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jeudi 26 juillet 2018

Festival d'Aix : Ariadne auf Naxos (Ariane à Naxos)





Le Festival d'Aix ouvrait cette année avec ce spectacle singulier, que j'ai eu la chance de voir à trois reprises. Auparavant, avec mes élèves, j'avais pu visiter les ateliers du Festival où sont construits les décors.



Avec cette proximité (toute relative, mais pas inexistante) avec la production, j'ai pu apprécier plusieurs éléments ; cependant certains demeurent obscurs après plusieurs représentations.

La production de Katie Mitchell


Les précédents spectacles à Aix de cette metteure (metteuse ?) en scène m'avaient beaucoup plu. Le point commun, la division de l'espace aussi bien en hauteur qu'en largeur, fonctionnait toujours admirablement. Written on skin, Alcina, Pelléas, trois spectacles inoubliables, tous donnés au Grand Théâtre de Provence.

Il était clair que la scène du Théâtre de l'Archevêché ne permettrait pas un semblable décor surdimensionné. Les contraintes de la scène (peu profonde, quasiment sans coulisse, avec un plancher qui supporte peu de poids) l'interdisaient clairement.

Katie Mitchell a utilisé cette contrainte, en présentant un décor unique (ce qui est assez fréquent dans les productions actuelles d'Ariadne), mais montré en coupe (ce qui l'est beaucoup moins).
L'excellente idée est de montrer vraiment un spectacle en formation, avec la scène de la seconde partie construite sous nos yeux durant la première. Même bonne idée de montrer le riche bourgeois commanditaire, et le Komponist qui "dirige" depuis sa place l'opéra en cours.

D'autres éléments m'ont moins convaincu : l'ajout de texte, proféré par le couple de bourgeois (je ne suis jamais très favorable à ces additions) ; le changement de genre, l'homme habillé en femme et vice-versa dans la seconde partie, qui ne me semble pas vraiment une question évoquée par cet opéra. Le bébé d'Ariadne n'apporte rien au personnage.
Si traiter le quatuor Commedia dell'Arte comme des Comedian Harmonists me semble pertinente, ses membres perdent ici tout leur poids. Même Harlekin en devient anodin.

La musique : la fête !


avec Sava Vemić

Musicalement il s'agit d'une belle réussite, avec de vraies découvertes.

On mesure bien la grande qualité du festival aux excellents seconds rôles : très prometteur Lakai de Sava Vemić, Perückenmacher de Jean-Gabriel Saint Martin en pleine évolution, Offizier de Petter Moen, lui aussi promis à un bel avenir, très drôle Tanzmeister de Rupert Charlesworth.

Jonathan Abernethy
Si j'ai toujours eu du plaisir à entendre de grands chanteurs du passé dans le Musiklehrer (Hans Hotter, Hermann Prey par exemple), il faut reconnaître qu'un artiste plus jeune correspond mieux au livret. L'occasion de vérifier les qualités du remarquable Josef Wagner, que je n'avais entendu jusque là que dans des Mozart.

Huw Montague Rendall

Le trio féminin est riche d'harmoniques grâce à des voix bien contrastées (Beate Mordal, Andrea Hill, Elena Galitskaya) ainsi que le quatuor des garçons (Huw Montague Rendall, Jonathan Abernethy, Emilio Pons, David Shipley).

Petter Moen

Après son Annio frémissant, Angela Brower campe un intense Komponist, tout en nuances, avec des couleurs cuivrées dans le registre grave qui ravissent l'oreille, et cependant beaucoup de clarté sur une voix fort homogène.

Elena Galitskaya

Beate Mordal et Sabine Devieilhe

Sabine Devieilhe était très attendue pour sa première Zerbinette, et elle y fait bien valoir ses qualités de fine coloriste, de nombreuses nuances avec des piani élégants. C'est certain que sa Zerbinette évoluera avec le temps, mais cette prise de rôle lui permet de construire un personnage bien séduisant. Et elle chante toutes les notes, ce qui n'est pas un mince exploit !

Emilio Pons et Eric Cutler


Sabine Devieilhe

A mon sens, les deux révélations de ce spectacle sont les deux grands rôles terrifiants, tout deux tenus avec maestria.

Je connaissais l'Arturo et l'Alfredo (une Traviata à Berlin dirigée par Barenboim où il avait assuré un remplacement de dernière minute) d'Eric Cutler, je savais sa réussite dans le Lohengrin bruxellois, mais je ne pouvais imaginer une telle réussite dans l'éprouvant rôle de Bacchus. Du chant, partout (quand d'autres n'offrent que du cri), une voix longue et ductile, des "Circe !" splendides. Une superbe performance, et je peux dire que j'ai entendu une solidité sans faille à chacune des représentations.

Josef Wagner

L'autre découverte, c'est la fabuleuse Lise Davidsen, déjà fêtée à Glyndebourne pour son exploit. C'est une des plus remarquables Ariadne que j'ai entendues, voix de miel, phrasé de grande classe, musicalité toujours présente. Elle fait exister le personnage par ses seules inflexions de voix, utilisant avec une grande intelligence une riche palette de couleurs.
C'est un vrai trésor, et je n'ose penser quelle Sieglinde (et quelle Brünnhilde !) nous aurons quand elle gravira les échelons.
A suivre, et à ne pas lâcher !

J'ai failli oublier Marc Albrecht, chef attentif qui souligne les transparences de cette musique, et l'Orchestre de Paris qui semble se délecter de jouer cette musique en fosse.

4 commentaires:

  1. It seemed to be great. Lovely young artists who are smiling to you. Thanks for this wonderful post.
    Annie

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  2. Un riche article, avec une critique très complète de ce spectacle.
    Michèle

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