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lundi 24 août 2020

Rome : Concert Anna Netrebko, Yusif Eyvazov et Jader Bignamini


Compte-rendu du concert donné au Cirque Maxime (Circo Massimo) de Rome, le 6 août 2020.




Après des mois d'abstinence, c'est un plaisir de revenir au concert et de réentendre de la musique en direct ! Pour l'occasion, l'Opéra de Rome a aménagé au Cirque Maxime une salle de plein air, avec des sièges très écartés. On doit présenter une attestation de bonne santé, porter le masque, et ne pas bouger pendant la pause, mais c'est un moindre mal par les temps qui courent.


Et, en attendant l'ouverture des portes, on peut déjà se régaler de la dernière mise au point.




La structure est mise en place dans l'immense Cirque Maxime, dont la superficie équivalait à seize terrains de football, qui pouvait accueillir deux cent cinquante mille spectateurs ! Dans la version de l'Opéra de Rome, elle est sagement placée à une extrémité et le public y est très disséminé : un rang sur deux, un large espace entre les sièges.


 A l'arrière de la scène, un écran géant permet ce soir de voir les chanteurs en gros plan.




Le programme s'intitule "Hommage à Rome" et c'est sans doute un argument publicitaire. Puccini est né à Lucca, Verdi près de Busseto, Cilea en Calabre, Giordano dans les Pouilles et Leoncavallo à Livorno. Ne parlons pas du Russe Glinka ou du Tchèque Dvorak !

Andrea Chenier se déroule à Paris, Otello à Venise et Cavalleria Rusticana en Sicile... On ne peut guère compter que sur les extraits de Tosca, et sur un des bis, pour remplir le contrat annoncé.


Le programme est cependant conçu pour plaire au grand public, avec des œuvres archi-connues, et, comme toujours lorsqu'il s'agit d'un concert avec deux chanteurs, il alterne airs et duos, plus quelques pages orchestrales.





D'ailleurs le programme commence avec l'ouverture de Nabucco, à mon avis loin d'être la meilleure partition verdienne, et sans doute un mauvais choix. Les redoutables passages staccato ne pardonnent pas et, peut-être à cause d'un manque de répétitions, ils sonnent ce soir avec beaucoup d'imprécision. L'orchestre montrera davantage ses qualités dans les pièces suivantes, et surtout l'intermezzo de Cavalleria Rusticana, avec une belle ampleur dans le phrasé.

Le chef Jader Bignamini s'avère très attentif à ses chanteurs, respire avec eux et montre beaucoup de complicité.


Voilà quelques années que je n'avais plus entendu les deux chanteurs en direct ; même si j'avais suivi des retransmissions audio ou vidéo, je suis curieux de pouvoir établir mon jugement d'après "une vive voix".


Yusif Eyvazov n'a pas toujours été apprécié et je dois reconnaître de réels progrès : le style est bien plus probe, et il sait éviter plusieurs fautes de goût qui entachaient autrefois ses interprétations. L'aigu est bien en place (quoique trop ouvert) et il s'épanouit sans raideur.

Il me semble toujours cependant manquer d'assise dans le grave, ce qui est particulièrement audible dans le duo d'Otello. J'ai aussi le sentiment d'une langue souvent placée trop haut. Enfin, je suis surpris par des changements de sonorité sur des mêmes notes que je ne m'explique guère.


Anna Netrebko confirme la place qu'elle tient actuellement. La voix, d'une plénitude souveraine, est assurée de la cave au grenier, se fait dramatique dans un Vissi d'arte admirable et s'allège dans la Prière à la Lune de Rusalka. L'intensité théâtrale est là et elle parvient à incarner chaque personnage le temps de l'air, performance plutôt rare en concert. Et stylistiquement, c'est impeccable de bout en bout.

J'aurai une seule réserve pour son bis en solo, O mio babbino caro. L'air chéri des sopranos n'est pas le meilleur choix pour une chanteuse, même exceptionnelle, qui a Lady Macbeth et Turandot dans son bagage, et elle ne parvient pas à y renouveler le miracle de la Prière à la Lune.


Yusif Eyvazov offre en bis un Nessun dorma bien négocié dont le si naturel final, fièrement assuré, lui vaut un triomphe.

Tous deux ont auparavant interprété une adaptation pour deux de Chitarra Romana, une chanson populaire de Di Lazzaro, datant des années 1930 ;  entraînante canzonetta avec tambourin que Pavarotti avait enregistrée, mêlant tango et romanza. Cela leur convient à merveille à l'un comme à l'autre, ils le chantent avec un plaisir visible et beaucoup de liberté. Je me surprends à penser qu'ils auraient gagné à en incorporer d'autres dans leur programme !


Sous les étoiles romaines, dans un cadre antique légendaire, cela reste un magnifique concert. Et le plaisir de ressusciter comme spectateur n'est pas le moindre !

2 commentaires:

  1. A great performance for sure!
    Thank you for this outstanding post.
    Annie

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    Réponses
    1. A very late answer, I am so sorry! But I thank you very sincerely!

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