prodige attirait les visiteurs autant que les jets d'eau, et beaucoup voulaient se rendre dans le Castellum pour  voir le mécanisme. Il fut restauré maintes fois et complètement rénové au début des années 2000 ; on peut parfois l'entendre. Sur toutes mes visites dans cette Villa d'Este, je n'ai pu en profiter qu'une fois.
 

Même dans ces petits nymphées, l'aigle des Este est présente ; mais si, dans le piédestal de la colonne !

La visite de la Villa d'Este est toujours un plaisir pour le visiteur moderne, et on comprend que cette véritable création ait fasciné les hôtes à l'époque de sa réalisation. L'impact fut énorme, et les jardins avec fontaines et jets d'eau ne cessèrent de se multiplier. Les jardins de Saint Petersbourg témoignent encore de leur influence au XVIIIe siècle...

8 commentaires:

  1. Great guided tour of a real wonder! I love this post.
    Annie

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    1. It was a pleasure to have a walk in this garden.
      Thanks, Annie, for your warm words.

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  2. Grand merci pour ce magnifique reportage ! Les désinscriptions sont utiles et les photos, tellement plus précises que celles des catalogues de voyage !
    Vous avez vu et entendu l'orgue ! C'est formidable. Mais où sont les tuyaux ? où est le clavier ? le touriste y a t'il accès ? landrieux_monique. (aussi sur facebook)

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    1. L'orgue est un peu magique car il est presque entièrement dissimulé. Le touriste ordinaire n'y a pas du tout accès, c'est réservé à un public restreint de spécialistes et universitaires.

      Mes articles sur Tivoli m'ont demandé pas mal de recherches, car la littérature couramment disponible est très chiche en détails. Le plan distribué n'offre aucun détail et les ouvrages pour touristes guère plus.
      Et je ne vous parle pas de l'intérieur, où les programmes de fresques m'ont donné beaucoup de fil à retordre...

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  3. Superbe visite, judicieusement commentée. L'article le plus complet que j'ai trouvé sur les jardins de la villa d'Este, c'est celui-ci !
    Merci
    Andréa

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  4. Passionnante visite détaillée pleine d'informations historiques, artistiques et culturelles.
    Un très beau travail, félicitations !
    Guillaume

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    1. Merci à vous, Guillaume, pour m'avoir laissé ce chaleureux commentaire !

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