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lundi 11 février 2019

Paris : Rusalka (Opéra Bastille)


J'ai de la chance. Peu de temps après la représentation de Prague, je retrouve ce magnifique opéra. Rien de tel que de voir la même œuvre à peu de distance pour en approfondir la connaissance !
Cette fois, c'est la production que j'ai vue le plus souvent, depuis sa création avec Renée Fleming jusqu'à la précédente reprise avec Kristine Opolais.

La production de Robert Carsen 

Si cette production a été aussi souvent reprise, c'est qu'il s'agit d'un des spectacles vedette de la maison. Une mise en scène Carsen comme beaucoup de ces productions phare (Les Contes d'Hoffmann notamment). Outre sa grande beauté plastique, ses éclairages savants, elle parvient à traiter tous les aspects principaux de l'oeuvre.

Cette histoire de nymphe qui rêve de se métamorphoser en humaine, mais surtout de fille qui veut devenir femme, traite largement de sexualité, et sans ambiguïté comme l'exprime Ježibaba.


Le lit, lieu symbolique du sexe, est l'élément clef du spectacle. Au premier acte, le décor troublant évoque une piscine où se reflète le lit, inaccessible.


Au second, l'effet de miroir est encore plus confondant, surtout au début où les personnages font les mêmes gestes, en symétrie. L'illusion est si réussie que lorsque Rusalka passe d'un côté à l'autre, j'ai toujours l'impression qu'elle traverse une surface concrète. Le monde invisible est alors évident, limité à l'autre côté du miroir comme dans Alice. Et l'échange entre les deux femmes du Prince est une interversion qui se comprend parfaitement.


Le troisième acte présente une illusion devenue fort célèbre. La chambre du II, inondée de roses rouges (autre symbole sexuel) est visualisée du dessus, le plancher se trouvant donc à la verticale. Le lit, également vertical, constitue une des plus célèbres images d'opéra de ces vingt dernières années, et un beau tour de force technique.

Cette fois, c'est Ježibaba qui s'y trouve, la sorcière, soulignant la dimension magique de cet opéra.

Ajoutons une grande intelligence dans les costumes, femmes en manteau blanc et combinaison noire suggestive, hommes en costume noir. Le costume peut être un élément signifiant, même s'il est trop souvent employé pour sa seule dimension esthétique.

 Une distribution parfaite

La Finlandaise Susanna Mälkki dirige avec beaucoup de finesse, respirant avec les chanteurs, et réussissant à donner à son orchestre une transparence chambriste. Son travail me rappelle la grande tradition tchèque, Karel Ančerl particulièrement.


Andreea Soare, Emanuela Pascu et Élodie Méchain s'accordent parfaitement pour un trio de nymphes chatoyant et équilibré.



Même qualité avec des voix bien timbrées et projetées de Jeanne Ireland, le Garçon de cuisine, de Tomasz Kumiega,  le Garde forestier, et de Danylo Matviienko, le chasseur à qui revient la gracieuse mélodie chantée en coulisse.


C'est un grand plaisir de retrouver Karita Mattila qui confère à la Princesse étrangère sa grande classe. Sa voix maintenant plus mûre (la dernière fois que je l'ai vue, c'était dans Kostelnička au Met !) s'oppose à tout point de vue avec celle de Rusalka.


 Thomas Johannes Mayer apporte sa voix sombre et son autorité à Vodnik, même si je préfère dans ce rôle des voix plus graves.

Ekaterina Semenchuk prise pour Didon, on a demandé à Michelle de Young d'apprendre Jéžibaba, rôle tout nouveau pour elle. Là encore  ma préférence va à des voix plus graves, mais elle s'y montre formidable, les inquiétants pouvoirs de la sorcière restant alliés à son chic naturel.


Klaus Florian Vogt a tous les atouts pour un Prince de haute volée, et son timbre clair et juvénile, son investissement, la beauté de sa ligne sont parfaits.


Camilla Nylund garde aussi beaucoup de fraîcheur dans la voix. Les commentaires soulignent souvent une voix froide, et des couleurs froides ne me paraissent pas du tout un problème.  Une Gundula Janowitz était aussi caractérisée ainsi, me semble-t-il.
Et, de toute façon,  la froideur est si souvent utilisée pour qualifier Rusalka dans l'opéra que ce serait une parfaite adéquation.

Camilla Nylund compose donc une Rusalka très innocente, émouvante, et son chant magnifiquement phrasé est un enchantement.


C'est une des plus belles versions de cet indémodable spectacle que j'aie vues, et j'attends déjà la prochaine avec impatience !




Klaus Florian Vogt

Susanna Mälkki

avec Élodie Méchain

Andreea Soare

Emanuela Pascu

avec Michelle de Young

Thomas Johannes Mayer

Karita Mattila

aveec Camilla Nylund

4 commentaires:

  1. Great post, with captivating details. You look great on the pictures!
    Annie

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  2. Un judicieux article très approfondi. L'analyse d'œuvres est vraiment votre passion, et je suis heureux de pouvoir en profiter !
    Un grand merci.
    Pierre

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    1. Ce commentaire vous honore et témoigne de la bienveillance dont vous faites toujours preuve !
      Infiniment merci, Pierre.

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