Dernier week-end à Paris de 2018, avec une exposition alléchante au programme !
Je loge rue Oberkampf, à un jet de pierre du Cirque d'Hiver. Lorsque j'arrive à l'Hôtel Beaumarchais, ma chambre n'est pas encore prête. Mais le réceptionniste accepte aimablement mon bagage, je peux aller déjeuner.
Déjeuner : Ouzbek Boukhara
J'ai eu la chance de voyager, il y a quinze ans, dans ce magnifique pays d'Asie Centrale et j'avais apprécié ses spécialités.
Je suis passé plusieurs fois devant ce restaurant rue Amelot et, cette fois, il est ouvert. C'est l'occasion de raviver des souvenirs culinaires.
La carte propose l'assortiment attendu de plats locaux, notamment les manti, ces raviolis fréquents aussi en Géorgie, je crois. Je me limite aux spécialités les plus attendues, en commençant par la chorba, une soupe aux gros morceaux de légumes et de viande. Parfait avec le froid qui me gèle aujourd'hui.
Je poursuis avec le plov, le plat national. Le nom vient de pilaf et désigne une sorte de risotto aux carottes, à la viande (ici veau, c'était surtout de l'agneau en Ouzbekistan), avec des pois chiches, des raisins secs et des épices. Celui-ci est assez léger, je crois que je l'aurais préféré un peu plus gras. Ceux du pays étaient cuisinés à l'huile de coton et à la graisse de mouton.
Le tchak-tchak, un gâteau aux noix découpé en tranches, est plus inattendu.
Vingt euros pour l'ensemble.
Installation : Hôtel Beaumarchais
Je récupère ma chambre à l'hôtel. Comme ma précédente à l'hôtel Palym, elle est décorée en gris.
Je ne fais que déposer mes affaires, je ne veux pas perdre de temps. Le Palais de la Découverte n'est pas à côté.
Le Palais de la Découverte
Cela faisait vraiment longtemps que je n'étais plus venu ici.
Dans l'ilôt formé par les Grand et Petit Palais, c'est le troisième confrère, une construction commandée par Jean Perrin pour vulgariser la science. Il devait fermer peu après son ouverture en 1937, mais le succès fut énorme. C'est le Front Populaire et son grand projet d'instruction générale qui lui permit de poursuivre ses activités.
La décoration, style Belle époque, n'est pas du tout ce à quoi on s'attendrait dans un lieu scientifique.
On s'attendrait davantage à un lieu "arts et lettres". Mais les salles sont très modernes et il s'y passe toujours quelque chose. Une expérience, une mini-conférence, une présentation. J'ai vu plusieurs fois l'école des rats et c'est passionnant !
Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vais me limiter aux deux expositions temporaires. C'est pour la première que je suis venu.
Exposition Poison
Je m'attendais à grande presse pour cette exposition très médiatisée, mais c'est assez calme ce vendredi après-midi.
L'exposition est plutôt bien faite, très vulgarisatrice. Pas vraiment d'explications sur les processus qui permettent à ces poisons d'agir, mais un panorama assez large qui permet de se faire une bonne idée. Et une collection d'une trentaine d'espèces de bêbêtes vivantes, dont certaines très rarement présentées.
On apprend ici qu'en gros, les poisons se répartissent endeux types principaux. Certains empoisonnent le sang, détruisent les globules rouges, créent des nécroses. D'autres bloquent diverses fonctions, la plupart du temps paralysent les muscles et donc agissent directement sur le cœur.
Cependant, il existe un revers à la médaille. L'exemple des plantes est connu ; la digitaline est un poison violent mais, bien utilisé et à faible dose, il devient un médicament utile.
Suivant ce principe, la recherche s'étend aujourd'hui aux venins animaux et découvre des pistes encourageantes, y compris pour le traitement de maladies incurables et de tumeurs. Ce n'est que le début des investigations, visiblement on en saura davantage dans quelques années.
Allez, c'est parti pour la visite détaillée !
On commence par minéraux et végétaux.
Le cinnabre, le sulfure de mercure, a causé bien des décès, dont celui du premier empereur de Chine, Qin Shi Huang. Quant à l'arsénopyrite, c'est le poison légendaire qu'utilisaient les Borgia.
Une collection de belles empoisonneuses, depuis la digitale et la ciguë (le poison officiel des condamnés à mort de la Grèce Antique, et pour moi reliée à Socrate !) au premier plan jusqu'à l'aconit, la jusquiame noire et le datura (ça, c'est Lakmé !).
On ne connaît que trois variétés d'oiseaux vénéneux, trois sortes de Pitohui de Nouvelle-Guinée dont la peau et les plumes sont un poison violent. Je n'en avais jamais entendu parler !
Le diodon, le fameux fugu des Japonais. J'en ai vu vivants à l'aquarium d'Osaka, ils avaient une bouille bien sympathique.
Les Kokoi de Colombie produisent la bachitracine, un alcaloïde qui bloque la respiration et les battements du cœur. C'est la grenouille la plus toxique connue.
La phylloméduse n'a pas franchement une bonne tête. Outre cela, elle produit un analgésique quarante fois plus puissant que la morphine.
Les dendrobates bleus se nourrissent de plantes toxiques pour obtenir leur propre alcaloïde.
Le crapaud sonneur oriental a une apparence granuleuse qui lui assure un bon camouflage.
Le triton oriental n'est mortel que si on le mange.
Un bel assortiment de créatures dont on tenta d'extraire le venin. La mouche cantharide, bien verte, était employée pour traiter les brûlures alors qu'elle est très urticante. Pas sûr que ça fonctionnait bien !
Un assortiment de poisons utilisés dans la médecine.
Des pilules de mandragore ! Ca ne doit plus exister.
