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samedi 22 février 2020

Moscou : Orlando, Orlando au Helikon Opera


Me voici au Helikon Opera pour une surprenante adaptation de Orlando, un des plus beaux opéras de Haendel.

Orlando, Orlando et non Orlando

Je retrouve le Helikon Opera où j'avais entendu l'an dernier Vec Makropulos (L'Affaire Makropoulos) et Pikovaya Dama (La Dame de Pique). Cette fois, pour un spectacle complètement différent.



Le titre Orlando, Orlando prévient ; il ne s'agit pas exactement de l'opéra connu qu'on va voir, un de ceux pour lesquels Haendel a composé une musique étourdissante (à destination notamment du castrat Senesino) sur un livret adapté de l'Orlando Furioso de l'Arioste, mais d'une adaptation. Livret différent, musique pas exactement semblable.

L'idée du metteur en scène est plutôt d'exploiter des éléments de l'opéra pour recréer une œuvre. Son point de départ est visiblement la scène de la folie, et les pulsions meurtrières du personnage principal. A partir de là, il opère un collage avec les massacres qui se sont multipliés ces dernières années.


Les aventures amoureuses d'Angelica et de Medoro figurent bien ainsi que les tourments de Dorinda, mais le chœur apparaît ici, et dès le début. En fait, on commence avec une scène de douche (qui me reste déroutante) suivie de l'entrée de fêtards vers un club où ils boivent et dansent. A la fin, Orlando fait un carnage et tue tout le monde.


Pour justifier cette place du chœur, on a introduit ici des fragments d'Israel in Egypt, chantés donc en anglais. Et la partie musicale du club est mené par un DJ qui mixe des pages de Haendel.

Tout cela est un peu surprenant et les retours à l'opéra occasionnent quelques secousses. Et la liste des coupures est longue...

Cependant, je dois reconnaître que, si on fait abstraction de l'opéra et qu'on cesse de chercher les coupures ou ajouts qu'il a subis, la production détaille bien les étapes de la folie ; et le portrait d'Orlando est loin d'être inintéressant.

Bref, cela fonctionne.

Je me dis aussi qu'à l'époque de Haendel, l'intégrité de l'œuvre n'était pas le souci premier. Les témoignages ne manquent pas pour indiquer des coupures et des ajouts, également d'autres compositeurs, des représentations qui se rallongeaient intensément parce qu'on y avait inséré des cantates, des airs variés. Sans parler du pasticcio, véritable salmigondis, avec parfois de nouveaux textes, d'opéras divers et de compositeurs multiples. Smith, l'élève de Haendel, ne s'en est pas privé. On pourrait ajouter le procédé de réemploi par le compositeur lui-même de pages provenant d'autres œuvres...

Ma préférence, cela va sans dire, va à la fidélité, mais, je le répète, je trouve une efficacité certaine à cette représentation-ci.


L'interprétation

Visiblement tous les chanteurs de la distribution sont loin d'être des spécialistes de Haendel, et leurs efforts pour se plier à ce style sont réellement méritoires.


Le magicien Zoroastre devient ici un véritable Protée aux multiples emplois, interprété par Stanislav Shvets avec beaucoup d'aplomb et une voix sonore, même si les vocalises ne se rattachent guère au chant baroque.


Irina Reynard, entendue l'an dernier dans la Dame de Pique, met sa voix chaude et ses aigus solides au service de Medoro ; son Se il cor mai ti dira est interprété avec beaucoup d'émotion.


Anna Grechishkina incarne Dorinda, devenue une musulmane voilée. La pureté de ses aigus et sa technique solide (très beaux piqués)  lui valent un franc succès. Le O care parolette est absolument délicieux !


Anna Pegova exhibe une voix plus charnue que d'habitude pour Angelica et campe un personnage fort intéressant (malgré une tenue peu seyante) ; son Se fede vuoi est particulièrement réussi.


Le rôle-titre avec ses nombreux tubes est assuré par un haute-contre russe, Kirill Novokhatko, que je ne connaissais pas. Il ne manque pas de souffle (il en faut pour tenir Fammi combattere à ce tempo plus lent qu'à l'ordinaire, même si cela lui évite des vocalises rapides) et son timbre clair, plutôt léger, convient bien à la proposition scénique. Avec les vêtements gothiques qu'il arbore dans la dernière partie, il fait très "ange de la mort" ; il fait bien sentir le cheminement psychologique du personnage et reste convaincant jusqu'au bout.



Le grand maître d'œuvre de la soirée, c'est Andrew Lawrence-King, le "king" de la harpe baroque. Il dirige, accompagne tour à tour au clavecin et à son instrument favori. Grâce à lui (et à l'introduction d'un théorbe), les couleurs de Haendel sont présentes. Il offre aux chanteurs le soutien nécessaire, sans les brusquer, et fait vivre l'orchestre avec passion. Si l'esprit de cet opéra est maintenu, c'est sans doute grâce à lui. C'est vraisemblablement lui aussi qui a choisi les pages chorales...

Je regrette beaucoup de l'avoir raté à la sortie !


Bref, une soirée déroutante, mais loin d'être inintéressante.

Stanislav Shvets

Irina Reynard

Anna Pegova

Anna Grechishkina

Kirill Novokhatko

4 commentaires:

  1. Very strange... I am not sure to like this show!
    Thanks for your post.
    Annie

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  2. Interesting. This show speaks to us.
    Thanks for your great report!
    Annie

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