La cocaïne et les opiacés rencontraient déjà un grand succès au XIXe siècle.
Le magnifique cône est un coquillage mortel, qui utilise un harpon pour injecter le venin. Responsable de nombreux décès dans les mers chaudes asiatiques.
La filiforme couleuvre au long nez vit en Afrique centrale. Elle se sert de crochets antérieurs pour injecter un venin neurotoxique.
Je ne savais pas que l'Europe abritait une variété de vipère à corne. C'est pourtant son nom, Vipère à corne européenne, et elle vit dans un territoire s'étendant des Balkans à la Russie. Elle n'est guère plus rassurante que sa cousine africaine.
Le crotale diamantin de l'Ouest vit, comme tous les crotales, aux Etats-Unis.
Il injecte une très grande quantité de venin en une seule morsure.
Il s'est replié obligeamment pour me permettre de photographier son impressionnant appendice caudal, la "sonnette".
La vipère du Gabon. La plus grosse, la plus lourde (10 kg ! ) de toutes les vipères, est aussi le serpent avec les plus longs crochets (5 cm, ouaouh !).
Dans l'exposition, le cobra du Cap représente à lui tout seul sa grande famille. Il explore tranquillement son terrarium et ne se sent pas menacé, il ne gonfle pas son capuchon.
J'ai rencontré un cobra dans la nature, au Sri Lanka, et je suis toujours là. Ce ne sont que rarement des animaux agressifs.
Je lui trouve même une tête plutôt sympathique… Je n'oublie pas que les morsures de cobra sont souvent mortelles.
Le monstre de Gila vit aux Etats-Unis. Ce lézard produit un venin hémotoxique, et on a découvert qu'il agissait sur l'insuline. On élève aujourd'hui cette bestiole pour produire la substance utilisée dans le traitement du diabète de type II.
Pas facile de lui tirer le portrait, il roupille sous son caillou.
Tout un pan scientifique à défricher, sans doute.
Ces punaises africaines injectent un venin extrêmement douloureux. Il peut rendre aveugle, mais je ne vois pas bien comment. La pression est-elle suffisante pour arroser l'agresseur ?
Dendrobate jaune, une de ces jolies grenouilles dangereuses bien connues.
En cas de souci, tout est prévu.
Le mocassin du Tamaulipas possède, comme une majorité de serpents, un camouflage efficace.
La vipère heurtante est très répandue en Afrique. Aussi agressive que rapide, ce serait le serpent au monde qui provoquerait le plus de morts.
Le mamba noir est le serpent le plus rapide et un des plus dangereux. Je n'en ai encore jamais vu et je suis extrêmement surpris par sa grande taille et sa musculature qui lui permet de se dresser à une bonne soixantaine de centimètres.
C'est aussi assez fascinant de le voir utiliser son corps sur la branche comme contrepoids et maintien d'équilibre.
La mygale aux genoux blancs n'utilise son venin qu'en dernier recours. La projection de soies urticantes est la première arme employée.
J'en avais vu une belle près de Tikal, au Guatemala !
Une proche parente, la mygale aux genoux rouges.
La mygale ornementale n'a pas de soies. Pour compenser, son venin est autrement plus toxique.
Le scolopendre est caché sous les cailloux, on ne voit que la carapace briller. Il y en a beaucoup au Japon mais, heureusement, je n'en ai jamais rencontré. Sa morsure est réputée atrocement douloureuse et très dangereuse.
La veuve noire est une petite araignée avec un dessin rouge sur le dos, très répandue partout dans le monde, y compris dans tout le midi de la France.
Malgré son nom de mygale bleue, j'ai peine à reconnaître cette couleur.
Encore un cousin d'Amérique, ce mocassin à tête cuivrée. On vient de découvrir qu'une substance contenue dans son venin empêcherait le développement des tumeurs. De l'espoir en vue ?
Il n'est qu'empaillé, cet ornithorynque, un rare animal d'Australie. Le seul mammifère venimeux connu. C'est dans les pattes arrière que le mâle cache son aiguillon à venin, bien visible ici.
Horrible snakes butbut a great post about an unusual exhibition.
RépondreSupprimerAnnie
Many discoveries in this exhibition!
SupprimerThanks Annie.
Le mercure, sans doute aussi toxique, fait moins peur que le vivant, et les grenouilles bien moins que serpentserpents et araignées. L'énorme mamba est très impressionnant.
RépondreSupprimerMerci, je ne vais pas manquer cette exposition !
Pierre
Effectivement, ce n'est pas le poison mais l'animal qui crée la phobie.
SupprimerMerci Pierre.
Très impressionnante, la vidéo du mamba !
RépondreSupprimerMerci beaucoup, cher Anonyme !
SupprimerCaptivating post!
RépondreSupprimerMegan
Thanks Megan!
SupprimerVous avez bien fait d'insérer une vidéo. Ce serpent qui se dresse avec son corps massif est extrêmement impressionnant !
RépondreSupprimerMerci pour votre article très complet.
Farah
Merci beaucoup Farah pour ce chaleureux commentaire !
SupprimerJe suis étonnée d'un tel soin apporté à la décoration d'un musée scientifique. J'étais impatiente de découvrir tout ce qui peut nous tuer. Que de découvertes, de choses apprises, le poison est extrêmement répandu, sous toutes ses formes. Je suis passionnée, mais terrifiée : les empoisonneurs sont si nombreux...
RépondreSupprimerBises. Mam
Le Palais de la Découverte, c'et effectivement un des plus beaux (peut-être le plus beau, c'est une question de goût) de la série autour de Franklin Roosevelt.
SupprimerQuant à l'exposition, c'est ce paradoxe du poison que de pouvoir alternativement tuer et soigner ! Et c'est vrai qu'il est tellement répandu.
Grnd merci pour cet affectueux commentaire !